Une ombre à Berlin sur la défense européenne

Une ombre à Berlin sur la défense européenne

Lors de la signature du Traité d’Aix la Chapelle en janvier dernier, l’heure était à l’optimiste concernant la création d’une Europe de la défense, dont l’embryon était nécessairement franco-allemand. Angela Merkel soulignait la nécessité d’une « approche commune », pour les programmes d’armement. Pourtant « l’approche commune » se heurte à des impératifs singuliers. Au point de provoquer une tribune, signée par l’Ambassadrice de France en Allemagne, Anne-Marie Descôtes, publiée par l’Institut Fédéral des Hautes Etudes de Sécurité à Berlin.

« La question des exportations d’armes est souvent traitée comme une affaire intérieure en Allemagne, ce qui a de graves conséquences pour notre coopération bilatérale en matière de défense et pour le renforcement de la souveraineté de l’Europe » s’inquiète la diplomate. En effet, CDU et SPD, partenaires au gouvernement, n’ont pas les mêmes exigences concernant les exportations d’armes. L’affaire Kashoggi et l’embargo qui a suivi sur les exportations d’armes vers l’Arabie saoudite, illustrent les blocages possibles pour les industriels. Tout matériel exporté avec une pièce fabriquée en Allemagne doit attendre l’autorisation de l’Allemagne pour être envoyée à son destinataire. Ainsi les Eurofighter Typhoon britanniques sont-ils bloqués, comme les missiles Meteor français, vendus à l’aviation saoudienne mais fabriqués avec certains composants allemands.

L’Ambassadrice de France explique que les restrictions allemandes s’imposent pour tous les pays et que cela crée une incertitude pour les pays clients, et donc les industriels.

« Si cette tendance se confirmait, cela aurait des conséquences graves et durables sur notre capacité à rapprocher les entreprises et à mettre en œuvre des programmes communs » écrit l’Ambassadrice.  « A court terme, ajoute-t-elle,  l’autonomie de l’Europe et ses moyens de lutter contre les menaces et de défendre sa sécurité et ses intérêts peuvent être menacés. » Enfin, lance-t-elle « Les relations franco-allemandes sont en jeu ».

A quoi pense-t-on: à l’avion du futur, -Système de combat aérien du futur (SCAF)-, le nouveau char de combat franco-allemand, le nouveau drone Malerpas. Tous  sont conçus comme des produits d’exportations. L’Ambassadrice avertit: « Si les exportations hors de l’UE sont bloquées par principe ou placées dans l’arbitraire des débats nationaux en cours dans l’un des pays partenaires, cela remet en question la viabilité à long terme de ces programmes. »

Ce qui est en jeu, au delà de la coopération industrielle franco-allemande, c’est tout simplement la création de l’Europe de la défense. Car elle ne peut exister sans autonomie industrielle. Imagine-t-on que chaque pays exige la même chose que les Allemands ? Faudrait-il attendre le feu vert de chaque gouvernement ?

Ce qui intrigue, au delà de la problématique soulevée par la diplomate, c’est le procédé employé. L’Ambassadrice n’écrit pas sans l’accord du gouvernement français. Celui-ci a suffisamment de liens avec l’Allemagne pour faire passer les messages directement. A moins que ce ne soit le gouvernement allemand qui ait suggéré à l’Ambassadrice de plaider sa cause. Ce qui signifie des débats intenses au sein de la coalition.

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