Un premier album lancé par des expatriés de Lisbonne : longue vie aux Badoites !

Un premier album lancé par des expatriés de Lisbonne : longue vie aux Badoites !

La communauté expatriée de Lisbonne fait entendre depuis quelques jours de nouveaux accords majeurs. Le groupe « The Badoites Band » vient en effet de publier son premier opus.

Ses membres ont en commun le Lycée français dont ils sont personnels ou parents d’élèves. Mais les « Badoites » c’est avant tout une bande de copains créatifs et inspirés : Hervé, Joaquim, Diogo, Fred et Mehdi ont d’abord rodé leurs compositions dans les bars de la capitale portugaise, accumulant les cachets et améliorant les 12 titres d’un album qui se nomme « Cool that way » pour souligner l’ambition de donner du plaisir au public en toute décontraction.

Écoutez « When I was young », le premier extrait de l’album « Cool that way »

De la scène au premier album

Nous avons voulu les interroger sur leurs débuts, leurs influences, sur les joies de la scène comme sur le défi que représente la diffusion d’un premier album. Une interview au long court qui ravira les mélomanes qui souhaitent rentrer dans les coulisses de la composition et les vicissitudes d’un groupe en formation.

Lesfrancais.press : Vous vous appelez « The Badoites Band » : le nom du groupe vient d’où ? Vous êtes visiblement des expatriés français de Lisbonne ?

Hervé : Arrivé du Maroc à Lisbonne en septembre 2005, étant déjà chanteur, choriste et chef de chœur, j’ai tout de suite cherché des gens pour faire de la musique. Invité chez Joaquim un soir, on a parlé de ça et il a sorti sa guitare (qui n’avait pas servi depuis un certain temps si je me rappelle bien) et on a commencé à taper quelques chansons. On a eu un bon feeling et on a commencé à se réunir régulièrement pour établir un petit répertoire, mi chansons françaises, mi pop/rock anglaise. 

Joaquim : Ensuite on nous a proposé d’animer une soirée, on a donc recruté un batteur : Denis qui est resté 6 ou 7 ans avec nous puis est parti par manque de temps.

En 2006 ou 2007 est arrivé Diogo, pour une seconde guitare. Membre quasi fondateur car il est toujours avec nous. Et enfin, on a complété avec un bassiste en 2007 remplacé depuis par Fred, en 2013.

Fred : Fondamentalement nous nous sommes graduellement connus à travers le Lycée français de Lisbonne, soit comme parents d’élèves soit comme enseignants au Lycée. 

La communauté du Lycée français de Lisbonne

Lesfrancais.press : La caractéristique de ce groupe c’est d’être issu de la communauté du Lycée français de Lisbonne ?

Mehdi : La caractéristique de ce groupe c’est d’être issu de la communauté du Lycée français de Lisbonne. Hervé a été professeur d’anglais au lycée de septembre 2005 à juin 2022, la femme de Joaquim est professeure de lettres, la femme de Diogo est professeure des écoles, et Fred était parent d’élève. Pour ma part j’ai intégré le lycée en septembre 2008. 

Une de mes premières soirées lisboètes s’est d’ailleurs passée chez Joaquim qui comme à la fin de chaque repas a sorti sa guitare pour pousser la chansonnette avec Diogo qui était aussi présent. 

Mais c’est surtout dans le cadre de mes fonctions de conseiller consulaire que j’ai travaillé au départ avec Les Badoites. En décembre 2014, j’avais organisé un concert de récolte de fonds pour le Téléthon et j’avais demandé aux Badoites de se produire sur scène. Ils avaient d’ailleurs chanté une grande partie des chansons présentes sur l’album.

En 2019 j’ai obtenu de l’ambassadeur Jean-Michel Casa qu’il mette à disposition des associations reconnues d’utilité publique les jardins de l’ambassade pour organiser la Fête de la musique. Cette autorisation tardive (fin mars) nous obligeait à prévoir un plateau musical en urgence. J’ai décroché mon téléphone pour appeler Joaquim, et savoir s’ils voulaient en être. C’était une période où le groupe était un peu en pause. Il a contacté tout le monde, m’a dit « on est ok mais Hervé est encore un peu hésitant, on est pas sur d’avoir un chanteur ». Un peu provocateur j’ai alors répondu à son grand étonnement “qu’à cela ne tienne si c’est le seul problème je peux chanter”.C’est comme cela que je me suis “incrustré”.

