À la Maison blanche, un homme fait la loi. Ce n’est pas celui que l’on croit. «Celui qui peut être insulté et répondre par un sourire a l’âme d’un chef. » Aussi Zelensky a-t-il remercié le peuple américain après avoir été chassé de la Maison Blanche. « Historique », s’est exclamé l’homme d’affaires de Poutine, Kirill Dmitriev. Pour briser l’Alliance des Démocraties, pas besoin de Brics et de broc. Japonais, Australiens, Coréens, Taïwanais, plus stupéfaits encore que les Européens, envoient des messages de solidarité à Zelenski. Même les Soviétiques respectaient les traités. En sapant l’ordre international, Trump mine les fondements de la puissance américaine. Ses alliances, mais aussi son économie. Qui investit dans un système instable ? La bourse rechute. L’imprévisibilité a un coût. La politique protectionniste affaiblit les entreprises américaines, ponctionne le contribuable américain. Risque supplémentaire : Trump est capable de détruire l’ordre interne comme il détruit l’ordre international. Ce qu’il fait à ses alliés, il le fera aux Américains.
Parfois l’armée prend le pouvoir, cette fois, ce sont les vendeurs de faux passeports, de faux billets, les trump coins.
« Make America great again » ? La grande Amérique se déployait à travers le monde, de Roosevelt à Reagan en passant par Kennedy. Elle soutenait ses alliés, se voulait garante de l’ordre international, faisait la promotion du libre-échange et de la démocratie. Les deux vont souvent ensemble. Certains économistes disent qu’ils expliquent l’explosion des connaissances et des richesses. Trump agit comme un prédateur mafieux, qui, pourtant, ne pense qu’au repli. Trump vend les passeports américains. La citoyenneté américaine est-elle à ce point dévaluée que tous les truands de la terre, oligarques, trafiquants peuvent se la payer? Parfois l’armée prend le pouvoir, cette fois, ce sont les vendeurs de faux passeports, de faux billets, les trump coins. La Réserve Fédérale pourrait être obligée de constituer des réserves de bitcoins, un hold-up magnifique.
« Tout gouvernement n’est qu’une association secrète de voleurs et d’assassins » résumait Lysander Spooner. Cette fois, le vol, le chantage, la trahison sont érigés en mode de gouvernement, vantés, exaltés.
« Le premier roi qui se soit déclaré roi de droit divin n’était sans doute ni un escroc ni même un ambitieux dans le sens habituel du mot. Il se croyait roi de droit divin. Beaucoup, autour de lui, ont cru qu’il l’était, quelques-uns vraisemblablement, ont fait semblant de le croire, par intérêt. Et ils ont découvert ensuite que c’était leur devoir de continuer à faire semblant Leur devoir de servir. » C’est du belge, du Simenon. Certains se croient roi une fois élu. Trump, aux gouverneurs des États américains : « We are the Law » : « Je suis la loi », avec un « nous » de majesté. Selon The Economist et Yougov, 7% des Américains – dont 15% des Républicains – pensent que Trump devrait être « roi ». Il a bon espoir.
La majorité de l’humanité vit sous l’autorité de doux dingues qui ne sont pas toujours doux.
Beaucoup pensent être « la loi ». À regarder la carte du monde, la majorité de l’humanité vit sous l’autorité de doux dingues qui se prennent pour des génies de droit divin et ne sont pas toujours doux.
À se demander si le penchant naturel des sociétés n’est pas la soumission. « Le meilleur gouvernement est celui d’un seul chef » écrivait Thomas d’Aquin. L’angélique docteur ajoutait : « Tout le monde doit participer au gouvernement, car il y a là une garantie de paix civile ». La paix civile, comme la paix internationale, se fait par la participation de tous. Saint Thomas prévient : « Le roi, institué par le peuple, peut être justement déposé par lui, ou son pouvoir refréné, s’il abuse en tyran de son autorité royale ». Or, ici et là, il y a de l’abus.
Ce qui est vrai pour la société politique interne l’est pour la société internationale. Pour la première fois depuis 1942, les États-Unis disent : la loi internationale n’a pas d’importance, les organisations internationales sont sans intérêt, la coopération internationale est inutile et dangereuse ; les traités internationaux ne valent rien. Non seulement les États-Unis ne veulent plus être les gendarmes du monde, mais ils prennent volontiers le rôle de brigands, votent avec la Russie et la Biélorussie contre l’Ukraine à l’ONU.
