Un tribunal israélien a condamné lundi à sept ans de prison ferme un ancien employé du consulat général de France à Jérusalem pour son implication dans un trafic d’armes entre les Territoires palestiniens.
Romain Franck, contractuel français qui travaillait comme chauffeur pour le consulat général, a aussi été condamné par le tribunal de Beersheva (sud) à 18 mois d’emprisonnement avec sursis et 30.000 shekels (environ 7.400 euros) d’amende.
Sans disposer de l’immunité diplomatique, Romain Franck, âgé de 24 ans et originaire du nord de la France, était accusé par Israël d’avoir mis à profit la relative protection que lui conféraient ses fonctions pour transporter dans un véhicule du consulat en plusieurs voyages des dizaines d’armes entre la bande de Gaza et la Cisjordanie.
L’affaire était délicate pour la diplomatie française, même si les services israéliens avaient indiqué eux-mêmes après son arrestation en février 2018 qu’il avait agi pour l’argent et à l’insu de ses supérieurs.
Romain Franck, arrivé le visage recouvert de la capuche de son sweat-shirt qu’il a retirée à l’entrée du juge, a accueilli en silence la peine prononcée en hébreu et traduite à son attention par un interprète. Il savait à quoi s’attendre, la condamnation résultant d’une reconnaissance des faits et d’un accord entre l’accusation et la défense.
La cour lui a reproché d’avoir « cyniquement abusé » de sa position. Mais elle a retenu à sa décharge ses aveux et ses remords ainsi que l’absence d’antécédents. Elle a relevé qu’il n’avait « pas agi par conviction idéologique, ou par volonté de nuire à la sécurité de l’Etat d’Israël ».
L’affaire a pour toile de fond le conflit persistant entre Israéliens et Palestiniens. Selon la sécurité intérieure israélienne, Romain Franck recevait les armes d’un employé du Centre culturel français à Gaza et les sortait de l’enclave dans le véhicule du consulat général. Une fois en Cisjordanie, il remettait les armes à un individu qui les revendait à des trafiquants, selon la même source.
– Complices palestiniens –
Cinq complices palestiniens avaient été arrêtés et inculpés en même temps que lui.
Gaza et la Cisjordanie sont distants de quelques dizaines de kilomètres à travers Israël. Gaza, gouvernée par le mouvement islamiste Hamas, ennemi d’Israël, est soumise depuis plus de 10 ans à un rigoureux blocus israélien. La Cisjordanie est sous occupation israélienne depuis plus de 50 ans.
A bord d’un véhicule diplomatique, Romain Franck espérait échapper aux contrôles israéliens, notamment à l’entrée et à la sortie de Gaza, étroitement surveillées par Israël.
Sans avoir de contact avec le Hamas, considéré comme « terroriste » par l’Union européenne, les diplomates français se rendent régulièrement à Gaza, à la différence par exemple des Américains.
Le consulat général de Jérusalem n’a pas seulement une tâche consulaire, mais assure aussi une mission diplomatique auprès de l’Autorité palestinienne, embryon d’Etat palestinien indépendant.
La sécurité israélienne accusait Romain Franck d’avoir transporté en cinq voyages environ 70 pistolets et deux fusils automatiques. Dans son jugement, le tribunal n’évoque plus que 29 pistolets. Ses activités lui auraient rapporté 26.000 shekels (environ 6.400 euros).
– Prison en France ? –
La cour a cependant dressé le tableau d’un jeune homme dépassé, qui avait grandi dans un petit village et avait servi comme pompier volontaire. Un ami lui avait proposé de travailler au consulat général, et il y avait vu « la chance de quitter son village », selon le jugement.
Il avait commencé à travailler en janvier 2017 au consulat général comme « volontaire international », statut qui permet à de nombreux jeunes adultes de bénéficier d’une expérience professionnelle à l’étranger.
Il s’est retrouvé « dans une situation qu’il n’aurait jamais imaginée », a dit le tribunal. Mais il a pris le risque de porter atteinte aux relations entre diplomates français et autorités israéliennes, a dit le tribunal, indiquant que les contrôles sur les véhicules diplomatiques avaient été renforcés.
Romain Franck aurait pu être condamné bien plus lourdement compte tenu de la gravité des faits, a déclaré son avocat Kenneth Mann.
« C’est quelque chose de très difficile pour toute la famille, et ils espèrent que leur fils va rentrer en France le plus vite possible », a-t-il ajouté
La famille voudrait qu’il purge sa peine en France. « Les Français doivent en faire la demande, et les Israéliens décideront », a-t-il dit.
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