Une époque formidable

Une époque formidable

Le Hamas a menacé les Etats-Unis d’une guerre totale. L’Iran recommande de punir les Etats-Unis – et la France, quel honneur ! Pour l’instant, ni le Hezbollah ni l’Iran ne s’engagent.  Ils ont choisi la bonne stratégie, Israël la mauvaise : 10.000 morts à Gaza. Le Hamas s’en réjouit. 

Pourquoi l’Iran menace et ne frappe pas ? L’Iran craint qu’Israël ne soit autorisé (et aidé) par les États-Unis à attaquer ses sites nucléaires. 

Pourquoi le Hezbollah s’agite sans attaquer ? Parce qu’il sait qu’il aurait de grandes chances, cette fois, d’être détruit. 

Pourquoi le Hamas a pris le risque de voir Israël bombarder Gaza, tuer des civils ? Son but n’est pas de protéger les civils, mais d’empêcher le processus de paix enclenché par les Accords d’Abraham. Le 20 septembre dernier, aux Nations Unis, le prince Ben Salman expliquait que la normalisation avec Israël, qui a déjà des relations avec plusieurs Etats arabes (Égypte, Jordanie, Bahreïn, EAU) avançait bien. Aussitôt le Président iranien Raïssi dénonçait « ce coup de poignard dans le dos des Palestiniens ». Le 7 octobre, le Hamas commettait ses massacres.

La gouvernance mondiale glisse vers une « amicale des dictateurs ».  

Comment cela peut-il se finir ? Mal : la gouvernance mondiale glisse vers une « amicale des dictateurs ». Ainsi l’Iran, dont le régime empoisonne des écoles de filles, torture et tue jeunes gens et jeunes filles, accède à la présidence du « Forum social du Conseil des droits de l’homme de l’Onu ». Demain, la Corée du Nord ou la Syrie ?

Mal, car Israël se trompe. Le droit de se défendre n’est pas un droit de représailles. Attaquer Gaza, bombarder l’Institut de France, les ambulances, les camps de réfugiés, c’est stupide, et c’est faire le jeu de l’ennemi, qui veut qu’au massacre réponde un autre massacre. Les vrais objectifs militaires de cette guerre sont les bases et sites de production militaires en Iran. Pas d’armes iraniennes, pas de Hamas, ni de Hezbollah. Pas de financement qatari, pas de munitions. Il faudra bien un jour demander au Qatar ce qu’il est vraiment : sponsor de foot ou de terroristes ? Médiateur ou acteur ? 

Des manifestants protestent, le 1 er mars, contre la venue d’Emmanuel Macron en République démocratique du Congo, devant l’ambassade de France à Kinshasa, en brandissant un portrait de Vladimir Poutine. © AFP or licensors

Malgré une certaine sagesse chez Joe Biden, les États-Unis évitent à chacun de choisir son camp. Alors que Trump concentre les espérances d’un Poutine, comme d’un Netanyahou aveugle. 

Demain, les Européens seront pris en otages par la puissance nucléaire iranienne, capable de téléguider les actes de barbarie que l’on a pu constater, soutenue par la Chine et la Russie. La Russie dénonce le traité interdisant les essais nucléaires. Effrayer, toujours.

Les démocraties occidentales sont coupables, les « Juifs » sont leurs inspirateurs. Ainsi pensait Hitler.  

L’opinion publique, ce maître fragile, traversé de ressentiment, divague mais répète : les démocraties occidentales sont coupables, les « Juifs » sont leurs inspirateurs. Ainsi pensait Hitler. Ainsi la Bolivie rompt ses relations diplomatiques avec Israël. D’autres rappellent leurs ambassadeurs. Sous couvert de solidarité palestinienne, l’antisémitisme se porte bien. En Turquie comme en Bolivie, ou en Tunisie. 

En France, 8% des sondés prennent le Hamas pour un mouvement de résistance. Jean Moulin éventrant une Allemande enceinte ferait selon eux une belle image dans les écoles. C’est ce qu’on apprend dans certaines écoles. Dans la consultation Lesfrancais.press, à laquelle plus de dix mille lecteurs ont répondu, 11 % considèrent que le Hamas n’est pas un mouvement terroriste. Alors qui l’est ? 

Comprendre une cause « juste » ? Soit. Mais comprendre aussi que le but de cette organisation est d’horrifier, faire savoir au monde qu’elle est prête à tout. Déclencher tant de haine que toute retenue soit impossible. Objectif atteint : Israël bombarde des civils. Comme si cela justifiait a posteriori les pogroms du Hamas ! Absurde.

Israël n’est pas seul en cause, loin de là. Comme d’habitude, l’antisémitisme revient : la haine du voisin, même lointain. Et l’antisémitisme est un des visages d’un désir de haine universel. 