Joaquim :  On a fait le concert à l’ambassade en mode acoustique, mais très vite on s’est mis en recherche d’un nouveau batteur. Notre batteur actuel, Zé Luis, est arrivé en  2020.

On répétait dans un petit local très sympa à Lapa, où il y avait essentiellement les appareillages de musique et un grand frigo gavé de bières, et de la bonne ! On peut même dire que les Badoites étaient nourris à l’ « Estrella Damn ». Pour contrecarrer cela, on a choisi un nom d’eau très connu… nous sommes devenus « Les Badoites ».

Lesfrancais.press : Les influences/inspirations ? On sent à la fois une influence pop anglaise marquée, mais aussi des touches de chanson française réaliste.

Hervé : C’est ma (notre?) culture. J’ai grandi dans une famille française et mes parents étaient fans des grands chanteurs français à textes des années 60/70 , Brassens, Brel, Piaf, Ferré, Barbara…, qu’ils avaient d’ailleurs presque tous vus sur scène à l’époque, donc j’ai été baigné dans cet univers musical et linguistique. En même temps, j’ai découvert la musique anglo-saxonne, les Beatles, les Stones, Pink Floyd, The Who, Led Zeppelin… et j’ai été subjugué. Je suis devenu amoureux de la langue anglaise, de son rythme, de sa sonorité, de son pouvoir d’évocation. Finalement, tout ça, et bien d’autres choses comme le jazz, la musique classique, les musiques du monde, s’est mélangé et a fait la culture musicale et linguistique à l’intérieur de laquelle je me suis exprimé.

Joaquim : Bien sûr, chacun s’inspire de son vécu. Pour ma part Pink Floyd est une grande référence, je pense qu’on peut l’entendre dans « When I was young ». Dans ma jeunesse j’ai beaucoup joué dans les « balloches », je suis donc à l’aise sur des rythmes plus festifs tels que « la Falaise » ou encore  « Sting like a bee ». On peut trouver aussi un peu de Radiohead dans  « Barbed wire » où apparaissent des amorces d’accords avec une grosse distorsion…

Globalement les compositions se faisaient de façon collégiale sans revendiquer individuellement telle ou telle autre compo… Hervé proposait un texte qu’on essayait de mettre en musique ou bien on partait d’un riff de guitare et on construisait musique et paroles autour. Rien n’était figé, on pouvait tout rallonger, couper, modifier. Hervé est à cet effet un spécialiste de l’adaptation du texte en instantané. Maintes fois il corrigeait le texte directement sur le vif… Tout était raccommodé en repet. Un travail collégial. 

Fred : Nos chansons s’inscrivent dans la musique des années 1970. Par exemple, en ce qui concerne ma partie, la basse, sur “Bloody Liars”, est très semblable à « Hurricane”, de Dylan, sur “Tiny Little Smell”, chanson moins rapide, j’ai utilisé un style de basse assez fourni, typique par exemple des séries américaines des années 70, mais qu’on retrouve aussi dans “l’Aigle Noir” de Barbara. Ailleurs, une ligne de basse à la Bowie, “Like a Bee” a une basse latino alors que “Cool that Way” est country.  Je n’ai pas joué ça pour faire du Dylan ou du Barbara ou du Bowie, mais parce que les compositions du groupe appellent ce style de basse. Et puis nous les Badoites, nous sommes  tous nés dans les années 60 (à part Mehdi), et je pense que nous reproduisons, consciemment ou pas, l’univers musical de notre adolescence. 

Dans « La Falaise » ou « Victoria bar », ce qui a guidé les musiques que j’ai apportées, c’était le texte d’Hervé, sa prosodie, sa couleur vocale et ce que cela a déclenché dans mon imaginaire musical à moi. 

