D’un côté Notre-Dame reconstruite en cinq ans. Un exploit, au prix d’une loi spéciale qui avait pour effet de déroger aux lois existantes. De l’autre l’agence Moody’s qui abaisse la note de la France avec pour conséquence une hausse des taux d’intérêt. Le service de la dette est le deuxième budget de l’Etat, plus du double de celui de la défense nationale. Quelle indépendance nationale sans indépendance financière ? Peu importe la dette, si l’on crée plus de richesse.
D’un côté cinquante chefs d’Etat et de gouvernement à Notre Dame, de l’autre une Assemblée brouillonne où chacun calcule ces postures et se regarde en chien de faïence. D’un côté, un Président de la République capable de convaincre Donald Trump de rencontrer Zelenski, qui place la France en première ligne diplomatique aussi bien en Ukraine qu’au Moyen-Orient, les deux champs de bataille de la planète. De l’autre cette palinodie pour trouver un Premier ministre et former un gouvernement qui sera bien incapable d’agir. Comment créer une nouvelle croissance ?
Tout le monde connaît les défauts de notre pays : surabondance de taxes, de dépenses, de normes avec un Etat omniprésent, bouffi, boulimique, de plus en plus impuissant et contesté. La question n’est pas celle des dépenses publiques ni de la dette, il est de l’adaptation au monde nouveau.
La question n’est pas tant celle de la dette que celle de la croissance.
Devant la Commission des finances, Bruno Le Maire accuse ses accusateurs : « hypocrisie ! » dit-il. « Personne ne veut s’attaquer au déficit public depuis cinquante ans. Cette Assemblée ne veut que « taxer, dépenser, censurer ». L’Assemblée, celle qu’ont choisie les Français après une dissolution surprise. La rage, la colère, -soi-disant légitime-, conduisent à la montée des extrêmes. Les partis de gouvernement s’enfoncent dans un clientélisme catégoriel. On prétend traiter de désindustrialisation, d’agriculture, des retraites, d’immigration alors que la question fondamentale est celle de la redéfinition du rôle et des missions de l’Etat. Que l’on regarde ailleurs : Canada, Pays-Bas, Allemagne, Espagne, Grèce, l’Italie, Portugal, Espagne, Suisse, Nouvelle-Zélande, Australie, pour ne parler que des pays comparables, ont engagé des réformes de fond. L’exception française se voit dans le mille-feuille territorial, la folie normative, la pauvreté de la fonction publique et son hypertrophie, dans le poids des retraites et l’inexistence de fonds de pensions, dans le record des prélèvements et la préférence pour le chômage.
La question n’est pas tant celle de la dette que celle de la croissance. Toute politique qui ne permet pas aux entreprises (agricoles, industrielles, ou de services) d’être compétitives, aux investissements de créer de la richesse est vouée à l’échec. L’Etat lui-même se doit d’être compétitif. Longtemps la France s’est enorgueillie de la qualité de son administration. C’était une force ; cela ne l’est plus.
Il suffit de se comparer aux autres. Ailleurs se tentent des expériences nouvelles. Le monde est en révolution, celle de l’information, de la connaissance, de l’intelligence – peu importe comment on l’appelle. La richesse n’est ni le pétrole ni l’or ni le blé ni la terre ni taille de la population, elle est la capacité d’imaginer, d’essayer, d’échouer, de recommencer. Elle demande une liberté créatrice. Elle exige de faire confiance à la société, dans l’éducation, la fonction publique, les territoires, et bien sûr les entreprises. Apparait dans le monde une nouvelle croissance. Il faut en être, ou stagner.
Redéfinir le rôle et les missions de l’Etat devient une urgence sociale plus que financière.
La France rechigne. Elle attend tout et toujours de l’Etat. Et l’on en veut forcément au Chef de l’État, à tous les élus, qui n’en peuvent mais, qui, pour satisfaire les électeurs, cèdent à la facilité de la dépense.
Comment a-t-on accumulé 3200 milliards de dette ? La crise financière ? L’État paie. Le Covid ? L’État paie ; la crise énergétique, l’Etat Paie. La grippe aviaire ? L’État paie. Mais qui c’est l’Etat ? C’est l’autre, croient les malins. Toute dépense repose sur l’impôt à venir ; tout impôt pèse sur la richesse créée ; ceux qui souffrent le plus de la richesse qui manque, qui paient donc le plus, même s’ils ne paient pas l’impôt directement, sont les plus pauvres. Redéfinir le rôle et les missions de l’Etat devient une urgence sociale plus que financière.
