La France a accueilli fraîchement le recours à l’article 49-3 de la Constitution annoncé samedi après-midi par le Premier ministre afin de faire adopter la réforme des retraites, en force, sans débat, ni vote parlementaire.
Un nuage de gaz lacrymogène à Toulouse (Haute-Garonne). La permanence d’Édouard Philippe caillassée au Havre (Seine-Maritime). Quelques insultes à Lille (Nord). Et des chants contestataires à Paris. Évidemment balancés depuis le pont de la Concorde, juste en face de l’Assemblée nationale.
Une nécessité pour le Premier Ministre, face « aux dizaines de milliers d’amendements qui, pour l’essentiel, n’avaient pas d’autre but que de bloquer l’examen du texte. » D’après les prévisions gouvernementales, il aurait encore fallu aux députés consacrer sept semaines de travail – nuits et week-end compris – pour venir à bout de l’examen des amendements déposés en grande partie par La France insoumise et les communistes. « Je n’ai pas le sentiment que notre démocratie puisse se payer le luxe d’un tel spectacle… », a donc taclé Édouard Philippe pour justifier son choix.
Deux motions de censure débattues à l’Assemblée nationale
Pas de souci, en revanche, pour s’offrir une nouvelle période de tensions autour de ce texte qui en a déjà connu tant en l’espace de deux ans de « concertation ». Ce sont d’ailleurs les syndicats qui pourraient allumer la première mèche. Si la CFDT a simplement évoqué, dans Le Parisien, sa volonté de « se battre sur le contenu du texte », la CGT entend, elle, (re) passer aux actes. Dès ce lundi matin. Philippe Martinez a ainsi annoncé la tenue d’une réunion de l’Intersyndicale (CGT, FO, Solidaires, FSU et organisations de jeunesse) pour discuter d’une nouvelle mobilisation, à venir « cette semaine ».
« C’est une manière d’instrumentaliser le débat et de relancer le mouvement dans la rue mais cela ne fonctionnera pas, veut croire Didier Paris, député La République en marche de la 5e circonscription de Côte-d’Or, qui soutient le choix du Premier ministre. Je me rendrai tristement à l’Assemblée nationale cette semaine. Mais je m’y rendrai sereinement… »
Et pourtant, certains comptent bien électriser les débats. En sus de la mobilisation syndicale, le gouvernement va également devoir faire face, vraisemblablement mardi après-midi, à deux motions de censure distinctes déjà déposées par Les Républicains et les groupes de gauche (LFI, Communistes, PS). Évidemment, en dehors d’une joute verbale au Palais-Bourbon, cela n’aura aucune conséquence, le groupe LREM disposant d’une confortable majorité dans l’Hémicycle pour les rejeter.
Préparer les esprits à une défaite aux municipales
Depuis 2017, le groupe parlementaire LREM a vu partir une petite vingtaine de députés. Surtout, il y a des candidats aux municipales dissidents dans un tiers des villes de plus de 50.000 habitants. Signe d’un malaise chez LREM ?
Et une défaite en perspective ? En ayant recours à l’article 49-3 à deux semaines du premier tour des municipales, Édouard Philippe n’a-t-il pas commencé à préparer les esprits à des résultats décevants à venir pour son parti ?
« Le soir de la défaite, on dira que c’est à cause de la réforme des retraites, pronostique ainsi Stéphane Rozès. Oui mais pas seulement. C’est aussi parce que le lien entre le pays et Emmanuel Macron est profondément délité depuis la crise des « gilets jaunes » à vrai dire. » Beaucoup moins bruyants que par le passé, ceux-ci sont d’ailleurs sortis de leur réserve depuis samedi pour appeler à multiplier les manifestations, y compris en semaine, au nom du « droit à l’insurrection ».
Laisser un commentaire