83 pays sont en train de déployer ou ont déjà commercialisé la « pré-5G ». L’Europe est à la traine et La France, elle, vient encore de repousser de six mois l’attribution des fréquences.
Si la standardisation de la 5G ne sera pas achevée avant 2020, opérateurs et constructeurs de smartphones ont déjà commencé à attaquer ce marché. Le GSA (Global Mobile Suppliers Association) a identifié dans son dernier rapport 201 opérateurs dans 83 pays expérimentant, déployant ou commercialisant de la pré-5G contre 154 opérateurs recensés au mois d’août dernier.
Les Américains et la Corée en tête
11 opérateurs ont lancé la 5G en service limité, qu’il s’agisse d’un usage mobile ou fixe. Il s’agit de : AT&T (Etats-Unis), Elisa (Finlande et Estonie), Etisalat (Emirats arabes unis), Fastweb et TIM (Italie sur les sites de Matera et Bari mais pour des partenaires uniquement), LG Uplus (Corée du Sud), KT (Corée du Sud), Ooredoo (Qatar), SK Telecom (Corée du Sud), Verizon (EU) et Vodacom (Lesotho). Globalement, on note une prédominance des Américains et des Coréens.
Les attributions de fréquences en 2020
Ces services sont toutefois limités géographiquement, touchent très peu de clients et n’offrent pas la possibilité de se connecter directement avec un smartphone du commerce. Il s’agit soit d’un accès public à un réseau Wi-Fi pour un usage mobile, soit de FWA (Fixed Wireless Access) permettant de se connecter chez soi au réseau mobile pour sa connexion fixe afin de pallier l’absence de fibre optique. Le GSA souligne également que certains acteurs n’ont pas adop;té les standards déjà définis par le 3GPP. C’est le cas de Verizon qui a développé sa propre solution. Elle pourra être mise à jour dans le futur. Sept autres opérateurs mobiles ont déclaré avoir activé des stations de base 5G, sans avoir l’intention d’ouvrir immédiatement des services commerciaux.
En France, il n’est pas question de lancer la 5G avant 2020. Dans la torpeur d’un grand débat national poussif, les Français, eux, ont été classés en deux catégories par le gouvernement : dans les zones denses la 5G, ailleurs la 4G (SIC) Mais le calendrier a pris six mois de retard. La secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie et des finances Agnès Pannier-Runacher a déclaré en janvier lors des vœux de l’Arcep que les attributions des fréquences se feraient début 2020 pour un déploiement dans la foulée afin d’assurer, au plus vite, le confort des métropoles et de leurs populations hyperconnectées, hyperéduquées et tournée vers les services, clientèle captive d’un monde inventé par d’autres – par les GAFAM, les BATX et les prochaines licornes américaines ou asiatiques pour les objets connectés mais aussi par le chinois Huawei pour la fourniture du déploiement de la 5G. Acteur majeur du nouveau marché de la 5G, Huawei est accusé par Donald Trump d’espionnage au profit des chinois.
Les déboires américains auront t ils un impact sur la 5G dans le monde ?
Le timing de cette décision interpelle. La semaine dernière, les États-Unis ont décidé de bloquer l’accès de Huawei aux technologies américaines. Ce très rude coup porté au géant chinois des équipements télécoms et des smartphones est intervenu à un moment clé. Malgré un très fort lobbying de Washington pour forcer l’Europe à chasser, comme lui, Huawei des réseaux 5G, plusieurs pays – dont la France, l’Allemagne, et surtout le Royaume-Uni, allié traditionnel du pays de l’Oncle Sam – ont décidé de ne pas s’aligner sur les États-Unis. Leurs opérateurs télécoms devraient donc, sous certaines conditions, pouvoir recourir aux équipements de Huawei pour déployer la prochaine génération de communication mobile.
Mais, dans le contexte actuel, vont-ils toquer à la porte du groupe chinois ? Même si Huawei est un incontestable leader dans la 5G, les opérateurs peuvent craindre que ses déboires avec les États-Unis mettent en péril son activité. Dans ce cas, les opérateurs européens pourraient massivement privilégier ses concurrents, en particulier Ericsson et Nokia. Cette perspective, bien sombre pour le groupe chinois, n’est pas à écarter. Selon plusieurs experts, c’est la survie même de Huawei qui est désormais en jeu. Le cabinet Eurasia Group juge qu’« en cas de coupure totale de l’accès à la technologie américaine », le dragon chinois « ne survivrait probablement pas sous sa forme actuelle ».
Huawei honorera-t-il ses contrats ?
Outre ses problèmes dans les smartphones (Google a coupé les ponts avec Huawei en le privant d’Android, son système d’exploitation, ce qui pourrait plomber ses ventes de terminaux à l’international), le groupe chinois est aussi en danger dans les équipements télécoms. Les fabricants américains de semi-conducteurs, comme Qualcomm, ont annoncé l’arrêt des livraisons au géant de l’Empire du Milieu. Un problème pour Huawei, qui va devoir trouver de nouvelles sources d’approvisionnement. L’année dernière, ZTE, un autre équipementier télécoms chinois, a lui aussi été confronté à une interdiction d’acheter des composants électroniques américains. Il en avait payé le prix fort : il a été contraint d’interrompre un temps ses activités, et a aussi perdu des clients. En décembre dernier, ZTE a vu son plus important contrat en Allemagne, avec Telefonica Deutschland, s’envoler.
Pour éviter un même effet domino dévastateur, Huawei a indiqué qu’il avait pris des mesures pour ne pas manquer de semi-conducteurs. Le groupe affirme disposer d’un an de stock. Conscient que certains opérateurs s’interrogent sur sa capacité à faire face à leurs commandes, le groupe s’est voulu rassurant. Ce mardi, Abraham Liu, le représentant de l’équipementier à l’Union européenne, a joué les pompiers. A l’en croire, Huawei dispose « de toutes les capacités nécessaires pour honorer ses contrats en cours, tout comme ceux à venir ». « Il n’y aura aucun retard sur la 5G », a-t-il renchéri. Avant de bomber le torse : « Nous sommes à pleine charge. »
L’Europe redoute un retard dans la 5G
Reste que si les opérateurs européens devaient massivement tourner le dos à Huawei pour des raisons économiques ou de sécurité nationale, ce n’est pas seulement ce dernier qui en pâtirait. Mais aussi, plus globalement, le Vieux Continent, qui pourrait prendre du retard dans la 5G. Dans une note confidentielle citée il y a quelques mois par l’agence américaine Bloomberg, Deutsche Telekom, l’opérateur historique allemand et numéro un européen des télécoms, a tiré la sonnette d’alarme. Selon ses dirigeants, sans Huawei, l’Europe pourrait perdre un à deux ans dans le déploiement de la 5G.
En outre, un Huawei en grande difficulté ne ferait pas, c’est peu dire, les affaires de la Chine. Si son champion des équipements télécoms était trop affaibli, le pays pourrait lui-aussi prendre du retard dans la 5G. Ce serait un véritable camouflet pour la Chine, engagée dans une féroce bataille avec les États-Unis pour être le premier pays à disposer de la prochaine génération de communication mobile. Laquelle est perçue comme un catalyseur économique essentiel dans les années à venir.
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