Un livre antidote contre le poison puissant de la désinformation

Un livre antidote contre le poison puissant de la désinformation

La désinformation est un fléau massif sur les réseaux sociaux. Manipulant les esprits. Organisant des phénomènes de meutes numériques. Nourrissant les complots les plus fantasmatiques. Dégradant l’idée même de circulation d’information. Le livre d’Olivier Favry, « la désinformation entre fake news, propagande et autres : comment se repérer et lutter contre elle » (Ellipses, 2025, collection 100 Questions/réponses) nous offre une immersion dans cette galaxie sombre. L’ouvrage donne surtout des clés de compréhension utiles et nécessaires pour décrypter comment agissent ceux qui nous manipulent, que ce soit des États, des plateformes ou des réseaux cybercriminels. Ce livre est donc l’antidote tout trouvé contre le poison puissant de la désinformation.

Un diplomate engagé dans la lutte contre les manipulations et au service des valeurs démocratiques

L’ambition de l’auteur est claire, pédagogique et civique d’abord « je me suis dit qu’en écrivant un livre sur la désinformation, je pourrais aider mes lecteurs, en particulier les jeunes, à mieux se repérer dans un monde où la radicalité et l’immédiateté occupent une place trop grande dans notre vie quotidienne ».

« Les plateformes numériques sont un formidable tremplin
pour faire passer des messages mensongers »

Olivier Favry, diplomate, auteur de « la désinformation » (Ed. Ellipses)

Le diplomate, directeur de l’institut culturel français de Bratislava, est aussi docteur en histoire et citoyen engagé : Il a souhaité défendre un idéal démocratique attaqué de toute part dans des temps populistes où certains politiques laissent prospérer, quand ils n’encouragent pas, les fausses informations. Leurs cibles favorites, la démocratie, la connaissance et le journalisme. Il évoque ainsi « Les phénomènes Trump et Musk, qui n’hésitent pas à faire de l’ingérence en appelant à voter pour des partis populistes. Les plateformes numériques sont un formidable tremplin pour faire passer des messages mensongers qui font douter les électeurs ».

Institut culturel français de Bratislava
Institut culturel français de Bratislava

Son approche est historique comme philosophique et sociologique. Car la source des fake news et de la désinformation est ancienne. Des pamphlets visant les rois aux poètes financés par Auguste pour abîmer la réputation de Marc Antoine. Mais ce sont les totalitarismes au 20ème siècle qui ont rendu ces manipulations massives à travers « la fabrique du consentement » inventée par un Goebbels, ministre de la propagande du Reich, ou grâce aux mises en scène soviétiques autour du massacre des officiers polonais de Katyn ou lors des grands procès d’après-guerre.

« Les États, à commencer par la Russie et la Chine, dont l’objectif est de nous déstabiliser et de détruire nos démocraties, sont les plus puissants ».

Olivier Favry, diplomate, auteur de « la désinformation » (Ed. Ellipses)

En rentrant dans l’ère numérique la capacité à manipuler autrui s’est trouvée dopée. L’élection américaine de 2016 et les « fermes à clics » de Macédoine attaquant Hillary Clinton, ou les rumeurs orchestrées contre les opposants de Jair Bolsonaro dans la campagne présidentielle brésilienne de 2018 auront produit de la désinformation à un niveau jamais relevé. Aujourd’hui la principale menace vient des États qui ont une puissance de manipulation gigantesque.

Résister face aux armées de Trolls et aux pièges de l’IA

La guerre en Ukraine fournit à Vladimir Poutine l’occasion de déployer des armées de Trolls sur les réseaux sociaux pour mener une guerre hybride qui ne se résume pas à l’envoi de missiles mais qui expérimente sur les réseaux sociaux des techniques de désinformation importantes.

« L’IA menace d’atrophier les capacités humaines »

Olivier Favry, diplomate, auteur de « la désinformation » (Ed. Ellipses)

L’exemple récent des attaques de drones sur la Pologne ou pour paralyser le trafic aérien de l’aéroport de Munich ont montré la capacité russe à manipuler l’opinion tout en renversant les responsabilités :  la désinformation laissant croire que l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord) ou les Occidentaux seraient à l’origine de ces attaques.