4 mois de préparation et d’enregistrement pour leur premier album

Lesfrancais.press : la réalisation de l’album. Où, quand et avec quels moyens ? 

Fred : La décision d’aller en Studio  s’est précipitée fin 2021 par l’annonce de Hervé (notre chanteur/parolier) qu’il allait quitter définitivement le Portugal pour retourner vivre en France.

Panique et désolation des membres du groupe, tristesse aussi parce que nous nous étions fait un joli petit nid de francitude musicale à Lisbonne où se cultivait aussi l’amitié et le savoir-vivre gaulois.

Je me suis dit que décidément c’était trop bête d’avoir composé des chouettes chansons et que rien n’en restera, à part quelques enregistrements de qualité très moyenne pris au téléphone portable. Je me suis donc appliqué à convaincre les copains d’aller enregistrer en studio. 

On a commencé par  faire le tri dans la trentaine de chansons originales du groupe. Une grosse quinzaine de titres furent sélectionnés tout en sachant qu’il ne serait pas possible de les enregistrer tous, certains n’ayant plus été jouées depuis des années, car sur ces quatre dernières années on était surtout connu dans Lisbonne pour faire des concerts de covers français.  

Mehdi : De février à juin 2022 nous avons répété une à deux fois par semaine les quinze chansons choisies, tout en continuant à faire vivre notre répertoire de covers car on avait des engagements à honorer. Mi juin 2022 nous sommes rentrés en studio d’abord tous ensemble pour enregistrer la bande témoin, puis chacun séparément. L’enregistrement s’est achevé fin juillet 2022. 

Fred : Sur les 13 chansons enregistrées, une fut délaissée en cours de route (I Was Alone). Elle présentait trop de problèmes. Le CD a donc 12 titres.

Joaquim : Nous avons totalement auto-produit cet album, en grande partie grâce aux cachets de nos concerts de l’an dernier. mention spéciale à Henrique, le propriétaire du studio, un grand professionnel, alors que nous n’étions que des amateurs. Nous lui en avons donné du fil à retordre avec nos imprécisions et erreurs en tous genre qu’il a su patiemment corriger.    

Lesfrancais.press : Ferez-vous un peu de promo ? Des concerts prévus ? 

Fred :  Mehdi est notre manager à présent… On va faire un concert de présentation du CD prochainement. Un projet qu’on voudrait bien faire avec Hervé qui devrait revenir au Portugal pour cela. C’est en gestation. On est également en préparation d’un vidéo clip.

Puis on a déjà un deuxième CD à enregistrer, avec les titres des Badoites qu’on n’a pas eu le temps d’enregistrer, un jour peut-être, un voeu pieu…..  

Hervé : Si on nous propose Wembley ou le Stade de France, j’irai.

Joaquim : On aimerait bien faire  une tournée promotionnelle, il nous faudrait un producteur ou un sponsor… Si quelqu’un nous entend?

Lesfrancais.press : Comment vous organisez-vous au plan créatif ? Qui écrit  ? qui compose ? 

 Fred :  La composition est de Jo et Diogo. Hervé est le parolier. 

Lorsque je suis entré dans le groupe en 2013, j’ai demandé à Hervé si on ne ferait pas aussi des chansons en français. Il m’a répondu qu’il avait des textes qu’il m’a envoyés. J’ai mis en musique une bonne demi douzaine de chansons, qui n’ont pas réellement pris, parce que je composais dans un style et avec une technique de jeu assez différent de ce que nos 2 guitaristes avaient l’habitude de jouer   

Hervé : J’ai déjà répondu en partie à cette question, mais plus tard, lorsque Fred est arrivé et qu’on s’est demandé comment élargir notre public, sachant qu’on pouvait toucher l’audience francophone de Lisbonne, on s’est dit que ça serait peut-être bien de faire des morceaux en français. Donc, je me suis mis à écrire des textes en français que j’envoyais à Fred et il mettait des musiques dessus. C’est comme ça que sont nées « Au Victoria Bar » et « La Falaise » ainsi qu’une bonne demi-douzaine d’autres chansons qui ne sont pas dans l’album. Il me semble que « Ligne de Vie » a été un effort plus collectif sur une proposition originale de Diogo.

