Avec 86,1 millions de nuitées enregistrées entre décembre 2024 et mars 2025 dans les hôtels et autres hébergements collectifs de tourisme (AHCT : résidences de tourisme, villages vacances et auberges de jeunesse), la fréquentation touristique hivernale est restée, selon l’INSEE, quasi stable par rapport à la saison précédente. Tirée par un bon début de saison, elle s’est néanmoins heurtée à une fin d’hiver plus difficile. Avec 28,9 millions de nuitées, la fréquentation des AHCT en 2025 demeure à un niveau équivalent à celui de l’hiver 2024.
Les nuitées des étrangers progressent.
Comme lors de la saison précédente, la clientèle non-résidente continue de soutenir l’activité touristique. Les nuitées des étrangers progressent de 900 000 (+3,3 %), augmentant leur part d’1,2 point en un an. À l’inverse, les touristes français ont été moins nombreux : les nuitées des résidents reculent de 1,4 million sur la période hivernale.
Les hôtels sont pénalisés par le recul du tourisme d’affaires et la moindre présence des touristes français. La fréquentation hôtelière atteint 57,3 millions de nuitées cet hiver (-0,9 %). Le tourisme d’affaires reste en repli, avec 1,3 million de nuitées en moins. En revanche, les hôtels ont enregistré une hausse de 800 000 nuitées liées au tourisme de loisirs. Les non-résidents représentent désormais une nuitée sur trois dans les hôtels français. Leur fréquentation augmente de 700 000 nuitées (+3,8 %), notamment dans les zones de montagne (+4,3 %).
Cette dynamique ne suffit cependant pas à compenser le recul des touristes français dans les hôtels (-3,2 %, soit 1,2 million de nuitées en moins). La clientèle européenne reste majoritaire parmi les non-résidents. Malgré une baisse marquée (-19,5 %), les Britanniques demeurent la première clientèle étrangère (2,9 millions de nuitées). À l’exception des Espagnols, les clientèles voisines progressent. Les Américains reviennent en force (+41,2 %, 2,6 millions de nuitées). Les clientèles asiatiques évoluent de manière contrastée : forte progression des Japonais (+16,7%), baisse des Chinois (-14,2%). Malgré cette hausse, la fréquentation asiatique reste en-deçà des niveaux d’avant la crise sanitaire.
La montée en gamme de l’offre hôtelière se confirme. Les hôtels 4 et 5 étoiles voient leurs nuitées progresser de 5,6 % sur un an, tandis que les établissements 1 et 2 étoiles reculent de 5,3 %, et les hôtels non classés chutent de 15,8 %. Les établissements haut de gamme concentrent désormais plus d’une nuitée sur trois en hiver, contre une sur quatre en 2019.
Un tourisme hivernal de plus en plus urbain
Les communes urbaines denses sont les seules à enregistrer une progression de la fréquentation touristique cet hiver (+1,9 %). Ce regain concerne à la fois les clientèles résidentes et non résidentes. À l’inverse, la fréquentation résidentielle baisse en zone rurale. Les hôtels restent dominants en milieu urbain (près de 80 % des nuitées).
Paris concentre l’essentiel de cette croissance : près de 800 000 nuitées supplémentaires, dont 600 000 pour l’hôtellerie, tirant toute la région francilienne à la hausse (+4,3 %). Depuis la pandémie, le tourisme d’affaires poursuit sa décrue et ne représente plus qu’un tiers des nuitées hôtelières hivernales. Majoritairement urbain (62 % des nuitées d’affaires), il décline plus modérément en zone dense (-3,8 %) qu’en zone rurale (-7,8 %).
Moins de touristes français en montagne
La fréquentation des hébergements collectifs dans les massifs de montagne recule de 2,3 % cet hiver. La fréquentation est restée bonne jusqu’aux vacances d’hiver, mais la fin de saison a été en demi-teinte. La clientèle étrangère (+4,3 %) a soutenu l’activité, mais les résidents sont en nette baisse : 900 000 nuitées de moins (-4,8 %). Les Alpes restent le massif le plus fréquenté avec 18,4 millions de nuitées (près de 75 % des nuitées en montagne), mais leur fréquentation recule de 1,6 %. Le Massif central (2 millions de nuitées) et les Pyrénées (1,6 million) suivent, mais subissent un recul plus marqué. La fréquentation hivernale du littoral hors montagne est également en légère baisse (-2,0 %), avec 10 millions de nuitées en 2025.
La France pénalisée par le coût du transport aérien
Le trafic aérien pâtit des mesures restrictives récentes : limitation des vols, hausse des taxes. Avec l’Allemagne, la France est la seule grande destination européenne où le trafic aérien n’a pas retrouvé son niveau d’avant-Covid : 178,4 millions de passagers en 2024, soit -1,8 % par rapport à 2019. En comparaison, l’Espagne, l’Italie et le Portugal enregistrent des hausses de 13 % à 17 %. L’offre estivale de sièges en France pour 2025 reste atone (58,6 millions), très en retrait par rapport au Royaume-Uni (97,6 millions), à l’Espagne (90,6 millions) ou à l’Italie (68 millions).
La croissance attendue au troisième trimestre 2025 est limitée à +1 %, contre +4 à +6 % dans les autres grands pays européens. Les taxes sur le transport aérien atteignent 4 milliards d’euros par an, pour un chiffre d’affaires des compagnies françaises de 18 milliards. Ce différentiel pèse sur l’attractivité de la destination France. Le cas de la Corse est emblématique : les billets d’avion y sont jusqu’à quatre fois plus chers que pour les Baléares. Selon les professionnels, le doublement de la taxe de solidarité sur les billets (TSBA) pourrait faire perdre 500 000 touristes britanniques à la France. Cet été, Ryanair prévoit de réduire son offre en France de 4 à 5 %.
Le coût élevé du transport aérien contraint les touristes à réduire leurs dépenses sur place, notamment dans la restauration ou les loisirs. La saison hivernale 2025 illustre les paradoxes du tourisme français : un socle solide, une clientèle étrangère fidèle, mais un affaissement préoccupant du tourisme résidentiel et d’affaires. Si Paris et les établissements haut de gamme résistent, les montagnes et les zones rurales peinent à attirer les clientèles nationales. Le handicap compétitif de la France dans le transport aérien, conséquence de choix fiscaux et environnementaux assumés, commence à produire ses effets.
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