Voter pour qui ou voter pour quoi ?

Voter pour qui ou voter pour quoi ?

La campagne a bien démarré. Les parrainages s’accumulent, déclarations, meetings et commentaires aussi. Pourtant, quelque chose dérange. Selon l’IFOP, 54% des Français estiment que la démocratie fonctionne mal en France. De son coté, The Economist dans son index annuel de la démocratie, basé sur soixante critères,  attribue à la France une modeste 24ème place, derrière le Costa Rica, juste devant Israël, l’Espagne le Chili et les Etats-Unis, toutes, comme la France, « démocraties imparfaites ». 

Dans l’étude de l’IFOP, 84% des personnes interrogées estiment que les citoyens devraient prendre une part plus importante dans les décisions. Les solutions ? Enseigner la démocratie et la participation  pour  49%, recourir aux référendums locaux et nationaux (49%), adapter la prise de décision locale à la spécificité de chaque territoire (48%). Ce qui revient à dire que la démocratie ne souffre donc pas d’un désintérêt, mais d’un manque de pratique.

54% des Français estiment que la démocratie fonctionne mal 

Une autre pratique démocratique est elle possible en France ? Aux Pays-Bas, en Allemagne, en Italie, en Belgique, Espagne, les gouvernements sont issus de coalitions, ce qui oblige à des compromis, permet une plus grande représentativité et contraint aux responsabilités. En France, la majorité repose sur un socle étroit, bien plus étroit que les votes contestataires de partis, à l’extrême droite et à l’extrême gauche, qui n’ont jamais été associés à la gestion des affaires publiques. 

Le centralisme jacobin se double d’un millefeuille de pouvoirs locaux recouvert d’un manteau préfectoral inédit dans le monde, tandis que le dirigisme économique fait curieusement consensus. L’aspiration démocratique telle qu’elle apparait dans les études de l’IFOP, de la Fondapol ou The Economist sur les carences de la « gouvernance » à la française tendent au même constat : Le pouvoir est trop concentré, les citoyens trop éloignés. Et le résultat n’est pas très efficace.

Dans cette élection présidentielle, chacun va de sa dernière mesure, espérant qu’elle va attirer le regard, gommant la différence entre Président, gouvernement, parlement. Erreur : le Président ne devrait pas avoir de programme, seulement des principes, des priorités, et une ambition, ce qui est très différent d’une prime au travail ou d’un taux d’imposition. D’autant que l’avenir étant ce qu’il est -imprévisible- personne ne peut proposer un « programme » sérieusement.

Rendre la démocratie plus proche, plus efficace, est-ce possible ?

La verticale du pouvoir est à ce point tendue que l’élection ressemble plus à un concours de personnalités qu’à un débat d’idées, dans un pays pourtant réputé aimer les débats et les idées. Ce n’est pas la faute des candidats, mais de ceux qui croient que le Président décide des salaires autant que des programmes scolaires.

Rendre la démocratie plus proche, plus efficace, est-ce possible ? En ce moment, les Suisses votent sur quatre sujets : subventions aux médias, publicité sur le tabac pour les mineurs, suppression du droit de timbre pour les entreprises, interdiction de la recherche sur les animaux. Des questions qui ne sont pas simples, qui touchent au pluralisme, à la fiscalité, à la recherche, à la santé, à la liberté… Dernièrement, ils ont approuvé le mariage pour tous, la PMA, rejeté la taxation des plus-values, accepté les lois d’urgence sur la Covid (en France, le Parlement a validé les lois d’urgence jusqu’en juillet prochain). Lutte contre le changement climatique, négociations européennes, temps de travail, tout cela se discute à coups de référendum. 

A regarder les résultats, les propositions les plus démagogiques (sur les retraites, le temps de travail, les impôts, le droit des étrangers par exemple) sont systématiquement rejetées. La maturité du citoyen est plus solide que celle de bien des faux tribuns.

Le métier de citoyen en Suisse 

Plutôt que de disserter sur le charisme, la stratégie, la personnalité des candidats, les Suisses votent sur des propositions. Voter pour qui ou voter pour quoi ?  

En France, le prochain président pourra compter sur un quart des suffrages exprimés, et de trois quarts d’opposants. Il aura tous les pouvoirs, et presqu’aucun. 7000 Gilets jaunes pourront menacer Paris, 3000 zadistes rejeter un aéroport approuvé par tous les élus et autres institutions. (A la fin, les zadistes convainquent le Président).

Imagine-t-on, en France, voter sur la PMA, les taux d’imposition, le nucléaire, les plans d’urbanisme? Les maires, comme les Présidents de région, ont été élus avec moins de 50% des inscrits. A chaque fois, le vainqueur prend tout. Est-ce logique ? La proportionnelle n’obligerait-elle pas à s’entendre plutôt que d’accuser les différences?

Ne peut-on reprendre le chemin de la décentralisation, tenter, enfin, de vrais pouvoirs locaux ? Le mille-feuilles administratif pèse et paralyse.  L’Etat se réserve la part du maître en divisant les pouvoirs et en tenant la bourse. 

La démocratie est un tout. Elle est locale et transversale : peut-on changer l’école sans modifier son mode de fonctionnement, sa gouvernance, y faire jouer un autre rôle aux parents ? Les Français de l’étranger le savent bien, eux qui sont soumis à des diktats obscurs, à des ponctions arbitraires, mais qui bénéficient aussi de modèles différents, plus autonomes, plus divers. 

Les Français de l’étranger votent peu. Les élus consulaires, aussi actifs puissent-ils être, sont peu écoutés. L’Assemblée des Français de l’étranger a peu de moyens. Même les subventions sont décidées unilatéralement par le ministère. 

Enseignement, fiscalité, CSG, l’élection présidentielle est donc le vrai moment pour interpeller le « sommet ».

Pour interpeller le sommet, une mobilisation spéciale   

Comment améliorer la démocratie, si ce n’est par l’interpellation? Lesfrancais.press a mobilisé des journalistes pour interroger les candidats ; des interviews exclusives avec des questions précises pour les Français de l’étranger.

Nous avons également créé une consultation auprès des seuls Français de l’étranger, renouvelée vague par vague. Vous êtes invités à y participer et à la consulter : + de 3000 réponses. Vous pouvez recevoir les premiers résultats dans le bulletin spécial « n°2 » pour les Présidentielles, avec un dossier sur les propositions des candidats concernant la fiscalité.

France, démocratie imparfaite ? Elle peut donc s’améliorer. Si Norvégiens, Néo-zélandais, Finlandais, Suédois, Islandais, Danois, Irlandais, Taïwanais, Suisses, Australiens, Néerlandais, Uruguayens, Luxembourgeois, Allemands, Coréens, Japonais, Britanniques, Mauriciens, Autrichiens sont mieux gouvernés, c’est que nous pouvons faire des progrès.

Ces pays sont généralement plus riches que leurs voisins. Ce n’est pas parce qu’ils sont riches qu’ils sont libres, c’est parce qu’ils sont libres, qu’ils sont bien gouvernés, et qu’ils deviennent plus riches.

Faire grandir la démocratie, c’est l’enjeu le plus important de cette élection présidentielle. 

Nous y contribuons à notre façon. Et si vous ne pouvez pas voter pour nous, vous pouvez toujours vous abonner. Pour la 200ème édition, ce serait une bonne idée ! 

Laurent Dominati
Laurent Dominati

Laurent Dominati

a. Ambassadeur de France

a. Député de Paris

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