Une catastrophe peut en cacher une autre

Une catastrophe peut en cacher une autre

Il y eut cette première catastrophe, la trahison de l’Ukraine. Cette guerre sans intérêt empêche de grands desseins, celui de faire des affaires avec la Russie, habile manœuvre pour contrer la Chine. Il y eut cet autre lâchage, celui de l’Europe, de l’Alliance atlantique, parce que composée de profiteurs lâches et ingrats. Qu’ils paient, qu’ils applaudissent, qu’ils disent « Merci », comme Zelenski, sinon leur tour viendra.

Ainsi Trump passa à l’Est. Aucun agent du FSB n’aurait accompli de tels tours de force. Plus simple, plus évident, plus radical encore : détruire le droit et les organisations internationales, se moquer des traités et des frontières. Tout ce qu’a construit l’Amérique depuis la seconde guerre mondiale, à l’eau. L’OMS, l’OMC, les accords de Paris, la Cour Pénale Internationale, l’USAid, Radio free Europe, ne valent pas un décret signé par Trump,  avec son gros stylo bâton.

Il y a maintenant, pour tous les pays du monde, y compris des îles inhabitées, cette hausse des droits de douane, cri de guerre annoncé, proclamé, glorifié. Comme dans toute guerre, chacun y perdra, l’essentiel est de perdre moins que l’autre. Telle est la « stratégie » de Trump : les Américains vont souffrir, mais moins que les Européens et les Chinois, sans parler du reste du monde, les pauvres.

Le monde redécouvre les bienfaits de la mondialisation.  

Effet immédiat : Le monde redécouvre les bienfaits de la mondialisation. Ceux qui hier, fustigeaient ses excès, en découvrent les vertus. Les « altermondialistes » comprennent que les pays pauvres sortent de la pauvreté grâce aux échanges. La « démondialisation » que les « Indignés » appelaient de leurs vœux va les plonger à nouveau dans la misère. Et la guerre. Les « souverainistes » s’aperçoivent que derrière les mots pompeux et les rodomontades (« souveraineté » alimentaire, industrielle, technologique, sanitaire, monétaire, sentimentale et psychiatrique), il y a des réalités : l’interdépendance permet renforce l’indépendance. Personne ne peut s’abstraire de ses voisins, surtout en Europe. Les alliances évitent les guerres, renforcent la sécurité et l’économie. Et les « souverainistes » d’appeler l’Europe au secours après avoir méprisé les « Eurolâtres ». Sans l’Europe chaque pays supplierait pour devenir le 51ème État américain,  pour éviter de devenir un oblast.

Le plan Trump ne s’arrête pas aux droits de douane, à la destruction des échanges. L’idée simple est que, les produits étrangers devenant plus chers, les consommateurs américains, achèteront les produits locaux. À supposer qu’ils existent. Ce qui mettra bien du temps. D’autant que les produits américains sont composés d’éléments produits venus ailleurs.

La taxation des produits étrangers revient simplement à taxer les Américains. C’est une large augmentation d’impôts, un choc fiscal qui entraînera les États-Unis dans la récession, et le monde avec lui. Faut-il y répondre avec des mêmes mesures, aussi stupides et néfastes ? Faut-il augmenter les impôts des consommateurs européens? Évidemment non. Les réponses sont ailleurs : taxer ce qui compense le déficit commercial américain, c’est-à-dire les services, les revenus.

La balance commerciale d’un pays, qui n’est qu’un agrégat comptable des achats et ventes des entreprises, est, par définition équilibrée. Le déficit commercial américain est compensé par les flux de capitaux, flux financiers qui se dirigent vers les États-Unis. Réduire le déficit commercial reviendrait à les diminuer. Difficile, puisque les dollars circulant dans le monde ne sont pas émis seulement par la Réserve Fédérale, mais aussi par les grandes banques mondiales, qui se couvrent en achetant des obligations d’État américain.

Trump et ses conseillers ont la bonne idée : le racket, par la manipulation monétaire.  

