Trump : le choc sur l’économie mondiale 

Trump : le choc sur l’économie mondiale 

Le mois de janvier 2025, et l’investiture de Donald Trump comme Président des USA, ont marqué la saison sur le plan de la politique internationale mais surtout sur le volet économique. Le chef du service Économie du site Lesfrancais.press, Philippe Crevel ne s’y est pas trompé.  Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, et président du Cercle de l’Épargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite, Philippe Crevel partage avec vous depuis 5 ans ses analyses sur l’économie mondiale. On profite de la pause estivale pour revenir sur ces mois « fous » qui ont changé le monde des échanges commerciaux pour de nombreuses années.

Les racines de la crise

Pour la première fois depuis 2022, le PIB américain a reculé de 0,3 %, selon une estimation publiée en mai par le ministère du Commerce des USA.  Celui-ci s’explique en grande partie par la règle de calcul selon laquelle les importations sont déduites de la production de richesse nationale. Or les achats à l’étranger ont bondi au début de l’année, entreprises et consommateurs se pressant d’acquérir certains biens avant qu’ils ne coûtent plus cher avec les nouveaux droits de douane. Revers de la médaille : les achats anticipés sont autant de dépenses en moins pour la suite, ce qui risque d’entraîner d’autres violents mouvements dans les prochaines publications.

Car jusqu’ici, les marchandises étaient très peu taxées en passant les frontières : entre 1 et 4% de taxe en général. Des droits de douane de 10 à plus de 50% représentent un total basculement par rapport à la manière dont le commerce est organisé depuis la Seconde Guerre mondiale. En taxant plus les marchandises que les Américains achètent à l’Europe, au Canada ou en Asie, notamment, le but du président américain Donald Trump est de produire ces biens aux Etats-Unis, de relocaliser l’économie et de moins dépendre de l’étranger.

Free Trade Zone
Photo d'illustration ©️Stockadobe

C’est pour cela que le président américain présente sa décision comme une « libération » qui doit rendre les Etats-Unis plus indépendants. C’est un retour à ce que l’on appelle le « protectionnisme« , car on « protège » la production nationale.

Changement de paradigme

Les États-Unis d’Amérique ont toujours entretenu une relation complexe avec la question de l’ouverture aux échanges économiques extérieurs. Cependant, l’augmentation des droits de douane décidée par l’administration américaine actuelle ne s’inscrit pas dans la tradition des USA. Elle s’apparente même, avec des droits de douane importants dans la sidérurgie (passés de 25 % initialement à 50 %), à une forme de protection d’une industrie en fin de vie qui a par ailleurs la particularité d’être localisée dans des États dont les électeurs balancent entre les républicains et les démocrates (swing states).

Alors que les droits de douane et la plupart des mesures protectionnistes restaient établis sur une base multilatérale et non discriminatoires, identiques quels que soient les partenaires commerciaux des États-Unis, Donald Trump les utilises comme des armes. C’est ce principe de base, inscrit à l’OMC, qui est brutalement remis en question par l’administration actuelle.    

Congrès Américain
Photo d'illustration ©️Stockadobe

Selon la loi, un certain nombre d’articles (notamment le 232 et 301) permettent à l’exécutif de prendre des mesures de rétorsions douanières envers les pays dont les pratiques commerciales sont jugées déloyales. Toutefois, son utilisation est soumise à un certain nombre de contrôles et les mesures sont généralement temporaires. Mais Donald Trump a décidé de faire autrement, pariant sur sa réussite quelles que soient les conséquences pour l’économie mondiale.

Les conséquences mondiales

À la tête de la première puissance économique, financière et militaire mondiale, les revendications territoriales du président américain sur le Canada, le Panama et le Groenland, son chantage aux taxes douanières sur les échanges commerciaux avec ses partenaires et alliés les plus proches (Mexique, Canada, Union européenne…) et la Chine comme ses premières décisions laissent augurer d’un mandat où le comportement fantasque du Président, le règne de la loi du plus fort et de l’unilatéralisme, une attitude impérialiste et néocolonialiste débridée et des initiatives à l’emporte-pièce vont façonner et fracturer la scène internationale et l’ordre mondial imposé après la Seconde guerre mondiale, souvent par la force, par les États-Unis eux-mêmes.

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Et ce choc a des répercussions sur le dollar, qui est de plus en plus contesté comme monnaie de référence. Pourquoi ? Car Stephen Miran, président du Council of Economic Adviser, propose notamment d’imposer les flux de capitaux qui entrent aux Etats-Unis. Cela reviendrait à restaurer un contrôle des capitaux. Or toute l’architecture monétaire mondiale depuis des décennies repose sur un flux libre entre les économies avancées. Le socle du système, c’est la possibilité d’investir aux Etats-Unis en dollars, de retirer ses avoirs en dollars, sans friction.

Les investisseurs du monde entier investissent en dollars car ils ont confiance dans le système, pas parce qu’ils y sont contraints. Et les Etats-Unis ne peuvent se prévaloir d’une capacité de coercition sans limites. Ils sont du reste en train d’abîmer à grande vitesse leurs alliances et ils ne peuvent à l’évidence pas appliquer une pression militaire sur l’ensemble du monde.

Ce qui s’est passé ces dernières semaines avec les droits de douane a clairement montré les limites de la capacité de coercition américaine, avec les allers-retours chaotiques des positions américaines impulsées par Donald Trump. Cette instabilité grève la croissance mondiale et inquiète le FMI, qui anticipe un risque de crise majeure.

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