Une initiative internationale contre le protectionnisme

Une initiative internationale contre le protectionnisme

En 2020, nous avons connu une épidémie d’une ampleur sans précédent depuis la grippe espagnole de 1918, suivie d’un rebond économique digne des années folles. Depuis, le monde est confronté à un refroidissement sur fond de crises géopolitiques, de montée du protectionnisme, de la xénophobie et du populisme. En mode accéléré, nous semblons revivre le cycle infernal de l’entre-deux-guerres du siècle précédent. 

À Dublin comme dans plusieurs villes de France, des ratonnades de sinistre mémoire sont même de retour. Nous avons à espérer que la succession et la ressemblance des faits ne se concluent pas de la même manière qu’en 1939. Dans ce retour accéléré au passé, la nouvelle tentation du protectionnisme est l’une des plus dangereuses qui soit. Dans les années 1930, le recours à cet outil maléfique visait à protéger les emplois mis en danger par la grande crise de 1929. Aujourd’hui, pour certains, il serait le moyen de tirer un trait sur la mondialisation au nom du souverainisme économique ; pour d’autres, la faculté de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre.

Le protectionnisme est l’antichambre de la guerre

Dans les années 1930, la réduction des échanges a accentué la crise et a favorisé l’arrivée au pouvoir de dirigeants nationalistes en Allemagne, en Italie et au Japon. Faute de pouvoir compter sur le commerce international, ces pays ont souhaité conquérir de nouveaux territoires afin de s’approvisionner et d’augmenter leurs ressources et leurs débouchés commerciaux. 

Le protectionnisme est l’antichambre de la guerre. Les pères fondateurs de l’Europe l’avaient bien compris en plaçant les échanges au cœur de leur projet. Ils avaient été précédés dans cette démarche par l’ensemble des alliés qui, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, s’étaient engagés dans un processus de libéralisation des échanges à travers les accords du GATT afin d’éviter un nouveau conflit et de favoriser la croissance. Ce choix pris bien souvent contre les opinions publiques traditionnellement protectionnistes s’est avéré le bon. 

Le libre-échange a conduit à un essor sans précédent tant en Europe, au Japon et, depuis une quarantaine d’années, dans les pays émergents. Les États-Unis ont contribué à la croissance de l’économie mondiale en finançant, dans un premier temps, la reconstruction des pays européens puis, dans un second temps, grâce à leur déficit commercial. Le système a ainsi été gagnant-gagnant.

protectionnisme

En France, un salarié sur quatre travaille pour l’exportation

Refermer les frontières serait suicidaire. Loin d’être l’Austerlitz, ce serait un Waterloo économique. Le protectionnisme est un cercle vicieux dont il est difficile de s’extraire. Toute protection décidée par un État appelle des mesures de rétorsion et ainsi de suite. Les États-Unis, l’Europe et la Chine se rejettent la responsabilité de l’enclenchement de la guerre commerciale. Dans les années 1930, cette loi du Talion a abouti à une désagrégation du commerce international, les États européens ayant répliqué aux mesures protectionnistes américaines. Face aux mesures prises par les uns et les autres, sachant qu’évidemment, c’est toujours l’autre le coupable, la tendance naturelle est de surenchérir jusqu’au jour où tout commerce devient impossible. Or, il ne faut pas oublier qu’en France, un salarié sur quatre travaille pour l’exportation. Il ne pourrait pas y avoir d’agriculture française sans exportation et encore moins de construction d’avions. 

Le protectionnisme est synonyme de perte de pouvoir d’achat et de ralentissement du progrès technique. Ce sont les pays les plus petits et les plus pauvres qui en sont les principales victimes. Ce sont les ménages les plus modestes qui subissent à moyen et long terme les effets délétères du protectionnisme.

Un système de financement mondial sous la forme de droits de tirages spéciaux environnementaux

Pour enrayer l’engrenage infernal du protectionnisme qui se dessine, une initiative internationale serait nécessaire avec deux objectifs : garantir le respect des règles de concurrence loyale entre les pays et élaborer un système de financement international de la transition énergétique. 

La lutte contre le réchauffement climatique est un combat qui embarque tous les pays de la planète. Son succès suppose que la substitution des énergies renouvelables aux énergies carbonées soit réalisée de concert par toutes les nations. Au-delà de l’indemnisation des pays les plus vulnérables décidée à la COP28 face aux désastres climatiques déjà subis, un système de financement mondial sous la forme de droits de tirages spéciaux environnementaux pourrait être imaginé. 

En parallèle, les grands principes du commerce international devraient être réaffirmés. Les accords du GATT adoptés après la Seconde Guerre mondiale prévoyaient une régulation avec des dispositifs visant à aider les États les plus pauvres qui pouvaient bénéficier du statut de la nation la plus favorisée. Sans quoi, l’histoire risque de prendre un air de déjà-vu.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

    Voir toutes les publications
Laisser un commentaire

Laisser un commentaire