Xi voit rouge, Trump rit jaune, le monde pâlit.

Xi voit rouge, Trump rit jaune, le monde pâlit.

Qui gagnera dans le choc des empires ? « Le drapeau de la résistance flotte sur Phnom Penh » titrait Libération il y a cinquante ans, célébrant les Khmers rouges. Est-ce pour raviver cet esprit de résistance que Xi Jinping a rendu visite au Roi et au Premier ministre cambodgiens ? Ces Communo-capitalistes ont affirmé conjointement « s’opposer résolument aux forces extérieures qui s’ingèrent dans les affaires intérieures, sèment la discorde et sapent les relations entre nations ». Pan sur le Trump. Étrange rappel d’un massacre de 2 millions de morts (un quart de la population cambodgienne). La Chine détient un tiers de la dette cambodgienne. Outre le fidèle Cambodge, Xi a visité le Vietnam et la Malaisie, tandis que les garde-côtes chinois enserraient Taïwan, l’île des puces électroniques. Les nœuds coulants sont de toute sorte : verbe, or, acier.  

Trump a taxé la Chine à hauteur de 145%. Elle a répliqué en taxant les produits américains à 125%. Adepte des montagnes russes, Donald a ramené, pour trois mois, les droits des autres pays, Cambodge ou Union européenne, à 10%. Comme les joyaux de l’économie américaine, comme Apple, s’effondraient, il a exonéré les produits électroniques. Un tiers des produits importé aux États-Unis viennent de Chine. Les taxer provoque une récession aux États-Unis, en Chine, dans le monde.

Au lieu de fédérer ses alliés, Trump incite le monde à trouver des accords avec Xi Jinping.

La tournée de Xi vise à utiliser le Viet Nam et le Cambodge pour contourner les droits de douane, circuit qui fit ses preuves lors de Trump 1. Raison qui pousse Trump II à taxer le monde entier.

La Chine a d’autres atouts. Par exemple, en taxant le soja : elle est le premier client des fermiers qui ont voté Trump. Elle amplifiera ses achats au Brésil, les Européens achèteront le soja américain. Il y a toujours des moyens de profiter du désordre.

La Chine a suspendu les exportations des « terres rares », dont elle contrôle 90% de la production. Sans compter les effets induits. Par exemple, les États-Unis importent un quart de leur cuivre du Canada. Or le Canada, visé par Trump, réplique. Le cuivre sera plus cher ? Au lieu de fédérer ses alliés contre la Chine, il les punit, incite le monde entier à trouver des accords avec Xi Jinping.

Ne regarder que le commerce des biens revient à observer un paysage sans les couleurs.

Qui, en cas de guerre commerciale, peut tenir le plus longtemps ? Normalement, les États-Unis. La dette américaine, son point faible, (36.000 milliards de $, 120% du PIB américain) n’est détenue que pour un tiers par des étrangers, essentiellement le Japon (13%). La Chine n’en a que 2%.

Contrairement à ce que dit Trump, les États-Unis ont gagné à la mondialisation. Leur PIB a été multiplié par cinq depuis 1990. Il y a 30 ans, l’économie américaine était au niveau de l’Europe. Aujourd’hui, elle la dépasse d’un tiers. Hier, la Chine devait devenir la première économie mondiale. Ces cinq dernières années, l’écart entre le produit intérieur brut américain et chinois s’est creusé. Entre 2020 et 2024, le PIB américain passe de 21.000 milliards de dollars à 30.000. Celui de la Chine de 15.000 à 20.000. L’écart passe de 6 à 10.000 Milliards. Les entreprises américaines représentent plus de 50% des bénéfices mondiaux du secteur de la haute technologie; les entreprises chinoises 5%. Ne regarder que le commerce des biens revient à observer un paysage sans les couleurs.

Aucune entreprise mondiale ne peut se passer des composants fabriqués ailleurs.   

Si Trump n’était pas là, les entreprises américaines remporteraient le match. Ce sont les entreprises qui échangent, non les États. Aucune entreprise mondiale ne peut se passer des composants fabriqués ailleurs. Aucun avion, aucun ordinateur, aucune voiture ne fonctionne sans cette coopération internationale trop complexe pour être planifiée, qui s’organise par les milliards de connexions invisibles du marché.

