Les ministres Elisabeth Borne et Bruno Le Maire ont précisé les choix opérés par l’État en matière de soutien public à Air France.
Au terme d’un véritable marathon, les ministres de la Transition écologique et de l’Économie ont été auditionnés, jeudi 30 avril, par les membres des commissions du développement durable et de l’activité économique de l’assemblée nationale. L’occasion, pour les deux représentants de l’exécutif, de poser quelques jalons « d’un nouveau modèle économique ».
Encore dans les limbes, ce nouveau modèle prendra probablement exemple sur les secteurs de l’aérien et de l’automobile, grands bénéficiaires du compte d’affectation spécial de 20 milliards d’euros dernièrement créé par la seconde loi de finances rectificative de l’année.
Filières et dirigisme
Le premier principe mis en œuvre par l’Etat sera celui du renforcement des filières industrielles. Avec un doigt de dirigisme d’Etat. « La reprise sera plus rapide dans les filières structurées, comme l’aéronautique, que dans celles où il n’existe pas de solidarité entre les grands et les petits acteurs, comme le BTP », indique la ministre de la Transition écologique, Elisabeth Borne.
Après avoir promis un emprunt de 7 milliards d’euros à Air France (« car celui qui paye décide », justifie le ministre de l’Économie Bruno Le Maire), l’État va imposer ses vues aux deux plus grands groupes de l’aérien tricolore: Air France et Airbus. Au premier l’obligation de réduire de moitié ses émissions carbonées par passager/km entre 2005 et 2030, la baisse de moitié des émissions carbonées sur le réseau intérieur. Le tout sans sacrifier aux règles de bonne gestion.
Cela passera par un renouvellement de la flotte. « Air France devra acheter des Airbus A220 et A350 », résume Elisabeth Borne. Le transporteur devra aussi fermer une demi-douzaine de liaisons intérieures (comme Orly-Bordeaux) entrant en concurrence avec des trajets en TGV de moins de 2 h 30. Air France, enfin, devra accroître sa consommation de biocarburants « exclusivement de deuxième génération », a précisé Elisabeth Borne. Les planteurs de betteraves en seront pour leurs frais.
Menaces sur ADP
Ce coup d’aérofreins aura des conséquences, aussi, pour Aéroports de Paris (ADP), dont le projet de privatisation n’est plus à l’ordre du jour. Et l’on peut comprendre pourquoi. Car, le virage vert sur l’aile que devra effectuer Air France aura des répercussions sur l’activité des deux principales plateformes d’ADP : les aéroports d’Orly et de Roissy. « On peut d’ailleurs s’interroger sur la pertinence de l’extension de terminaux », a commenté Bruno Le Maire. L’avenir du terminal T4 de Roissy s’annonce compromis. Or, il s’agit d’un projet majeur pour APD.
Gageons aussi que la baisse du trafic aérien intérieur pourrait bouleverser le modèle économique de nombreux aéroports régionaux, très dépendant des aides directes et indirectes de l’État. Le train ne pourra sans doute pas tout compenser. « La SNCF a perdu un milliard d’euros, à cause des grèves de 2019. Elle en perd des milliards depuis le début de la crise. Il faudra revoir sa trajectoire », indique la ministre, évoquant au passage sa filiale de fret. À moins, bien sûr, que l’État ne se pique de stratégie. « Il faut réfléchir à l’intermodalité entre Air France, la SNCF et les petites lignes », souligne Bruno Le Maire.
Si les deux ministres s’accordent sur le fait qu’il faut accélérer la transition écologique pour sortir de la crise, nul doute que la feuille de route reste à écrire. Fort heureusement, Bercy a déjà préparé sa méthode. Le ministère de l’économie entend baser son nouveau modèle économique sur le triptyque: relocalisation d’activités stratégiques, investissements dans la recherche et la formation et coordination avec l’Union européenne. Deux dossiers figurent dans ce dernier parapheur : la relance du Pacte vert européen encalminé à Bruxelles et le déploiement rapide d’une taxe carbone aux frontières.
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