Vent de folie sur un air de déjà-vu

Vent de folie sur un air de déjà-vu

Crise sanitaire, guerre en Europe et au Proche-Orient, montée du populisme et du protectionnisme, fragmentation des sociétés… Ce début de XXIe siècle ressemble, par certains aspects, à son prédécesseur.

Une démocratie en danger ?

La démocratie, régime politique reposant sur le pluralisme des opinions et le respect de l’État de droit, semble aujourd’hui fragilisée par la succession des crises. Comme dans les années 30, la tentation est au repli sur soi et à la recherche de boucs émissaires. Les campagnes électorales, en particulier en France et aux États-Unis, donnent lieu à une surenchère en matière de promesses rarement vue depuis le début des années 1980. La faiblesse des salaires, les difficultés d’accès au logement, l’insécurité, la baisse de qualité des services publics et la désertification rurale sont durement ressenties. Quelle que soit leur étiquette partisane, les gouvernements successifs n’ont pas été en mesure d’apporter des réponses tangibles à ces problèmes, alimentant une large défiance et un profond sentiment d’injustice. S’il corrige nombre d’inégalités, l’État providence, dont le poids n’a jamais été aussi élevé au sein des pays occidentaux, génère aussi de la jalousie et des rancœurs.

La démocratie est également menacée par la désagrégation des sociétés. Des mondes parallèles se sont institués : les urbains, les rurbains, les ruraux, les néoruraux, les « wokistes », les « antiwokistes », etc. Chacune de ces communautés se considère comme porteuse d’une vérité universelle, aidée en cela par l’essor des réseaux sociaux. Lieu naturel du débat démocratique et de la représentation, le Parlement est devenu un terrain de guerre dans de nombreux pays. À quelques jours de l’ouverture des jeux olympiques de Paris, il n’est pas inutile de se rappeler la formule de Pierre de Coubertin « l’important ce n’est pas de gagner mais de participer ».

« Quand l’ambition disparait… »

Aujourd’hui, la politique semble s’être éloignée de l’esprit olympique pour retrouver les accents d’un passé que nous pensions révolu. La violence des débats, les attaques personnelles et le recours à la manipulation sont devenus légion. En 1944, après leur victoire sur le régime nazi, et face au régime soviétique, les alliés avaient décidé de renouer avec les vertus traditionnelles de la démocratie. Ils avaient également fait le pari de la libéralisation des échanges économiques et de la coopération entre les États. Ces choix courageux ont permis la reconstruction et l’engagement d’un cycle de croissance sans précédent en Europe.

Aujourd’hui, face aux États-Unis, à la Chine, et à de nombreux États émergents, les États européens n’ont, seuls, aucun avenir. Confrontés au vieillissement démographique et après avoir manqué les dernières révolutions technologiques, la dernière erreur à commettre serait le démantèlement de l’Union européenne. Si celle-ci n’a pas répondu totalement aux attentes, ce n’est pas dû à sa supposée hégémonie mais bien au contraire à son sous-dimensionnement. Depuis la création de la monnaie unique, aucune avancée importante n’a été réalisée. Depuis 30 ans, les rares progrès n’ont été obtenus que face à l’urgence et la souffrance. Quand l’ambition disparaît, les institutions politiques, surtout les plus jeunes, sont menacées de dégénérescence.

La crise actuelle ne pourra être dépassée qu’avec une remise en cause du mode de fonctionnement des institutions et de leurs pratiques. Cette remise en cause devra s’accompagner d’un renforcement des coopérations que ce soit sur le plan de l’énergie, de la recherche, de la défense ou des financements. D’autres dossiers devraient être examinés également au niveau européen, comme ceux liés à l’emploi ou la retraite. Il faut redonner toute sa valeur à la politique. En Europe comme ailleurs, la politique doit retrouver sa valeur cardinale, celle de l’organisation et de l’exercice du pouvoir dans une société pacifiée.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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