Joaquim : Comme je l’ai dit tout à l’heure, exception faite des 2 morceaux composés exclusivement par Fred : “La falaise” et “Au victoria bar”, ainsi que “Bloodie liars” que Denis avait en stock depuis longtemps, les textes sont écrits par Hervé ( on a d’ailleurs en préparation un texte de Mehdi), puis la composition musicale est collégiale. Ça se construit à partir d’une idée  qui évolue au cours des répètes  et qui se nourrit de la sensibilité dynamique de chacun.

Pour ma part, en termes d’avenir, j’aimerais me concentrer sur des textes de langue française. Malheureusement je n’écris pas mais on va trouver..

Je crois que les Badoites ont vocation à faire vivre la langue française ici au Portugal. J’imagine donc nos prochains mois en répète sur nos compos, mais en même temps à faire tourner toute la musique française dans diverses soirées 

Lesfrancais.press : Des messages à faire passer, une dimension politique ? Mehdi, tu es engagé en politique, est-ce que la chanson est un pas de côté, une aération ? Est-ce que faire de la scène et prendre la parole en politique devant un auditoire c’est un peu la même adrénaline ? 

Mehdi : Il ne s’agit pas d’une reconversion, pour cela il aurait fallu que la politique soit ma profession. Elle ne l’a jamais été. J’ai un côté hyperactif et touche-à-tout. J’aime faire des choses que j’aime et me passionne. La politique c’était une passion, la musique l’a toujours été beaucoup plus. Il y a 25 ans je chantais parfois avec ma petite soeur dans certains radio-crochets des Pyrénées-Orientales, mais je n’avais jamais vraiment voulu assouvir cette passion jusqu’à 2019. 

Cela a sans doute correspondu à un moment où j’ai commencé à trouver la politique bien trop sale et violente, ce qui ne me correspond pas. La notion de plaisir n’y était plus. Elle y est à 100% avec la musique. 

D’ailleurs j’en ai discuté avec Hervé, je sais qu’il a écrit ses chansons à une autre époque, mais “Ligne de vie” retranscrit pour moi exactement ce sentiment d’espérance puis de lassitude de la politique. 

Je me souviens avoir eu un trac terrible lors de mon premier discours à l’AFE en septembre 2014, et c’est exactement la même boule au ventre qui m’a saisi lors de notre concert à l’ambassade en juin 2019. 

Mais vraiment la scène c’est une adrénaline à part. Je m’y sens si bien que je ne voudrais pas en descendre. En novembre 2022, nous avons joué devant 1200 personnes pour les 70 ans du Lycée français. Cela a été une expérience incroyable !

Hervé : En ce qui me concerne, mon positionnement est plus social que politique. Je déteste l’injustice mais je ne crois pas que la politique dans son fonctionnement d’appareils, d’égos surdimensionnés et de conflits d’intérêts permanents soit en mesure de corriger les injustices qui traversent nos sociétés. Je crois davantage à l’éveil des consciences individuelles à travers l’éducation et l’art. En ce sens, envoyer des messages en chantant des chansons participe de cet effort d’éveil des consciences.

De l’anglais, aussi du français

Lesfrancais.press : Vous chantez en anglais majoritairement et en français sur trois titres. Est-ce que c’est plus facile de « groover » en anglais et de faire passer un message en français ? 

Hervé : Pour moi, c’est plus facile d’écrire en anglais, j’ai plus de liberté, dans le rythme, dans les sonorités, ça claque davantage, c’est plus économe en mots et plus efficace en termes d’impact, de beat. C’est une langue très rythmique quand le français est une langue très mélodique. J’aime aussi écrire en français qui est ma langue première mais c’est différent, on est peut-être plus effectivement dans un message intellectuel alors que l’anglais parle plus au corps dans une énergie physique directe. C’est comme ça que je le ressens, sans doute parce que l’essentiel de mon accès à la musique en anglais s’est fait par le rock.