Alors Trump et ses conseillers ont la bonne idée : le racket. Obliger entreprises et banques étrangères à acheter des obligations à un taux d’intérêt fixé par le gouvernement. D’une pierre deux coups : financer le déficit public, faire baisser le dollar en imposant un taux d’intérêt bas. Un dollar bas doperait la compétitivité américaine et renforcerait les exportations. Quel cercle vertueux ! Quel embrouillamini économique ! Du génie: taxer les Américains, appauvrir l’Amérique en diminuant la valeur de la monnaie, réduire les investissements étrangers aux États-Unis. Non, Trump n’est pas un agent du FSB : un agent du FSB comprend que le racket, légal ou illégal, consiste à ponctionner une part du circuit, pas à détruire le système.  

Une catastrophe en annonce d’autres. Le Plan de manipulation monétaire de Trump pour faire payer le monde ne peut pas marcher. Mais il peut saper la confiance dans le dollar, provoquer une crise monétaire à l’échelle de la planète. Les bourses plongent, à cause de la guerre commerciale. Elles paniqueront plus encore si Trump joue avec le dollar, les taux d’intérêt, la Réserve fédérale.

Provoquer une crise monétaire à l’échelle de la planète. Ce n’est pas l’inflation qu’il faut craindre, mais la déflation  

Ce n’est pas l’inflation qu’il faut craindre, mais la déflation. C’est une erreur de dire que les taxes, en augmentant le prix de produits, va alimenter l’inflation. Hausse des prix n’est pas inflation. Une augmentation des impôts n’alimente pas la masse monétaire. Au contraire, si elle résorbe le déficit, elle la réduit. C’est la déflation qu’il faut craindre. Après le choc fiscal (les impôts), les prix vont chuter en même temps que l’activité économique et les échanges.

Le prix du pétrole baisse déjà. Excellente nouvelle, mais signe d’une récession mondiale. Quand la déflation s’installe, les investissements se bloquent. Le poids de la dette, sans croissance enfle mécaniquement.

S’enchaîneront alors pour les gouvernements les plus mal assurés, des crises internes. Le populisme guerrier a un bel avenir.   

Des États feront faillite. S’enchaîneront alors pour les gouvernements les plus mal assurés, des crises internes.  Pour sortir des crises internes, les gouvernements faibles iront chercher des boucs émissaires et des aventures extérieures. Cela commencera dans les pays les plus pauvres et les plus mal dirigés. Le populisme guerrier a un bel avenir.

Comment faire face à cette avancée des catastrophes ? Renforcer les alliances. Inutile d’attendre de la Commission des initiatives : il suffirait que le Président français et le chancelier décident de tout faire ensemble, d’un commun accord : défense, industrie, spatial, emprunt, migrations, commerce, investissements, industrie, union des capitaux et cela donnera et le signal et l’élan. Petits et moyens États rejoindront ce pôle de stabilité européen, du Canada à l’Indonésie, du Brésil à la Corée. Mieux qu’agiter les menaces, rassembler ses forces, c’est-à-dire ses alliances.

Tout cela va aller très vite. Avec trois vagues géantes : la révolution digitale, le bouleversement géopolitique, les guerres informationnelles.   

Il y aura des bouleversements et des places à prendre. Des gagnants et des perdants. Une nouvelle donne mondiale, avec un distributeur de cartes biaisées. Tout cela va aller très vite, parce que les services, l’énergie, l’ingénierie financière, le marketing, la formation, la sécurité, la médecine, les transports vont être bouleversées par trois vagues géantes : la révolution digitale, le bouleversement géopolitique, les guerres informationnelles. Seule certitude pour l’avenir : ça va bouger. Benjamin Franklin, scientifique, diplomate, écrivain et politique américain, un contre-modèle pour Trump, disait, amusé :  « L’humanité se divise en trois catégories : ceux qui ne peuvent pas bouger, ceux qui peuvent bouger, et ceux qui bougent. » Dans quelle catégorie les Français veulent-ils être? La question se pose pour (presque) tous les peuples. Et pour chacun, individuellement, qui peut bouger dans une toute petite et fragile planète. Nouvelle donne, nouvelles cartes, nouveaux chemins.

Laurent Dominati
Laurent Dominati

Laurent Dominati

a. Ambassadeur de France

a. Député de Paris

Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press et de l’app bancaire France Pay

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