Depuis le 7 juillet au soir, chaque groupe politique cherche des partenaires, des alliés, pour gouverner la France en inventant une majorité. Mais en France, cette situation semble encore « indétricotable »tant elle est rare dans notre pays depuis l’avènement de la Ve République. Pour autant, la création d’alliance pour diriger une nation est de « coutume » parmi bon nombre de démocraties. Ils existent donc des solutions. Les Français vivant hors de France peuvent nous partager les expériences vécues dans leurs pays de résidence. C’est le sens de cette tribune que Lesfrancais.press a reçu, et que nous publions. N’hésitez pas à nous faire parvenir vos contributions en écrivant à info@lesfrancais.press.
Première contribution, celle de Thierry Masson, élu, Renaissance, à l’Assemblée des Français de l’étranger, où il représente les Français du Benelux et préside le groupe Indépendants, Démocrates et Progressistes, il travaille au Parlement européen depuis 2008.
Assemblée nationale : déni de démocratie ou contrat de coalition ?
Les élections législatives anticipées ont fait émerger trois blocs : le Nouveau Front Populaire, Ensemble pour la République et le Rassemblement National. Aucun ne possède de majorité absolue. Seuls deux, au centre et à gauche, peuvent élargir leur socle pour atteindre une majorité absolue capable de gouverner le pays.
Cette situation, courante dans de nombreux pays européens, est exceptionnelle sous la Cinquième République. Alors que, chez la plupart de nos voisins, des négociations entre partis seraient déjà en cours pour former une majorité la plus large possible, nous assistons en France à un spectacle absurde.
À gauche, certains crient au déni de démocratie, tandis que d’autres, à droite, s’enferment dans une voie d’indépendance sans issue. Mme Aubry accuse, avec des accents trumpistes, le Président de vouloir « voler l’élection ». L’ancien député M. Quatennens propose même de marcher sur Matignon pour imposer un Premier ministre de LFI.
Bref, la « bordélisation » est de retour.
La plupart des pays européens ont l’habitude de former des coalitions. Contrairement à ce que clament certains, ce n’est pas nécessairement au parti arrivé en tête qu’il revient de former un gouvernement, mais bien à celui capable de réunir la plus large majorité.
Dans la circonscription du Benelux où je suis élu, je me souviens très bien des élections générales de 2018 au Luxembourg. Bien que le Parti chrétien-social ait remporté le plus de sièges, c’est le libéral Xavier Bettel du Parti démocratique qui forma une coalition gouvernementale avec le Parti socialiste luxembourgeois et les écologistes.
L’Allemagne a été pionnière en la matière. Dès 1969, l’Union chrétienne-démocrate (CDU) dut céder la place au Parti social-démocrate, pourtant arrivé deuxième aux élections, qui proposa une coalition avec le Parti libéral-démocrate. Une coalition stable et renouvelée à deux reprises malgré les victoires de la CDU aux élections suivantes de 1976 et 1980.
Lors des élections générales de 2020 en Irlande, c’est le Sinn Féin qui remporta le plus grand nombre de voix. Cependant, les partis Fianna Fáil et Fine Gael, arrivés en deuxième et troisième positions, formèrent une coalition gouvernementale avec les Verts. Tout récemment, en Espagne en 2023, malgré la victoire du Parti Populaire, c’est le socialiste Pedro Sánchez, arrivé en deuxième position, qui réussit à conserver une majorité en s’alliant avec plusieurs partis.
Jamais je n’ai vu les partis de gauche en France s’émouvoir d’un déni de démocratie lorsque leurs partenaires obtenaient le pouvoir ainsi. Parce qu’il n’y en avait pas. En démocratie parlementaire, ce n’est pas nécessairement celui qui est arrivé en tête qui dirige le gouvernement. C’est celui qui est capable de réunir la majorité la plus large.
Contrairement à ce qui est souvent répété, l’Assemblée nationale n’est pas ingouvernable ; c’est l’irresponsabilité de certains qui la rendrait telle. À l’image de nos voisins européens et comme l’a demandé le Président de la République, il est impératif que tous les groupes politiques se mettent au travail afin d’adopter un contrat de coalition soutenu par une majorité la plus large possible.
C’est le chemin que les Français nous ont demandé de tracer.
Thierry Masson
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