Joaquim : J’ai toujours demandé à Hervé de composer en français, il lui aura juste fallu quelques années, bravo.

Fred : Chanter en anglais, je pense surtout que c’était naturel pour Hervé, qui est prof d’anglais. Mais il a aussi écrit en français.

Lesfrancais.press : Dans « Sting like a bee », peut-être un hommage à la célèbre déclaration de Mohamed Ali quand il préparait son match du siècle contre Foreman, vous évoquez ceux qui se moquent de la différence, les railleries que subissent certains pour leur apparence ou leurs idées. Est-ce un message contre les discriminations ? 

Hervé : C’est absolument ça et c’est cette citation de Mohamed Ali qui m’a inspiré le texte. Ce gamin noir, victime des pires discriminations à l’époque et qui s’est battu, au sens propre et au sens figuré pour à la fois devenir le plus grand et redonner de la dignité au peuple afro-américain. Le message s’adresse à tous ceux qui, pour une raison ou une autre, sont victimes de préjugés. C’est un message de résistance et de résilience.

Mehdi : C’est une chanson que j’affectionne particulièrement. Déjà je trouve la mélodie entrainante et originale, et en plus « cherry on the cake » les paroles correspondent à ce que je suis. Quelqu’un qui a pu subir les discriminations, y compris en politique, où on est souvent jugé avec des étiquettes, mais surtout quelqu’un qui est engagé depuis 15 ans pour dénoncer ces discriminations. 

Lesfrancais.press : Le Victoria bar, ce lieu qui réunit « les paumés, les éclopés, tous les frappés », un lieu visiblement unique, existe-t-il ? 

Hervé : J’ai écrit ce texte lors d’un voyage en Allemagne, à Berlin, durant une période où j’écrivais (et buvais) beaucoup. Un soir, je me suis assis sur un banc dans une rue anonyme, il faisait froid, j’avais un peu bu, et j’ai remarqué un signe au néon quelques dizaines de mètres plus bas. Victoria Bar (ou peut-être Viktoria Bar). Et j’ai vu toutes sortes de gens y entrer, surtout des hommes, des gens qui semblaient assez paumés, hagards, amochés, et qui en ressortaient souriants, rassérénés, alors j’ai commencé à m’imaginer que le lieu avait une sorte de qualité magique qui réconfortait des gens en détresse. J’ai commencé à écrire. Finalement, j’y suis entré et j’ai vu ce long comptoir où les gens semblaient heureux en train de boire et d’échanger. C’est comme ça que le texte est né. Je ne me rappelle plus comment je suis rentré à ma chambre d’hôtel.

Lesfrancais.press : Dans « ligne de vie » vous chantez « Tu as mordu la ligne, brisé le garde corps, passé ta vie par dessus bord » ? As-tu déjà ressenti ce type de moment dans ta propre vie, des moments de bascule, d’inflexion de ton propre destin ?

Hervé : C’est une chanson que j’ai écrite après la mort d’une personne qui m’était chère. Une personne qui avait eu, comme la plupart d’entre nous, une vie remplie de passions, de croyances, de combats et de certitudes. J’ai moi-même très tôt côtoyé la mort, et à de multiples reprises, que ce soit parmi mes amis ou ma famille proche. J’en ai gardé un sens de la relativité. Qu’est-ce qui est vraiment important? Qu’est-ce qui est futile dans notre existence? Que reste-t-il à la fin? A quoi attachons-nous du prix ? Où est la sagesse?

Mehdi : Comme je le disais tout à l’heure, pour moi cette chanson est celle qui résume le mieux mes 15 années passées en politique, les deux premiers couplets sont en ce sens très forts. 

