Parmi les quelques prérogatives que détient l’Assemblée des Français de l’Etranger, la principale est celle d’être informée par le Gouvernement des dispositions liées aux Français de l’étranger, et au premier chef le projet de loi de finances et celui de la loi de financement de la Sécurité sociale de l’année à venir. Mais pour le budget 2023, il a été annoncé à la commission dédiée à l’AFE lors d’une réunion préparatoire que la session réunissant les 90 conseillers la semaine prochaine à Paris se tiendra en l’absence d’éléments budgétaires ! Une première, signe que les Français de l’étranger seront les perdants de la loi de Finances 2023 ?
« Je demande seulement au ministère du budget de respecter la loi et de nous fournir à temps les informations budgétaires nécessaires«
Renaud Le Berre, président de la commission des finances, du budget et de la fiscalité
Une institution consultative
L’Assemblée des Français de l’Etranger est l’institution représentative des Français établis hors de France. L’AFE est un organe consultatif comprenant 90 conseillers élus parmi les 442 conseillers des Français de l’étranger, élus lors des élections consulaires par les citoyens, pour un mandat de 6 ans. Son mode de représentation est calqué sur le Sénat.
Ainsi l’Assemblée des Français de l’étranger donne des avis consultatifs au gouvernement sur la situation des Français établis hors de France et sur toute question consulaire ou d’intérêt général, notamment culturelle, éducatif, économique et sociale. Elle peut prendre l’initiative de réaliser des études comme elle peut être consultée sur les sujets relatifs aux Français de l’étranger par le président de l’Assemblée nationale et celui du Sénat.
L’AFE est organisée autour de 6 commissions thématiques, qui rendent chaque année des rapports sur des sujets compris dans leur champ de compétence :
- La commission des finances, du budget et de la fiscalité ;
- La commission du commerce extérieur, du développement durable, de l’emploi et de la formation ;
- La commission de l’enseignement, des affaires culturelles, de l’audiovisuel extérieur et de la francophonie ;
- La commission des lois, des règlements et des affaires consulaires ;
- La commission de la sécurité et de la protection des personnes et des biens ;
- La commission des affaires sociales et des anciens combattants.
Les rapports adoptés par les commissions peuvent prendre la forme de résolutions votées en session plénière par l’ensemble des conseillers de l’AFE.
Chaque année, la commission des finances du budget et de la fiscalité, présidée par Renaud Le Berre, depuis l’année dernière et le renouvellement de l’AFE, prépare un rapport sur le projet de Loi de Finances qu’elle soumet aux élus réunis lors de la séance plénière afin d’émettre un avis à destination du gouvernement avant le vote au parlement. Mais, cette année, comment le faire sans avoir les données ?
Mobilisation des élus
Du côté des élus, l’étonnement fut unanime. Les sénateurs, de tous bords, se mobilisent actuellement pour que la fameuse note Achille soit transmise à l’AFE avant l’ouverture de la session de la semaine prochaine. Ce document détaille les différentes enveloppes prévues dans le projet de loi de finances 2023 (que vous pouvez télécharger en fin d’article). Ainsi, les conseillers de l’AFE peuvent connaître la ventilation du budget dédié aux Français de l’étranger qu’on retrouve, en particulier, dans les programmes 151 et 185.
Chasser les effets d’annonce
Comme nous le précise, sous couvert de l’anonymat, une élue membre de la commission, en explorant en détail les budgets 151 et 185, les conseillers des Français de l’étranger peuvent chasser les effets d’annonce. Dans le collimateur, la répartition des nouveaux postes dont la création est prévue en 2023. Comme le rappelait Olivier Becht, Ministre délégué aux Français résidant hors de France, le gouvernement veut réarmer l’administration consulaire. Mais pour les élus de l’AFE (en majorité opposés à Emmanuel Macron), les nouveaux fonctionnaires iront renforcer le ministère à Paris et les ambassades au détriment de l’administration consulaire. Seule façon de s’en assurer, c’est d’analyser la fameuse note Achille.
« Les 100 nouveaux postes annoncés ne semblent pas être destinés au réseau consulaire qui en a vraiment besoin«
Renaud Le Berre, président de la commission des finances, du budget et de la fiscalité
Quid de la solidarité ?
L’autre point qui concentre tous les regards, c’est la solidarité nationale envers les Français résidant hors de France. Depuis le 01 septembre, l’aide exceptionnelle dans le cadre de la pandémie n’est plus distribuée. Cependant, après la Covid-19, c’est la guerre en Ukraine et l’inflation qui ont pris le relais.
Evidemment, l’idée n’est pas de faire supporter le coût de la vie des expatriés à nos compatriotes en France. Mais alors que certains sont confrontés à de lourdes difficultés dans des pays encadrant moins la montée des prix, les élus des Français de l’étranger espéraient un geste à destination de la classe populaire et moyenne.
Car pas besoin de partir à l’autre bout du monde pour s’apercevoir des conséquences de l’inflation. Par exemple, les Français travaillant en France mais vivant en Belgique sont pris dans un effet ciseaux avec d’un côté des salaires non indexés sur l’inflation mais des prix mieux contrôlés, et du côté belge des salaires indexés qui ont pour conséquence une augmentation des prix 2 à 3 fois supérieure à celle constatée en France. Ils sont donc pris à la gorge, entre les factures d’énergie qui ont été multipliées en moyenne par 4 et l’essence dont le prix n’est pas soutenu à la différence de la France.
Et les exemples se multiplient pour les frontaliers mais aussi bien plus loin comme au Liban ou en Israël où là c’est la chute de l’euro qui grève le budget de nos compatriotes. Dans l’Etat hébreu, la chute du pouvoir d’achat des retraités ou des cadres en mission (payés en euro dans ces deux cas) peut atteindre 20% sans compter l’inflation locale. D’ailleurs le député de la circonscription, Meyer Habib, a alerté sur des retours massifs qui pourraient avoir lieu dès la fin de cette année.
Là aussi, les élus n’auront aucune vision sur le budget qui pourrait être consacré aux associations caritatives qui ont pris le relais depuis le retrait de l’Etat. Mais là encore, la commission de l’AFE ne peut estimer l’effort de l’Etat sans avoir le détail des programmes précités. Pour l’instant, les premières analyses sont plutôt décevantes.
« Il semble qu’en termes réels, c’est à dire en élevant le taux d’inflation, le budget reste constant malgré les besoins«
Renaud Le Berre, président de la commission des finances, du budget et de la fiscalité
Du coté des ministères…
A Paris, du côté du Ministère des Français de l’étranger, on rappelle que c’est Bercy qui est souverain en la matière. Du côté des cabinets des ministres de l’économie et du budget, on nous indique que les fonctionnaires y travaillent d’arrache-pied mais que les ajustements de dernière minute n’ont pas permis de suivre le calendrier usuel. Il reste moins d’une semaine avant l’ouverture de l’AFE, Renaud Le Berre, comme les autres élus, espèrent qu’ils auront les éléments nécessaires à une bonne analyse et pourront ainsi jouer leur rôle de conseil au mieux.
« J’ai encore l’espoir de pouvoir travailler avec la Commission des finances, de la fiscalité et du budget avec la tant attendue note Achille«
Renaud Le Berre, président de la commission des finances, du budget et de la fiscalité