Pour créer des alliances, l’intérêt ne suffit pas. Si seul l’intérêt commande, alors à chaque moment, un intérêt divergent peut supplanter l’intérêt passé. Il faut définir les intérêts à long terme. Aucun ne s’installe mieux que dans le partage des mêmes principes. Ce que sont les sociétés de confiance dans l’ordre interne, existe dans l’ordre international. Le bénéfice d’une société de confiance est immense. Tout comme le bénéfice d’une société internationale de confiance est incommensurable.
C’est l’heure des voleurs. C’est aussi l’heure des gendarmes. C’est pourquoi il faut s’armer.
Les tyranneaux locaux s’inquiètent. Si les grands ne respectent plus les règles, ils ne nous respecteront pas, même si nous sommes des brigands. Brigands comme nous, ils ne seront jamais rassasiés. Alors même les tyranneaux réclameront un ordre, pas forcément juste, mais stable. Encore faut-il que quelqu’un puisse répondre et l’organiser. Voilà un enjeu passionnant pour la France et l’Europe. C’est l’heure des voleurs, c’est aussi le moment de ne pas l’être. C’est aussi l’heure des gendarmes. C’est pourquoi il faut s’armer. Se faire à travers le monde, les porte-parole d’un ordre international fondé sur le droit. C’est le principe autour duquel se fera la politique de défense européenne. C’est utile, rassembleur, prometteur. C’est une vision du monde qui intéresse tout le monde, y compris en Asie et en Afrique.
Dans le bureau ovale, Trump voulait que Zelensky signe un partage de minerais. Un jeu de dupe, personne ne sait ce que valent ces minerais. Zelensky, lui, voulait que Trump s’engage à en garantir la sécurité. Autre jeu de dupe, puisque les États-Unis sont censés la garantir depuis le mémorandum de Varsovie. Comme les Russes ! Tout cela devait se faire devant les caméras. Mais Zelensky n’a pas voulu servir de faire-valoir. Son costume, moqué, rappelait que des milliers de soldats ukrainiens meurent en le portant. Les soldats russes, morts, blessés ou vivants demanderont un jour des comptes à Poutine et aux oligarques, comme les moujiks l’avaient demandé au tsar et aux aristocrates.
Ce n’est que le début de l’histoire. Le Nouveau Monde peut être laid, bête et méchant. Il est aussi riche, étonnant, prometteur.
Trump se trompe. Il n’est pas roi. La Russie est faible. Les Ukrainiens se battent. Même occupés, ils se battraient. S’il veut limiter l’influence de la Chine ; il a besoin d’alliés. La Russie ? Quelle blague. L’Europe ?
Les Européens se montrent unis. L’Europe a un message à donner au monde. L’Europe est désormais le seul pôle de puissance à ne pas être impérialiste. Si la diversité des systèmes et des populations, l’échange des connaissances et des modèles est un avantage dans le développement des sociétés, alors les Européens ont des atouts plus performants que la Chine ou les États-Unis.
Qui fait la loi ? Entre celle de Trump, la force, et celle de Zelensky, le droit.
Ce n’est que le début de l’histoire. Le nouveau Monde peut être laid, bête et méchant. Il est aussi riche, étonnant, prometteur. Jamais l’humanité n’a été si solidaire, si proche de découvertes au potentiel presque inimaginable. Ne jamais répondre à la bêtise par la bêtise. Au chantage par le chantage. À long terme, cela ne marche pas. Toujours cultiver l’espérance, autre façon de pratiquer la leçon quotidienne des Ukrainiens : le courage.
La scène du bureau ovale est historique : Qui fait la loi ? Entre celle de Trump, la force, et celle de Zelensky, le droit, le choix est d’évidence. Si les États-Unis ne veulent plus être les leaders du monde libre, que l’Europe le soit. S’en donner les moyens n’est pas une question morale, mais de vie.
Laurent Dominati
a. Ambassadeur de France
a. Député de Paris
Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press et de l’app bancaire pour expatriés France Pay
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