Le président tunisien Kaïs Saïed a annoncé mercredi la dissolution du Parlement huit mois après l’avoir suspendu pour s’arroger les pleins pouvoirs en juillet 2021, faisant vaciller l’expérience démocratique dans le pays berceau du Printemps arabe.
Kaïs Saied a fait cette annonce lors d’une réunion du « Conseil de sécurité nationale » qu’il a présidée, quelques heures après que des députés ont bravé la suspension du Parlement en organisant une séance virtuelle, au cours de laquelle ils ont voté pour annuler les mesures exceptionnelles décidées depuis par le président.
« J’annonce aujourd’hui en ce moment historique la dissolution de l’Assemblée des représentants du peuple pour préserver l’Etat et ses institutions et pour préserver le peuple tunisien« , a déclaré le président dans une vidéo diffusée par la présidence.
Séance virtuelle de l’assemblée nationale tunisienne
Après des mois de blocage politique, Kaïs Saïed, élu fin 2019, s’est arrogé les pleins pouvoirs le 25 juillet en limogeant le Premier ministre et en suspendant le Parlement dominé par le parti d’inspiration islamiste Ennahdha, sa bête noire.
120 députés tunisiens ont bravé mercredi 30 mars la suspension du Parlement en organisant une séance virtuelle au cours de laquelle ils ont voté pour annuler ces mesures exceptionnelles.
A l’appel du Bureau de l’Assemblée des représentants du peuple, une instance qui regroupe la présidence du Parlement et des représentants des partis y siégeant, 120 députés (sur un total de 217) ont participé à cette plénière en ligne, présidée par Tarek Fertiti, vice-président du Parlement, un indépendant.
116 députés ont voté en faveur d’un projet de loi visant à annuler les mesures exceptionnelles prises par Kaïs Saied, qui bloquent, selon eux, le processus démocratique et instaurent le pouvoir d’un seul homme dans le pays berceau du Printemps arabe.
Appel à de nouvelles élections
Les députés, dont des élus d’Ennahdha et des indépendants, ont appelé en outre à l’organisation d’élections législatives et présidentielle anticipées pour sortir de la crise politique et socio-économique.
Dans son allocution annonçant la dissolution du Parlement, le président tunisien a qualifié la réunion des députés de « tentative de coup d’Etat, qui a échoué« . Il a accusé les participants de « comploter contre la sécurité de l’Etat » et demandé à la ministre d’engager des poursuites à leur encontre. « Nos forces de sécurité militaires et civiles feront face selon la loi à tout recours à la violence« , a-t-il averti.
Après avoir suspendu le Parlement et limogé le gouvernement, Kaïs Saïed a dissous en février le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), une mesure qualifiée de nouvelle dérive autoritaire par ses détracteurs et qui a suscité des inquiétudes pour l’indépendance de la justice.