Le ministre chinois du Commerce, Wang Wentao, et le commissaire européen au Commerce, Valdis Dombrovskis, s’apprêtent à entamer des discussions difficiles ce jeudi 19 septembre en amont d’un vote décisif des États membres de l’UE prévu la semaine prochaine.
La visite à Bruxelles de Wang Wentao, après de brefs passages en Allemagne et en Italie en début de semaine, est un ultime effort avant le vote du 25 septembre sur la mise en œuvre définitive des droits de douane de 35,3 % sur les véhicules électriques (VE) chinois proposés par l’exécutif de l’UE.
Selon les rapports de la Chambre de commerce chinoise auprès de l’UE (CCCEU), Wang Wentao a déclaré aux constructeurs automobiles chinois et européens, lors d’une réunion à Bruxelles mercredi, que les relations commerciales entre la Chine et l’UE se trouvaient désormais à un « carrefour », avec « une voie menant à l’ouverture et à la collaboration [et] l’autre au protectionnisme et à l’isolation ».
Le porte-parole de la Commission, Olof Gill, a confié à Euractiv mercredi que la Commission restait « ouverte à une solution négociée […] à condition qu’une telle solution soit adéquate et efficace pour répondre au risque de préjudice pour l’industrie de l’UE que nous avons établi dans notre enquête ».
La Commission européenne soutient en effet que les droits de douane sont nécessaires pour protéger les constructeurs automobiles européens contre les concurrents chinois injustement subventionnés.
Le soutien des États membres mis en doute
Afin d’empêcher l’introduction des droits de douane pendant cinq ans à compter de la fin du mois d’octobre, quinze sur 27 États membres, représentant au moins 65 % de la population de l’Union, doivent voter contre. Olof Gill a déclaré que la Commission n’est ni pessimiste ni optimiste à propos du vote.
Lors du premier vote non contraignant sur les droits de douane proposés, début juillet, l’Allemagne s’est abstenue, tandis que l’Espagne a voté en faveur. Seuls quatre États membres ont voté contre.
Cependant, les efforts déployés par Pékin pour persuader les capitales européennes de voter contre les droits de douane ont apparemment porté leurs fruits au cours de la semaine écoulée. Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez et le chancelier allemand Olaf Scholz ont tous deux soutenu l’appel de Pékin en faveur d’une solution négociée à ce différend.
Cependant, une personne proche du dossier a confié à Euractiv que l’Allemagne s’abstiendrait probablement à nouveau la semaine prochaine, à moins qu’un blocage ne soit susceptible d’être obtenu.
Après une réunion avec le ministre chinois du Commerce ,Wang Wentao, lundi 16 septembre, le ministre italien des Affaires étrangères Antonio Tajani a annoncé que Rome continuerait à soutenir la position de l’UE.
Alicia García-Herrero, membre senior du think tank Bruegel et économiste en chef de la banque d’investissement française Natixis, « ne pense pas que [la Chine] puisse affirmer qu’elle dispose de 15 voix, car ce serait beaucoup ». « Mais elle peut affirmer qu’elle est en train d’accumuler des voix », affirme-t-elle à Euractiv.
« Je pense qu’elle s’efforce de dire : “Écoutez, ce vote pourrait mal tourner pour vous. Vous pourriez perdre la face — négociez d’abord” », a-t-elle ajouté.
La Commission européenne s’est « réveillée »
Tobias Gehrke, chargé de mission au Conseil européen pour les relations internationales (ECFR), s’est montré sceptique quant à un changement de position de la Commission avant le vote.
« Je pense que cela discréditerait énormément la Commission si elle faisait marche arrière sur ce point », affirme-t-il à Euractiv.
« La Commission est assez déterminée, je pense, dans son approche à l’égard de la Chine : on peut dire qu’elle est assez belliqueuse, ou on peut dire qu’elle s’est réveillée. »
Tobias Gehrke a également noté que le soutien de l’Espagne et de l’Allemagne à une solution négociée pourrait avoir été influencé par les craintes de rétorsion chinoise en imposant des droits de douane sur le porc et les véhicules à moteur à combustion — des marchés d’exportation respectivement essentiels pour Madrid et Berlin.
« Je ne peux pas lire dans les pensées [de Pedro Sánchez]. Mais il est clair que la situation est très mauvaise. Il y a un compromis clair pour certains avantages nationaux qui discréditeraient la position de l’UE. Et puis, bien sûr, l’Allemagne s’en empare immédiatement. »
L’échec des engagements de prix
La visite de Wang Wentao fait suite à l’annonce faite par la Commission la semaine dernière concernant le rejet des « engagements de prix » des constructeurs automobiles chinois concernés — par lesquels ils s’engageaient à fixer des prix de vente planchers pour leurs VE afin d’éviter les droits de douane proposés — ajoutant lundi que le délai pour les offres de prix supplémentaires avait expiré le 24 août.
Aucun détail sur les offres de prix n’a été publié. Cependant, un porte-parole de la CCCEU, qui représente plus d’un millier d’entreprises chinoises opérant dans l’Union, a indiqué à Euractiv que les offres étaient « flexibles, constructives [et] très pratiques ».
Le porte-parole a également ajouté que les offres auraient été soutenues par un nombre significatif d’États membres, une affirmation corroborée par un diplomate de l’UE.
Plusieurs autres diplomates ont toutefois souligné que le soutien des États membres était largement « passif » dans le sens où les capitales de l’UE favorables à un règlement négocié n’ont pas été étroitement impliquées dans la décision de la Commission et n’ont pas exercé de pressions intensives sur Bruxelles pour qu’elle modifie sa position.
Une « bataille politique »
Cependant, étant donné que certains modèles se vendent à peine à 10 000 dollars en Chine, les experts ont également fait remarquer que, même si les droits de douane sont finalement imposés, il est peu probable qu’ils rendent les véhicules électriques chinois non concurrentiels.
Ils ont également souligné le contexte politique plus large de la réunion d’aujourd’hui, en particulier les tensions croissantes autour des liens de plus en plus étroits entre la Chine et la Russie, ainsi que le statut politique de Taïwan, une île autonome que Pékin revendique comme faisant partie de son territoire.
« Il ne s’agit pas de la marge […] qu’ils vont perdre. Il s’agit d’une bataille politique », a commenté Alicia García-Herrero. « Si l’Europe n’est pas capable de se ressaisir, […] [nous] n’arriverons pas à nous entendre sur quoi que ce soit. »
Pour Tobias Gehrke, la principale préoccupation de l’Europe à l’avenir ne devrait pas être la peur des représailles chinoises, mais plutôt la manière dont Pékin tentera d’éviter les droits de douane en investissant dans la fabrication de véhicules électriques en Europe.
« Même avec ces droits de douane, l’Europe aura besoin de mesures d’accompagnement pour s’assurer que les investisseurs chinois apportent une valeur réelle et locale », explique-t-il. « Cela signifie s’engager avec les fournisseurs locaux et ne pas se contenter d’assembler tout en gardant toute la valeur critique et les connaissances en Chine. »
Laisser un commentaire
Bonjour. Au Canada, et je crois aux Etats-Unis, les droits de douane pour les véhicules éléctriques chinois est de 100% …