La guerre du Hamas concerne tout le monde. Elle utilise tout le monde. Qui ignorerait que la guerre d’Ukraine et celle du Hamas sont liées ? Ni Poutine, ni la Chine, ni l’Iran. Qui ignore que se joue une guerre d’influences, de manipulations, d’information ?

Chacun s’insulte sur les réseaux sociaux, les actes antisémites se multiplient dans Paris. Hasard organisé, déclenché. Deux Moldaves payés par des Russes taguaient les rues. Le principe d’un tel affichage est expliqué dans un excellent ouvrage « Le viol des foules par la propagande politique » de Serge Tchakhotine, écrit en 1939… Belle époque ! Rien de nouveau, donc.

La stratégie des fondamentalistes islamistes est de spectaculariser l’horreur.  

Comment fonctionne la propagande de la terreur ? Depuis le 11 septembre, la stratégie des fondamentalistes islamistes est de spectaculariser l’horreur. Il fallait que les images des tours de New York soient les images du nouveau XXIème siècle. Montrer qu’il ne sera ni « moderne », ni « américain ». Il faut filmer les décapitations en Syrie, diffuser les massacres dans les kibboutz. La communication de l’horreur effraie la nouvelle classe moyenne mondiale, mais la prend en otage, excite les déséquilibrés, justifie les régimes policiers.

L’image, le choc, comme toute manipulation, est un élément de la guerre globale. Mille techniques d’intox sur les réseaux sociaux sont des armes d’Etats, notamment la Russie et la Chine. Un Rapport parlementaire pointe la « naïveté » française face aux influences étrangères. Une enquête britannique a mis en cause les manipulations russes dans les processus électoraux, (notamment cette victoire – pour les Russes – : le Brexit).

Notre époque est-elle plus dangereuse que les autres ? Oui, puisque nous la vivons. Non, si l’on se tourne en arrière.  

Les cinquièmes colonnes sont-elles des nouveautés ? Cette époque est-elle plus dangereuse que les autres ? Oui, puisque nous la vivons. Non, si l’on se tourne en arrière. Il y eut des ministres agents de puissances étrangères, des étudiants vantant Mao, des famines organisées, des goulags, des dictatures à foison, des escadrons de la mort, des centaines de milliers de cadavres.

Qu’importe le passé : l’avenir est-il condamné, avec les reculs de la démocratie et de la paix dans le monde ? Les démocraties libérales ne seraient plus que 32 en 2020 alors qu’elles étaient 43 en 2010.

La moitié des Gazaouis estime que le meilleur régime serait la démocratie. 73% souhaitent une solution pacifique avec Israël.

Et pourtant : La moitié (52%) des Gazaouis estime que le meilleur régime est … la démocratie ! 29% seulement soutiennent le Hamas, ce qui est peu dans un régime policier (44% sont contre). 73% souhaitent une solution pacifique avec Israël, contre 20% qui veulent une solution « militaire ». Les Gazaouis aimeraient développer des liens avec les Etats-Unis (37%) plutôt que l’Iran (32%).  

Si on laisse les peuples parler, ils choisiront la paix et la démocratie, à Gaza comme ailleurs. Hélas, ils n’ont pas le choix. 

L’amicale des dictateurs n’a aucune chance. À condition que les démocraties soient solidaires.

Selon l’état des forces, militaires, économiques, financières, culturelles, l’amicale des dictateurs n’a aucune chance. À condition que les démocraties soient solidaires, qu’elles n’oublient pas ceux qui vivent sous la coupe de terroristes, parfois chefs d’Etat. Russie, Chine, Corée du Nord, Iran, Birmanie, Biélorussie, Syrie, autant de médailles accrochées à vif sur la peau de l’humanité.

Vivre dans une période d’angoisse, de folie, d’horreur, fut souvent la règle. Cela pourrait devenir pire. Cela peut aussi devenir mieux. Des prisons jaillissent des héros, des héroïnes. Quelles leçons de courage d’Ukraine, d’Iran ! Et même de Russie. Le courage est-il aussi contagieux que la peur ?

La Conférence proposée par la France sur « l’aide humanitaire à Gaza » doit aller de pair avec « l’Alliance contre le terrorisme ».

Mao, cet immense criminel, exultait : « Le monde progresse, l’avenir est radieux, personne ne peut changer ce courant général de l’histoire ». Et bien si : Tout dépend des décisions prises par les dirigeants. 80% des Français approuvent la proposition faite par la France de créer une « Alliance contre le terrorisme ». Cela paraît difficile, voire impossible ? 

C’est donc le moment : La Conférence proposée le 9 novembre par la France sur « l’aide humanitaire à Gaza » doit aller de pair avec « l’Alliance contre le terrorisme ». Les deux sont des préalables à la paix. Il n’y a pas d’époque formidable, sauf à réussir des exploits formidables. 

Laurent Dominati
Laurent Dominati

Laurent Dominati

a. Ambassadeur de France

a. Député de Paris

Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press

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