Tout juste un an après le plus violent séisme qu’a connu le Maroc, le 7 septembre 2023, et qui a engendré la mort de 3 900 personnes et près de 6 000 blessés dont des femmes et des enfants, le traumatisme est toujours visible et ressentit auprès des populations de la région d’Haouz, situé à 70 kilomètres de Marrakech, épicentre du tremblement de terre (magnitude 6,8 sur Richter). « C’est la première dans l’histoire du pays qu’une catastrophe aussi importante se produit. Rien que les opérations de déblayage ont été très difficiles et compliquées du fait de devoir intervenir en montagne. Ce que je peux dire aujourd’hui, c’est que les pouvoirs publics sont et restent mobilisés pour faire au mieux », indique Mohamed Jamal Bennouna, Ingénieur, expert en gestion des risques et membre du comité d’experts mis en place au lendemain du séisme.
Pour Nabil Mekaoui, Professeur a l’Ecole Mohammadia des Ingénieurs (EMI) et Docteur en parasismique « la magnitude et la localisation du tremblement de terre étaient vraiment inattendues et son effet destructeur a été très important. La prise de conscience générale du risque sismique sur l’ensemble du territoire, non pas qu’à Agadir et Al Houceima, est un gain qui permettra indirectement d’atténuer les éventuels futurs séismes ».
La gestion Post séisme a été articulée autour deux axes. Le premier relatif aux secours d’urgence et à la solidarité envers les milliers de sinistrés. La seconde étape a été celle de l’organisation de la reconstruction une enveloppe budgétaire destinée à soutenir financièrement les personnes ayant perdu leurs habitations totalement détruites ou partiellement (14 000 euros pour les propriétaires d’habitations effondrées et 8 000 euros propriétaires de logements partiellement effondrés).
Aides financières directes à la reconstruction, une fausse bonne idée…
Une méthode d’intervention des pouvoirs publics qui ne fait l’unanimité. « Intervenir en distribuant des sommes d’argent aux sinistrés pour les aider à reconstruire leurs maisons est inadapté pour le cas du Haouz où les reliefs et la géographie de l’Atlas sont très contraignants. J’aurais préféré que l’Etat construise des logements dans des zones plus sûres et moins risquées, évitant aux populations fortement impactées psychologiquement et socialement de devoir le faire elle-même », déclare Rachid Boufous, Architecte et Urbaniste. Il ajoute « Il est erroné de croire que donner de l’argent directement aux populations pour reconstruire allait régler le problème, bien au contraire. Les retards constatés et autres aléas, je les avais prédits. La solution la plus efficace et la plus rapide aurait été de signer des conventions cadres public / privé, ce qui aurait permis une bonne maîtrise du processus de reconstruction de logements ». Du côté des pouvoirs publics, on affirme que 70 % des personnes ayant perdu leurs habitations ont reconstruit leurs maisons et que seulement 28 % sont encore aujourd’hui hébergées dans des tentes déployées sur site.
L’État annonce que d’ici 2025, toutes les populations sinistrées seront relogées. « Il y avait 59 000 logements et 1 000 écoles à reconstruire, les processus de diagnostic a conduit naturellement les gens à contester le mode de sélection afin de pouvoir bénéficier d’un maximum d’aides financières avec à la clé des retards », poursuit Rachid Boufous.
Outre l’aspect de la méthode privilégié par les pouvoirs publics, un autre sujet qui fait débat au sein de la communauté de spécialistes en urbanisme et en reconstruction. Il s’agit des matériaux utilisés pour une reconstruction pérenne de milliers de logements. Les pouvoirs publics ont porté leurs choix sur béton armé plutôt que la solution parasismique en pisé. « C’est plutôt le choix du citoyen. Les pouvoirs publics ont apporté une aide financière et une assistance technique conformément aux orientations royales. Sur le plan technique, tous les matériaux de construction usuels tel que le béton armé, le pisé et la pierre sont envisageables. La résistance sismique requise pour la construction est assurée par le respect des normes parasismiques conformément aux règlements RPS pour le béton armé et RPCTerre pour les constructions en terre et / ou pierre ». Un avis partagé par Rachid Boufous. « On ne peut construire de façon pérenne et sécurisée qu’en béton armé au Maroc selon la réglementation parasismique. C’est une solution qui reste la moins chère et la plus rapide. La solution parasismique en pisé, qui existe et qui est réglementée au Maroc, aurait pris plusieurs années dans la mise en œuvre ».
Niveau de menace sismique…
Reste à savoir si les milliers d’habitations reconstruites à ce jour et dans des délais aussi courts respectent les règles parasismiques dans des espaces exposés au risque de nouvelles secousses sismiques. « C’est obligatoire qu’elles le respectent sinon elles ne pourraient pas être autorisées. Il s’agit de préserver des vies humaines et les autorités marocaines veillent scrupuleusement au respect des modes de constructions parasismiques. Le problème est ailleurs. Le fait que les gens construisent eux-mêmes alors qu’il y a pénurie de main-d’œuvre, de tâcherons compétents, de ressources humaines en architectes, ingénieurs, laboratoires géotechniques pour suivre maison par maison, douar par douar, c’est le plus inquiétant », indique Rachid Boufous. Il est vrai qu’une des spécificités de cette région montagneuse repose sur l’éparpillement des constructions dans les montagnes, souvent difficile d’accès. Les risques d’éboulements sont toujours présents et les hivers toujours aussi rigoureux ainsi que les fortes précipitations (un peu plus au sud de Marrakech, des torrents de pluie ont fait 18 morts le week-end dernier ainsi que d’importants dégâts matériels).
1 an après cette catastrophe humaine sans précédent, beaucoup s’interrogent sur le niveau réel de la menace sismique au Maroc. « D’après la sismicité historique et instrumentale du Maroc, la fréquence d’occurrence des séismes destructeurs dans cette région du Haut Atlas est faible par rapport à la zone rifaine, située au nord du pays. Un séisme naturel est la rupture de roche à des dizaines voire des centaines de kilomètres en profondeur de la terre. Un phénomène dont l’heure, la date et la localisation ne peuvent être prédits avec précision encore de nos jours. La construction parasismique demeure la meilleure solution préventive face à des évènements naturels imprédictibles », conclut Nabil Mekaoui.
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