Certains déconfinent. D’autres prolongent. Tel expert médical avance que le déconfinement aurait sauvé 60.000 mille vies, bien qu’aucun pays n’ait été victime d’un tel taux de mortalité. D’autres experts considèrent sa prolongation inutile. En réalité, il y a différentes sortes de confinement, différentes politiques. Au delà des incertitudes médicales, la pandémie donne à tous les régimes, autoritaires ou démocratiques, une occasion de renforcer les contrôles sur les citoyens. Selon Reporters sans frontières, à l’occasion de la crise du coronavirus, la liberté de la presse est en recul presque partout dans le monde. Partout pèsent des risques sur la démocratie. Peut-être est-ce paradoxalement plus graves dans les démocraties que dans les régimes autoritaires.
Crise sanitaire, catastrophe sociale
L’épidémie a, pour l’instant, provoqué la mort de près de 200.000 personnes dans le monde. Le nombre de cas baisse. Les hypothèses pessimistes n’envisagent plus, heureusement, que le nombre de morts dépasse le double de celui d’aujourd’hui. Le Covid 19 aura donc été cent fois moins mortel que la grippe espagnole, quatre fois moins que la grippe d’Asie de 1957 ou celle de Hong Kong de 1968. Il aura été mieux maîtrisé.
Du point de vue sanitaire, le coronavirus est une crise, pas une catastrophe. En revanche, les conséquences de l’épidémie sont un cataclysme: Une dépression mondiale telle que le monde n’en a jamais connue, à peine supportable dans des pays riches, insupportable dans les pays pauvres. En Afrique de l’ouest, 50 millions de personnes sont menacées de famine selon le PAM (Programme Alimentaire Mondial) à cause de l’interruption du commerce international.
Effondrement économique, surtout pour les pays pauvres.
L’effondrement économique n’est pas du à une cause extérieure mais aux décisions gouvernementales, qui sont allés d’un confinement strict contrôlé par la police (France, Italie), à l’absence de confinement (Suède, Corée), en passant par des restrictions plus ou moins strictes (Allemagne, Etats-Unis).
Le confinement strict n’a pas prouvé d’efficacité supérieure au port du masque généralisé.
Les pays où le confinement a été le plus strict (France, Italie, Espagne, Belgique) sont aussi les pays où le nombre de décès par habitant est le plus élevé. Belgique : 60 décès pour cent mille habitants. Espagne, 49, Italie, 43; France, 33.
Dans les pays au confinement plus souple (En Suède et à Singapour, les restaurants sont même restés ouverts), le nombre de morts par rapport à la population est moins élevé : Pays-Bas, 25; Suisse, 18; Suède, 21; Allemagne, 7; Singapour,0.2; Taïwan, 0.03[1]. Derrière cette comptabilité macabre, il y a des vies.
Le confinement général ne donne visiblement pas de meilleurs résultats qu’une politique combinée de port du masque, de protection des personnes fragiles, de recherche de contacts et d’isolement des cas positifs ou suspects.
Ceci devrait mettre en question les politiques suivies jusqu’à présent. D’autant que le confinement général n’a pas que des conséquences économiques et sociales, il suspend les libertés publiques fondamentales.
Un bilan catastrophique pour le respect du droit.
L’administration contrôle désormais la plupart des activités professionnelles et personnelles. Ceci, alors que les contrôles parlementaires et judiciaires ont été réduits au minimum. Parfois en dessous du minimum, selon certains avocats. Les abus de pouvoir, y compris en France, se multiplient. Interdire la vente d’alcool, traquer les plongeurs et les randonneurs, mettre en prison des personnes démunies d’attestation, contrôler le caractère urgent ou non des courses, censurer les informations critiques, empêcher des regroupements familiaux, sont des mesures qui, toutes, devraient être individuellement justifiées par l’autorité publique et non par le citoyen. En quoi se baigner sur une plage est-il dangereux pour les autres ? Des magistrats de la Province du Val d’Aoste, en Italie, considèrent illégales les mesures d’interdiction de promenade en montagne.
Liberté d’expression, droit du travail, liberté du commerce, liberté de circulation, droit d’asile, droits de la défense, liberté religieuse, du point de vue juridique, le bilan est catastrophique pour l’état de droit.
Les mesures exceptionnelles doivent être proportionnelles
Tout cela peut se justifier par l’urgence, qui se rattache à la vieille théorie des circonstances exceptionnelles de 1919. La loi votée par le Parlement sur « l’état d’urgence sanitaire » confie en effet des pouvoirs exceptionnels au gouvernement, pour une durée maximale de deux mois. Mais les mesures d’urgence ne sont justifiables que si elles sont proportionnelles à la menace.
Aucune loi votée par le Parlement ne peut suspendre ces libertés fondamentales sans que cette proportionnalité soit constamment vérifiée.
Si le confinement total ne procure pas de protection significative par rapport à un confinement « volontaire », la proportionnalité n’étant plus respectée, il devrait être jugé illégal.
Plus d’un mois semble excéder la durée d’une urgence
L’absence des équipements ne peut servir de justification durable pour maintenir la population en résidence surveillée. Ce qui a des conséquences médicales certaines, notamment chez les plus fragiles et les plus âgées, comme le signalent les psychiatres. Cela peut être toléré quelque temps, mais comment confiner des non-malades deux mois, alors que le confinement des malades ne dépasse pas 14 jours?
Plus d’un mois semble excéder la durée d’une urgence. Surtout quand les résultats d’une telle politique ne sont pas probants. L’urgence ne peut être une excuse pour prendre systématiquement du retard. Quand elle devient permanente, quand elle est disproportionnée, l’urgence rend les mesures prises en son nom illégales. Il y a déjà des procès pour négligence, il y en aura aussi pour excès de pouvoir.
Puissent le Conseil Constitutionnel et le Conseil d’Etat, avant la Cour Européenne des Droits de l’Homme, rappeler la primauté des libertés fondamentales, ce qui leur évitera d’être entrainés dans la défiance qui gagne toutes les institutions.
Puisse aussi la France ne pas être utilisée en exemple à l’avenir par des régimes qui utiliseraient n’importe quel maladie pour imposer une législation d’ « urgence ».
[1] Source , Université John Hopkins, en date du 26 avril.
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