Les États-Unis sont les mieux armés, sauf à déconstruire leurs atouts : dollar, libre-échange, science, alliances. La Chine veut récupérer les abandonnés de l’Amérique, en Asie, en Afrique, en Amérique latine. L’Europe pourrait le faire mieux qu’elle.

Trump pensait détacher la Russie de la Chine. Coupler, avec le pétrole, un deal russe avec un deal arabe. Russie d’un côté, Iran de l’autre, fixeraient l’Arabie saoudite sous sa protection et conduirait à une paix de haute valeur ajoutée avec Israël. Rien ne marche. Qui peut croire que des mercenaires chinois sont engagés par Poutine sans que Pékin ne les y conduise ? Les Russes ne quitteront pas les Chinois. Les Iraniens ne lâchent pas les Houthis, toute proposition américaine est transmise à leur allié stratégique et premier client : Monsieur Xi.  Ils agitent en revanche réseaux irakiens et jordaniens, les Frères d’Égypte et de Turquie.

Trump pensait détacher la Russie de la Chine. Coupler, avec le pétrole, un deal russe avec un deal arabe.  

La Chine se bat. Tel est le message. Xi évoque Phnom Penh, Saïgon, la guerre de Corée et Mao pour rappeler que les Chinois peuvent souffrir. Et ne croit pas que les Américains en soient capables.

La guerre économique relève d’un concept idiot. Les rêves d’empire sont des mirages. Les petits États ne sont pas des anomalies, ils durent. Sont plus heureux, souvent, que les grands. Ainsi, le Danemark, souverain au Groenland, au sommet des indices de bonheur brut, est un des plus anciens États de la planète. Au contraire, « tout empire périra ». Comme la Chine, dix fois éclatée. Ou les États-Unis, emportée par la force ?

Dans une guerre commerciale inutile, les neutres ont une chance. Vietnamiens, Cambodgiens, Brésiliens, Indiens, bien d‘autres, s’ils servent d’intermédiaires aux belligérants, Européens.

Hier, ils voyaient tout en noir. Aujourd’hui, ils grisaillent. L’Allemagne a compris. Ils sont enfin d’accord pour créer un outil financier, le « Mécanisme Européen de Défense ». Avec les Britanniques, sans les Américains. Impensable il y a un an. Les voilà en Kaki. Désormais la transition écologique vise moins à sauver la planète qu’à garantir l’indépendance énergétique. Les Allemands bougent sur le nucléaire. La peur fait pâlir,  l’action donne des couleurs.

Les initiatives de la France dérangent. Elle a l’honneur d’être une cible.

Les initiatives de la France, sur l’Ukraine, avec le Royaume-Uni et l’Allemagne, au Moyen-Orient avec l’Égypte et l’Arabie saoudite, dérangent. Elle a l’honneur d’être de plus en plus ciblée en matière de désinformation. Trump abandonne Voice of América, Radio Poutine s’enflamme. La désinformation ne date pas d’hier, en témoignent les admirateurs des Khmers rouges. L’antiaméricanisme d’avant, l’antieuropéisme d’aujourd’hui autorise bien des crimes.   

En 1975, donc, Phnom Pen était libérée. Les Américains abandonnaient Saïgon. L’Armée Populaire chinoise massacrait quelques milliers de civils musulmans à Shadian sans émouvoir le monde arabe. Par-dessus tout, Deng ouvrait la Chine au monde en annonçant ses « Quatre modernisations » : défense nationale, industrie, science et technologie, agriculture. Cette même année, Bill Gates fondait Microsoft. Voilà comment change le monde.

Deng annonçait les « Quatre modernisations ».  Bill Gates fondait Microsoft. Voilà comment change le monde.

Selon les dissidents Chinois, la « cinquième modernisation », s’appelle la démocratie. Impensable ? En Chine, en Russie ? Dans le bouleversement du monde, tout peut arriver, de mauvaises surprises, des bonnes.

Si l’Ukraine, avec sa nouvelle industrie de défense, fait barrage avec ses drones aux vagues mercenaires russes, si l’Europe monte en puissance pour défendre sa sécurité et celle du monde, alors ce combat – un enjeu de civilisation – évitera le choc des empires. Une bonne nouvelle pour le monde : La « cinquième modernisation » donnerait des couleurs à la révolution digitale.  

Laurent Dominati
Laurent Dominati

Laurent Dominati

a. Ambassadeur de France

a. Député de Paris

Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press et de l’app finançière France Pay

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