Tout va mal, mais tout va mieux.

Tout va mal, mais tout va mieux.

A force de regarder la télé, nos contemporains ont le sentiment que tout va plus mal qu’hier et que demain sera pire qu’aujourd’hui. Entre la crise financière, les années de terrorisme et le changement climatique, 2020 ne présagerait rien de bon. Et pourtant.

Si l’on regarde la condition humaine à l’échelle de notre petite planète, à l’heure de la mondialisation, jamais les humains ne se sont portés aussi bien, alors qu’ils n’ont jamais été si nombreux. Ces dix dernières années, la mortalité infantile a encore régressé de 30%. Elle est passée de 55 pour mille naissances en 2000, à 29 pour 1000 en 2018. Evidemment, en France, on s’en aperçoit peu, elle est à un niveau difficilement compressible : 3 pour 1000. En 1950, on en était à 50 pour mille, situation actuelle de l’Afrique subsaharienne. Pour se rendre compte du progrès, cela signifie que sur les 720.000 naissances de l’année, alors que l’on compte aujourd’hui 2700 décès, on en aurait déploré 45.000.

Pourquoi naître si c’est pour mourir de faim ? Ce qui fut longtemps la condition des peuples d’une terre trop peu nourricière, la malnutrition, elle aussi, a diminué : de 13% en dix ans. Inquiétude : elle ne diminue plus ces deux dernières années. Il y a toujours 800 millions de personnes qui ne mangent pas à leur faim. Un défi pour les dix prochaines années. Comme celui de l’obésité, maladie du siècle nouveau.

Survivre soit, mais comment ? L’extrême pauvreté (moins de 2$ par jour), concerne encore 9% de la population mondiale. Mais elle a diminué  de moitié en dix ans. Tout comme les décès liés au Sida (-50%) : 770.000 morts du sida en 2018, c’est encore énorme, mais c’est moins que deux millions en 2000. Le nombre de morts dus à la pollution, a lui aussi baissé, de 20%. Et l’illettrisme a encore reculé, de 20% également[1].

Cela ne veut pas dire que le monde va bien, cela veut dire qu’il va mieux, dans des domaines fondamentaux, notamment pour les plus pauvres. Les gains, dans les pays riches, sont plus difficiles.

Pourquoi ces progrès ? Parce que la mondialisation, si critiquée, a permis une meilleure allocation des ressources, une meilleure productivité, plus de transferts d’innovations. Ces progrès sont fragiles, ils sont généralement menacés par des crises et des conflits de pouvoir ; on oublie à quel point les systèmes sociaux sont conservateurs parce qu’ils sont friables.

A mesurer le commerce des armes, qui a battu des records cette année, à entendre les menaces, on craint que les guerres ne prolifèrent. Pourtant, la planète est plus paisible que lors des décennies passées : Toute l’Amérique, pour la première fois de son histoire, est en paix (La Colombie était le dernier conflit). L’Asie aussi, malgré la Corée du Nord. En Europe, la Russie a poussé ses pions en Ukraine (10.000 morts), modérément par rapport aux massacres de Tchétchénie (150.000). Les guerres restent au Moyen-Orient, sur les lignes de confrontation de l’islamisme, au sein des pays musulmans et à leurs frontières : Syrie, Yémen, Israël, Lybie, Sahel.

Il est difficile de prétendre que l’humanité d’aujourd’hui est plus sage que celle d’hier. Elle est mieux informée, plus liée.

Mais si l’économie mondialisée fonctionne mieux que l’économie parcellisée, cela dépend aussi des politiques suivies. On parle beaucoup de cette ruine aberrante qu’est la Corée du Nord, on devrait parler plus de la Corée du sud, qui, en un siècle est devenu un pays riche, libre, créatif, original. A quoi cela est-il du ? Aux choix politiques. Aujourd’hui la Grèce emprunte sur les marchés moins chers que l’Italie. Ce qui signifie que si le progrès est là, il n’est pas égal partout, il dépend à la fois des échanges de savoir et des échanges tout court, mais aussi et surtout de politiques et de capacités d’adaptation nationales aux chocs et flux extérieurs.

Le progrès n’est pas une donnée. C’est un processus fragile. Constater que le monde va mal est une constante banale. Le monde a toujours été mal. Pour l’instant, il va moins mal qu’il y a dix ans. Il est fort possible que dans dix ans, il aille un peu moins mal. Ce ne sera pas une question de chance, mais de choix.

Il y a un siècle Helsinki était à peine plus qu’un village, et Naples une capitale économique de la méditerranée. Aujourd’hui Helsinki est à la pointe de l’éducation et des smarts cities, et Naples ne sait toujours pas traiter les ordures, ni la mafia. L’un va avec l’autre. Il s’agit encore et toujours de choix politiques. D’ici dix ans, il y aura encore des progrès, mais pour qui, et où ? Les plus imaginatifs, les plus alertes, les plus libres ont plus de chance que les autres de trouver les bons courants et les meilleurs systèmes d’organisation et de prise de décisions.

[1] Ces chiffres sont ceux de la Banque mondiale, des Nations-Unies et de la FAO. Voir le site « The World in data ».

Laurent Dominati

A. Ambassadeur de France

A. Député de Paris

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