Imagine-t-on l’Etat du 21e siècle actionnaire de Renault, Stellantis ou Orange ? Ou doit-il se concentrer sur l’efficacité de la justice, du droit ? Nul besoin d’un Etat stratège, seulement d’un Etat efficace dans ce que seul il peut faire : des règles justes pour tous, et respectées.
Chacun se focalise depuis vingt ans sur l’émergence de la Chine et le défi qu’elle représente. Chacun s’effraie de la violence russe. Tous s’inquiètent des multiples guerres du Moyen-Orient. Qui ne voit que les États-Unis lancent le principal défi ? L’économie américaine flambe, Trump s’embarque dans une dérégulation violente qui facilitera l’éclosion de nouvelles pousses, attirera l’épargne et les cerveaux du monde, créera des technologies nouvelles qui envahiront le monde. Ce que l’on a vu avec les Gafam n’est que le début.
De l’autre côté de l’Atlantique une économie se réinvente.
De l’autre côté de l’Atlantique une économie se réinvente. De l’autre côté de l’Eurasie, deux monstres veulent croquer le monde, la Chine et l’Inde. Au milieu, comme une proie, ce continent paisible, prétentieux et vieillissant : L’Europe. Avec deux locomotives en panne, la France et l’Allemagne.
L’Allemagne a des ressources, elle est peu endettée, elle retrouvera d’ici deux mois un gouvernement stable. La France s’enlise dans une crise inutile avec pour perspective la victoire d’un parti d’extrême droite et la confrontation avec une extrême gauche qui se complaît dans la fausse haine des faux bourgeois. Au milieu des partis de gouvernement qui cherchent un gouvernement et qui ont démontré qu’ils ne savent pas gouverner.
Comment sortir de l’immobilisme ? Tout le discours politique consiste à vouloir défendre, conserver, protéger. Tout ce qui ressort du domaine de la peur. Qui vantera l’audace, le risque, le grand large, les grands espaces ? Peut-on constituer une société de confiance sur la peur ? Le monde change et la France reste immobile.
Elle a de magnifiques atouts. Elle est le pays européen qui recueille le plus d’investissements étrangers. Elle est le maillon fort de la défense d’une Europe qui doute après avoir abandonné sa sécurité aux États-Unis. Chacun s’accorde à dire qu’il est temps que l’Europe muscle sa défense. La France a adopté une loi de programmation militaire consensuelle, elle a des forces de défense expérimentées, une industrie compétitive, elle est le deuxième exportateur mondial, elle possède un porte-avions et des sous-marins nucléaires, elle est une puissance spatiale, une puissance nucléaire autonome. L’industrie de défense est d’abord une industrie de technologie et de l’intelligence. Cela montre des capacités d’excellence, car la défense est le seul domaine de compétition entre les Etats qui ne souffre pas d’erreur.
Si la France est immobile, elle est un maillon fort devenant fragile. Il est tentant de l’affaiblir.
Ces atouts font aussi d’elle une cible. Si la France est immobile, elle est un maillon fort devenant fragile. Il est tentant de l’affaiblir, par la guerre hybride, la désinformation, la déstabilisation financière. On l’a vu en Afrique, cela peut arriver en Europe. La faille qui grandit dans le couple franco-allemand est une tentation pour beaucoup de pays. C’est pourquoi il est criminel, comme le fait la Commission, de la laisser s’accroître.
Le mal pour se répandre n’a besoin que de l’absence des gens de bien. Le sursaut ne viendra pas du monde politique. Il n’est qu’un reflet de la société politique. Il peut avoir lieu dans la société civile, à partir d’elle. Dans l’éducation, l’énergie, l’agriculture, l’industrie, les services, la finance, partout naissent des initiatives ingénieuses. Trop souvent bloquées, elles se réalisent ailleurs. Libérer la capacité d’initiative des Français, ce devrait être le socle commun de ce nouveau gouvernement qui, à défaut d’obtenir la confiance, devrait faire confiance.
Regarder ailleurs, aussi , en demandant aux Français de l’étranger, aux postes diplomatiques, ce qu’il y a de mieux dans leur pays d’accueil, que l’on transposerait en France. Le Top Ten mondial de l’administration, de l’enseignement, de la formation, de l’urbanisme, de l’insertion sociale, de l’intégration, etc… Soyons humbles, imitons. Bougeons.
« Avec ses quatre dromadaires, Don Pedro d’Alfaroubeira Courut le monde et l’admira ; Il fit ce que je voudrais faire, Si j’avais quatre dromadaires. » Quand on sait rassembler le monde à Notre Dame, ne peut-on trouver quatre dromadaires ? Au gouvernement ?
Laurent Dominati
a. Ambassadeur de France
a. Député de Paris
Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press et de l’app France Pay
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