Ligne de vie
Ligne de crête
Des serments qu’on se prête
Des formules qu’on répète
Des désirs mimétiques
Des voeux dont on se pique
Et qu’on remballe ensuite
Dans un fond de sa tête
Ligne de vie
Ligne de fuite
Des drapeaux qu’on agite
Des mensonges qu’on ébruite
Des foules qui nous commandent
Des mots d’ordre qu’on scande
Et qui reviennent un jour
Vous tendre leur verdict

Mais au fond encore une fois c’est la chanson à laquelle je m’identifie le plus. Je ne peux que remercier Hervé d’avoir écrit un tel texte. 

Lesfrancais.press : « La falaise », on retrouve peut-être sur ce titre l’influence de certains groupes réalistes français comme La Tordue ou Sanseverino. c’est peut-être sur ce titre ou vous êtes le plus à l’aise avec un mélange de gouaille et d’allant. À côté du blues, du groove ou de la pop, comment ressentez-vous le passage d’un style à l’autre ? 

Hervé : C’est très facile. La Falaise, c’est un délire, une chanson pétillante, une tranche de vie disséquée avec un zeste d’humour et brillamment mise en musique sur un rythme endiablé par Fred Genin. C’est toujours un grand plaisir de la chanter, ça fait bouger le corps et il y a en même temps un message social sur une frange de la population qui, bien que vivant dans une certaine marge, n’en demeure pas moins traversée par les contingences et préoccupations qui sont le lot de tous les êtres humains.

Mehdi : « La Falaise », pour moi l’enfant du sud-ouest, c’est la chanson de féria par excellence, celle qui nous fait communier et faire la fête.

Lesfrancais.press : Sur « Bloody liars » ou « I still can rock and roll », il y a l’hommage de la fuite, l’ode au départ sur la route , un thème classique en musique ? 

Hervé : « Bloody Liars », qui était au départ une chanson originale en français de Denis, notre batteur des débuts, et que j’ai adaptée en anglais, est pour moi une chanson sur la paranoïa et la fuite en avant d’un individu qui se sent coincé, accusé à tort, et qui va chercher à prouver son innocence. C’est comme la scène initiale d’un road movie avec en ligne de mire la quête de la vérité. La route risque d’être longue mais il va se battre.

« I still can rock’n roll » est plus autobiographique sur l’âge et le décalage des générations. J’essaye d’y développer l’idée que la volonté intérieure peut compenser les atteintes du temps et de la fatigue, que le regard critique de l’autre, et les remarques pas toujours positives qu’on reçoit quand on est affaibli, ne devraient pas être une source de renoncement mais au contraire une source de motivation pour se prouver des choses.

Lesfrancais.press : Et pour finir ce long interview une anecdote au sujet de l’album ou des concerts ?

Fred : À nos 2 derniers concerts au Lycée français de Lisbonne, on s’est pris les flics à chaque fois.

Mehdi : Dans les concerts il y a toujours des moments de grâce, des choses pas répétés que l’on garde parce que vraiment ça sonne super bien. 

Je me rappelle que lors de notre dernier concert au lycée, on nous avait demandé un rappel… et on n’avait rien. Fred est venu me voir et il me dit : tu sais faire “machistador” de M ? J’ai dit allez on y va, sans répet’, 6mn d’impro’ incroyable avec un solo de notre batteur Zé Luis.

Plus près de nous le 23 septembre dernier on nous a demandé de faire un concert privé pour un public exclusivement féminin, le rêve de tout rocker ! Pour l’occasion on avait choisi de changer notre répertoire pour faire des titres plus girly (Madonna, Britney Spears, Larusso, Céline Dion)… un vrai plaisir pour ma voix !

Ecoutez les Badoites sur :

Auteur/Autrice

  • Boris Faure est l'ex 1er Secrétaire de la fédération des expatriés du Parti socialiste, mais c'est surtout un expert de la culture française à l'étranger. Il travaille depuis 20 ans dans le réseau des Instituts Français, et a été secrétaire général de celui de l'île Maurice, avant de travailler auprès des Instituts de Pologne et d'Ukraine. Il a été la plume d'une ministre de la Francophonie. Aujourd'hui, il collabore avec Sud Radio et Lesfrancais.press, tout en étant auteur et représentant syndical dans le réseau des Lycées français à l'étranger.

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