Les législateurs de l’UE sont parvenus à un accord jeudi (16 novembre) pour réglementer le partage de données des plateformes de location de courte durée, dont Airbnb, Booking.com ou Expedia, aux administrations publiques.
Le règlement sur la location de courte durée vise à imposer aux plateformes de locations de courte durée des exigences claires de partages de données aux administrations publiques et à harmoniser les procédures administratives dans l’ensemble de l’Union. Le Conseil de l’UE et le Parlement, les colégislateurs, sont parvenus à un accord politique sur le projet de règlement après deux réunions de négociations interinstitutionnelles.
« Les villes sont confrontées à une explosion des locations de vacances illégales. […] Jusqu’à présent, les plateformes de location refusaient de partager leurs données, ce qui rendait difficile l’application des règles locales. Heureusement, cette loi met fin à cet état de fait », a déclaré la rapporteure du texte au Parlement, Kim van Sparrentak.
Dans cette ligne de pensée, Mme van Sparrentak a insisté sur le principe de « compliance by design » (ou conformité dès la phase de conception), qui a été intégré dans l’accord, malgré la résistance initiale des pays de l’UE compte tenu d’un doute sur la proportionnalité de la mesure.
Un compromis a été trouvé qui permet aux hôtes de déclarer eux-mêmes leurs annonces de logements en ligne sur les plateformes de location de court terme. Afin d’éviter les déclarations illégales, les plateformes devront « fournir tous les efforts nécessaires » pour vérifier l’exhaustivité et la fiabilité des informations fournies.
En outre, les plateformes devront effectuer des contrôles aléatoires sur les annonces qu’elles hébergent, tandis que les autorités administratives effectueront des contrôles sur la base des données qui leur seront fournies mensuellement par Airbnb, Booking, Trivago, Expedia, etc.
Interaction entre les régimes d’autorisation et les procédures d’enregistrement
La réunion politique s’est prolongée jusque tard le soir, principalement en raison de discussions fournies sur l’interaction entre les régimes d’autorisation et les procédures d’enregistrement.
Considérant que les numéros d’enregistrement seront délivrés automatiquement, les négociateurs du Conseil souhaitaient donner aux pays de l’UE la possibilité d’interrompre la délivrance automatique des numéros d’enregistrement dans le cas où ils seraient en mesure de prouver qu’un numéro a été demandé dans une zone où la location de courte durée est interdite. Ce pourrait être le cas, par exemple, pour une demande d’enregistrement dans un bâtiment de logement social.
La Commission a estimé que cette disposition était en contradiction avec la directive relative aux services du marché intérieur (Services Directive), qui fixe les règles d’accès aux marchés. En fin de compte, les dispositions du Conseil ont été acceptées, tout en précisant que les contrôles d’autorisation et les règles d’accès au marché relevaient de ladite directive.
Lutte contre les annonces illégales
Si un hôte ne respecte pas les règles locales, les autorités nationales seront habilitées à suspendre et éventuellement à invalider un numéro d’enregistrement et pourront exiger des plateformes en ligne qu’elles retirent une location en ligne.
Une approche fondée sur le « droit d’être entendu » a été ajoutée au texte afin de rendre la procédure de retrait cohérente avec le règlement sur les services numériques (DSA), le règlement de l’UE sur les contenus illégaux en ligne, qui donne aux hôtes le droit de se défendre en cas de négligence ou d’utilisation abusive des numéros d’enregistrement, par exemple.
De plus, il a été convenu que lorsqu’un hôte décide de cesser de louer sa location, les autorités nationales peuvent conserver les données relatives à la location pendant un maximum de 18 mois, conformément à la proposition du Parlement. Cette disposition donne aux autorités locales un délai de conservation de six mois supplémentaire comparativement aux dispositions du règlement général sur la protection des données (RGPD/GDPR).
Points d’entrée numériques uniques
Les points d’entrée numériques uniques, infrastructures techniques sur lesquelles les plateformes de location de courte durée doivent transmettre mensuellement leurs données aux autorités administratives, ont également fait l’objet de nombreux débats.
Un dernier changement a consisté à assouplir cette disposition, les plus petites plateformes de location de courte durée devant transmettre leurs données tous les trimestres et non tous les mois. Le seuil qualitatif a été fixé à moins de 4 250 annonces.
Les États membres qui disposent de procédures d’enregistrement sur leur territoire devront mettre en place des points d’entrée numériques uniques dans un délai de deux ans à compter de l’entrée en vigueur du règlement.
La Commission a déjà travaillé sur la standardisation des points d’entrée numériques uniques, et le texte stipule désormais que l’exécutif européen doit veiller à ce que ces points d’entrée partagent une interface de programmation d’application (API) commune.
En outre, la Commission pourra désormais prendre des actes d’exécution pour garantir l’interopérabilité entre les points d’entrée numériques uniques.
Enfin, les 27 États membres devront nommer un coordinateur national. Cette disposition est contraire à la proposition du Conseil, mais conforme aux règles relatives à la création de groupes d’experts, comme l’a rappelé la Commission aux colégislateurs.
Définitions
La définition des « hôtes actifs » a été supprimée et laissée aux cadres législatifs nationaux, conformément au souhait du Conseil qui souhaite que ce règlement harmonise les partages de données sans modifier les législations nationales existantes.
Prochaines étapes
L’accord actuel doit être adopté par le Conseil de l’UE et le Parlement européen avant de devenir une réglementation. Le vote en commission parlementaire est prévu pour le 4 décembre, et celui en séance plénière devrait être programmé pour janvier.
« Enfin, nous avons obtenu des conditions de concurrence équitable dans le secteur de la location de courte durée dans l’UE, cette décision était attendue depuis longtemps », a déclaré à Euractiv Barbara Thaler, rapporteure fictive (shadow rapporteur) du texte pour le parti chrétien-démocrate (PPE).
En ce qui concerne l’influence de l’UE dans le monde, Nathan Blecharczyk, cofondateur d’Airbnb, a déclaré : « Les nouvelles règles serviront d’exemple mondial sur la manière de réglementer les locations de courte durée et donneront des conseils clairs aux plateformes et aux autorités sur des questions importantes, notamment sur la manière de partager les données et de faire en sorte que les règles locales fonctionnent pour tout le monde ».