Avec la hausse des taux d’intérêt, la crainte d’un retour du risque souverain se fait jour en Europe. Depuis la crise grecque de 2011, la situation économique et financière en zone euro a évolué. Les pays dits périphériques sont moins exposés à ce risque. Les investisseurs seraient-ils donc exagérément pessimistes sur ce sujet ?
Une faible croissance potentielle, source d’inquiétude
L’inquiétude des investisseurs est liée à la faiblesse de la croissance potentielle avec notamment le déclin de la population active et la baisse de la productivité par tête. Faute de croissance, les États éprouveront des difficultés croissantes à maîtriser leurs finances publiques et à rembourser leurs dettes. L’Italie est le pays le plus exposé avec, depuis vingt ans, une quasi-stagnation de son PIB en volume. Il n’a progressé que de 3 % depuis 2022 quand ceux de la France, de l’Espagne et l’Allemagne ont augmenté de plus de 25 %.
Les doutes sur les capacités de rembourser les dettes publiques conduisent à des écarts de taux avec l’Allemagne qui atteignent deux points pour l’Italie et un point pour l’Espagne (écarts de taux sur les obligations publiques à 10 ans). En fin d’année 2022, une légère tension sur les taux des États du Sud de l’Europe est apparue, signe que les investisseurs persistent à croire en un éventuel problème de solvabilité de leurs dettes publiques. Le taux italien à 10 ans a ainsi dépassé les 4,6 % au mois de décembre avant de diminuer au mois de janvier et de revenir à 4 % au milieu du mois janvier.
La menace des taux est à relativiser
Les taux d’intérêt réels à long terme (taux d’intérêt – l’inflation) sont encore négatifs pour les États de la zone euro, à l’exception certes de l’Italie. Pour ce dernier, néanmoins, en prenant en compte non pas la hausse des prix mais l’inflation sous jacente, les taux d’intérêts réels demeurent négatifs. Les taux d’intérêt réels à long terme étant inférieurs à la croissance potentielle, les conditions de soutenabilité de la dette publique sont satisfaites.
La situation diffère nettement de celle qui prévalait lors de la crise de la zone euro entre 2011 et 2013. Depuis cette crise, les États d’Europe du Sud ont rééquilibré leur balance des paiements, l’Allemagne et les Pays-Bas ayant réduit leurs acquisitions d’emprunts en provenance de ces pays. Le solde la balance courante est passée de -10 % du PIB en 2008 à +0,5 % en 2021 pour l’Espagne et de -2,5 % à +0,2 % pour l’Italie. Les États d’Europe du Sud ont été amenés à réduire leur demande intérieure pour effacer leur déficit extérieur. En 2022, la demande intérieure était de 8 % inférieure à son niveau de 2008 en Espagne et de 5 % pour l’Italie.
Par rapport à période de la crise des dettes souveraines, les déficits extérieurs des pays d’Europe du Sud sont faibles voire nuls. Or, en matière de financement, les déficits extérieurs sont plus dangereux que les déficits publics. Dans le premier cas, le pays doit solder des comptes avec des pays étrangers, ce qui est plus complexe que de solder des comptes internes. En outre, jusqu’à la crise sanitaire, les pays du Sud de l’Europe dégageaient des excédents primaires (avant prise en compte des intérêts de leur dette). Leur déficit public depuis trois ans est dans la moyenne de la zone euro. Le financement national des dettes et une certaine maîtrise des déficits rendent moins probable la survenue d’une crise en Italie ou en Espagne.
La France, un risque limité
Des experts pointent du doigt que la France dont l’endettement continue à augmenter et qui accumule des déficits commerciaux pourrait être le maillon faible de la zone euro. Si la balance commerciale est fortement déficitaire, plus de 150 milliards d’euros en 2022, grâce aux excédents générés par les services et notamment le tourisme, la balance des paiements courants l’est beaucoup moins. Son déficit devrait être pour 2022 de 2 % du PIB. La France peut compter sur la force de son système financier et sur l’épargne importante des ménages.
Malgré la baisse de la natalité de ces dernières années, la population française continue à croître, ce qui favorise la croissance potentielle. Cette situation diffère de celle que connaît, par exemple, l’Italie. Enfin, la France bénéficie d’un système de recouvrement des impôts et des cotisations sociales efficace, ce qui est un gage de sécurité pour les investisseurs étrangers même si en la matière les marges d’augmentation des prélèvements obligatoires deviennent de plus en plus faibles. En ce début d’année 2023, la France n’est pas sous la surveillance des marchés financiers, comme le prouve la faiblesse de l’écart de taux d’intérêt avec l’Allemagne (0,5 point).
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