L’intelligence artificielle est interrogée par l’auteur dans ses potentialités, positives comme inquiétantes. « L’IA menace d’atrophier certaines capacités humaines comme la mémoire (puisqu’on n’a plus besoin de se remémorer par nous-mêmes les savoirs), le raisonnement, l’autonomie de la décision ».

Fake news
Fake news

Si la résistance à la désinformation passe par différents canaux, un des plus importants est la capacité des médias traditionnels à fournir de l’information fiable, vérifiée, et à opérer du « fact-checking ». Mais c’est les jeunes générations qui ont le plus d’aptitude à s’opposer à ces manipulations numériques. De par leur familiarité aux réseaux sociaux notamment. Le diplomate rappelle combien l’éducation aux médias et à l’information (EMI) et l’enseignement moral et civique (EMC) sont des matières importantes pour la formation des esprits de demain. Et pour former les nouvelles forces de sociétés civiles capables de faire face aux manipulateurs du futur.  En 100 questions et 100 réponses, le livre d’Olivier Favry parvient à faire le tour d’un sujet politique majeur et de nous offrir des outils pour mieux résister.

Olivier Favry
Olivier Favry

Questions Lesfrancais.press à Olivier Favry (octobre 2025)

Docteur en Histoire de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS), diplomate et romancier (sous le pseudonyme Samuel Corvair), Olivier Favry est l’auteur de plusieurs ouvrages :  L’Ami public américain. Les nouvelles relations industrie automobile-État aux États-Unis  de 1979 à  1991  (L’Harmattan, 2002),  Tout savoir sur l’Europe.

Lesfrancais.press : « Pouvez-vous me dire comment vous est venue l’idée de rédiger ce livre ? »

Olivier Favry : « L’idée d’écrire ce livre m’est venue en découvrant tout un tas d’informations fausses qui circulent sur les réseaux sociaux. Ces fake news obligent d’ailleurs les médias traditionnels – quand ils fonctionnent correctement – à vérifier les faits énoncés (fact-checking) et à rétablir la vérité. Je crois que le déclic a été le jour où j’ai lu que des abrutis prétendaient que la Terre est plate.

« L’espace qu’occupent les intox dans la sphère médiatique est immense »

Olivier Favry, diplomate, auteur de « la désinformation » (Ed. Ellipses)

Là, je me suis dit qu’en écrivant un livre sur la désinformation, je pourrais aider mes lecteurs, en particulier les jeunes, à mieux se repérer dans un monde où la radicalité et l’immédiateté occupent une place trop grande dans notre vie quotidienne. La formule des 100 questions/réponses, qu’ont adopté les éditions Ellipses pour l’une de leurs collections, m’est apparue idéale pour traiter ce sujet de plus en plus préoccupant pour nos démocraties. »

Lesfrancais.press : « Vous parlez d’une « galaxie de la désinformation ». Quelles sont aujourd’hui, selon vous, les formes les plus insidieuses de fake news ? »

Désinformation, Olivier Favry
"Désinformation" Olivier Favry

Olivier Favry : « J’évoque en effet une « galaxie de la désinformation » car l’espace qu’occupent les intox dans la sphère médiatique est immense. Au sein de cette nébuleuse, de cet univers où le mensonge prospère, les formes les plus insidieuses de fake news abîment la démocratie.

Qu’il s’agisse d’une information fausse ou périmée, d’une rumeur infondée, d’une tromperie à visée commerciale, d’un acte de propagande ou de théories du complot, tous ces messages, qui circulent sur les réseaux sociaux ou qui sont publiés sur des forums, sans compter ceux qui sont transmis sur nos adresses électroniques, font des ravages. »

Lesfrancais.press : « Entre propagande d’État, manipulation politique et désinformation commerciale, quels sont les acteurs les plus puissants dans ce domaine ? »

Olivier Favry : Selon moi, les États, à commencer par la Russie et la Chine, dont l’objectif est de nous déstabiliser et de détruire nos démocraties, sont les plus puissants. Les manipulations politiques, en particulier lors des élections avec des campagnes de désinformation devenues presque systématiques, sont emblématiques de cette dynamique. Il y a aussi les phénomènes Trump et Musk, qui n’hésitent pas à faire de l’ingérence en appelant à voter pour des partis populistes.

