A l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE), les groupes politiques se font et défont au gré des alliances idéologiques ou personnelles. Alors qu’un intergroupe, « IDP », regroupant les élus issus du parti présidentiel, Renaissance, et les indépendants, avait été créé en 2021 pour permettre d’élire Hélène Degryse à la présidence de cette instance regroupant les représentants des élus locaux des Français de l’étranger, il a volé en éclat ce vendredi 03 février avec en perspective les élections sénatoriales de l’automne 2023.
Une alliance de circonstance
Tout a commencé en 2021, à la suite des élections consulaires et de celles des conseillers AFE, aucune majorité claire ne se dégageait. Les forces de gauche représentaient le bloc le plus important. Comme dans toute assemblée représentative, les manoeuvres ont commencé pour faire émerger une majorité composée des élus Renaissance et de ceux de droite (URCI). Problème, pour équilibrer les forces, les hommes et les femmes du Président de la République avaient besoin de renfort.
Pour cela, ils sont allés chercher les candidats élus sur des listes dites indépendantes, mais en réalité, souvent portées par les réseaux d’Olivier Cadic, le sénateur, issu de l’UDI (donc de centre-droit). Preuve du caractère indispensable de cet apport de voix, c’est Hélène Degryse qui hérite de la Présidence de l’AFE.
Ambitions et désamour
Mais ce vendredi 03 février, la grande majorité des soutiens au sénateur Cadic ont décidé de reprendre leur indépendance en créant un nouveau groupe dit des « indépendants ». S’ils ne remettent pas en cause l’année précédente, ils expriment le désir de retrouver une liberté de ton et d’opinion.
« Ce choix nous permet de poursuivre nos travaux au sein d’un groupe à part entière, Les Indépendants, fidèle à nos valeurs de liberté, de pragmatisme, et de respect du pluralisme des opinions. »
Communiqué de presse des 12 élus concernés
Mais derrière ce noble sentiment, se cache un différend sur le ou la candidate à soutenir lors des élections sénatoriales à venir après la pause estivale.
Changement de ligne politique ?
En effet, Hélène Degryse prépare une candidature, ses appels du pied à de nombreux potentiels colistiers étant fortement remarqués dans le microcosme de l’AFE.
A travers un courrier émis ce week-end par un de ses proches, le conseiller des Français de Londres, Olivier Bertin, elle évoque son opposition à des prises de position d’Olivier Cadic. Elle lui reproche d’avoir soutenu la présence de Patrick Poivre d’Arvor au jury du Grand prix du rayonnement des Français à l’étranger de la sénatrice Joëlle Garriaud-Maylam et ses positions relatives aux droits humains au Qatar. Deux problèmes : en premier le célèbre présentateur, accusé d’avoir eu des attitudes déplacées avec ses collaboratrices, n’était pas membre du jury comme l’a précisé de nombreuses fois la sénatrice organisatrice, puis Olivier Cadic, s’il préside le groupe d’amitié avec les Pays du Golfe, n’a évidemment pas soutenu les dérapages liés aux chantiers du « Mondial 2022 », comme il l’a indiqué dans une conférence de presse en novembre 2022.
Pour Hélène Degryse et Olivier Bertin, Olivier Cadic tente de rallier les LR à son combat pour constituer une liste unique avec Ronan Le Gleut, qu’Olivier Bertin voit déjà tête de liste pour la formation de droite, ce que ce dernier dément.
« Permettez-moi tout d’abord une touche d’humour en le remerciant de me considérer comme la tête de liste naturelle de la droite aux prochaines sénatoriales ! Pour parler plus sérieusement, la commission d’investiture des LR ne se réunira que plus tard. Selon moi l’heure de la campagne n’est pas encore venue. Pour ma part, je reste pleinement au travail dans l’exercice de mon mandat, avec de gros dossiers en cours pour faire avancer les droits des Français de l’étranger. Telle est ma seule priorité pour l’instant. »
Ronan Le Gleut, sénateur des Français de l’étranger et président de la fédération des Français de l’étranger du parti « Les Républicains »
Un nouveau groupe, pour quoi faire ?
Ainsi les 12 élus qui constituaient le sous-groupe des « indépendants » au sein de l' »IDP » ont donc décidé de reprendre leur liberté. C’est clairement un signe de défiance de ces derniers vis à vis d’Hélène Degryse.
Mais est-ce juste la création d’un outil au service des ambitions sénatoriales des uns ou des autres ou est-ce un nouvel espace de vie démocratique pour les Français de l’étranger ? C’est une question que nous poserons à la nouvelle présidente de ce groupe, Nadia Chaaya, dans un prochain podcast.
Car si la présidente de l’AFE décrit le rôle des Conseillers comme celui de lanceurs d’alerte, une fonction plutôt attribuée aux acteurs de la société civile, les attentes de nos compatriotes résidant hors de France sont bien plus importantes. En effet, les citoyens attendent de leurs élus d’agir et de concrétiser des actions pour les Français de l’étranger.
Si le seul pouvoir de l’Assemblée des Français de l’étranger est celui d’alerter les parlementaires ou le gouvernement, le riche tissu des associations et les élus locaux dans les consulats sont largement suffisants. Avons-nous besoin d’un autre échelon qui ne ferait que compiler les problèmes comme la présidente, Hélène Degryse, semble le penser, ou qui aiguiserait les ambitions personnelles comme ces bisbilles internes le font deviner ?
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