Fact Fake
Fact Fake

Les plateformes numériques sont un formidable tremplin pour faire passer des messages mensongers qui font douter les électeurs. S’agissant du dérèglement climatique par exemple, qui est une réalité, les désinformateurs sont habiles et abusent de la naïveté de certains électeurs. Et sur ce sujet, la France a malheureusement subi la mauvaise influence de Claude Allègre ! »

Lesfrancais.press : « L’intelligence artificielle bouleverse le rapport à la vérité. Est-elle devenue une arme de désinformation massive ? »

Olivier Favry : « L’IA doit être utilisée à bon escient pour ne pas apparaître comme une arme de désinformation massive. Dans quasiment tous les secteurs, parmi lesquels la médecine et l’éducation, l’IA a un impact important sur notre manière de penser. Comme l’explique la philosophe Anne Alombert (Le Monde, 4/10/2025), son usage implique une délégation de nos capacités intellectuelles, psychiques et mentales. Les algorithmes de recommandations peuvent influencer notre capacité de jugement et de décision, voire d’expression avec les IA génératives.

« Les IA génératives peuvent nous aider à apprendre,
mais elles entraînent aussi des addictions »

Olivier Favry, diplomate, auteur de « la désinformation » (Ed. Ellipses)

L’IA menace donc d’atrophier certaines capacités humaines comme la mémoire (puisqu’on n’a plus besoin de se remémorer par nous-mêmes les savoirs), le raisonnement, l’autonomie de la décision. Enfin, sachant que les machines sont entraînées par des personnes selon certains critères et certaines valeurs, la question des biais idéologiques est problématique. Certes les IA génératives peuvent nous aider à apprendre, mais elles entraînent aussi des addictions. »

Lesfrancais.press : « Vous évoquez l’apprentissage de l’esprit critique à l’école. Que faudrait-il changer concrètement dans l’éducation pour y parvenir ? »

Olivier Favry : « L’éducation aux médias et à l’information (EMI) et l’enseignement moral et civique (EMC) sont d’excellentes initiatives qu’il faut encourager et généraliser. Pour que cet apprentissage donne les meilleurs résultats, c’est-à-dire des citoyens avisés, il faut aider les jeunes à comprendre comment agissent ceux qui nous manipulent : États, plateformes, cybercriminels, etc. Dans ces conditions, les systèmes d’éducation doivent être capables d’enseigner le discernement, plus encore que l’accumulation des savoirs. Je ne vois qu’une méthode qui peut sauver les jeunes générations : celle de Raymond Aron, fondée sur la connaissance, l’analyse des faits et le rejet de l’émotionnel. »

Lesfrancais.press : « Enfin, pour le citoyen ordinaire, quels réflexes simples recommandez-vous pour se protéger au mieux de la désinformation au quotidien ? »

Olivier Favry : Chercher la source de l’information, comparer le traitement de cette information reçue avec celui d’un autre média, utiliser la technique du debunking, c’est-à-dire démystifier, identifier et démanteler une fausse information, reconstruire l’information dans un cadre objectif grâce au fact-checking. Veiller à toujours vérifier les faits et profiter pleinement de nos droits avant que des esprits malintentionnés nous les enlèvent. Lire ou relire des livres fondamentaux comme 1984 de George Orwell. Utiliser l’expertise d’ONG comme Reporters sans frontières pour dénouer le vrai du faux. Se méfier de ses propres émotions du type peur, colère, peine. En bref, raisonner, se documenter, et ne jamais cesser d’apprendre

La désinformation

Entre fake news, propagande et autres :
Comment se repérer et lutter contre elle ?
(Olivier Favry, Ellipses, 2025, collection 100 Questions/réponses)

Auteur/Autrice

  • Boris Faure est l'ex 1er Secrétaire de la fédération des expatriés du Parti socialiste, mais c'est surtout un expert de la culture française à l'étranger. Il travaille depuis 20 ans dans le réseau des Instituts Français, et a été secrétaire général de celui de l'île Maurice, avant de travailler auprès des Instituts de Pologne et d'Ukraine. Il a été la plume d'une ministre de la Francophonie. Aujourd'hui, il collabore avec Sud Radio et Lesfrancais.press, tout en étant auteur et représentant syndical dans le réseau des Lycées français à l'étranger.

    Voir toutes les publications
Laisser un commentaire

Laisser un commentaire