Thierry Breton : le consensus européen serait incompatible avec la « culture de gouvernement » des extrêmes

Thierry Breton : le consensus européen serait incompatible avec la « culture de gouvernement » des extrêmes

Alors que cinq mois nous séparent des élections européennes, le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, a mis en garde lundi (15 janvier) contre les partis extrêmes en politique, dont la « culture de gouvernement » ne serait pas adaptée au « consensus » et à « l’intérêt général européen ».

Lors d’une conférence de presse, M. Breton a mis en exergue les avancées européennes des dernières années — vaccins contre la Covid, plan de production de munitions pour l’Ukraine ou encore mise en œuvre d’une stratégie industrielle de défense européenne (EDIS) — ancrées selon lui dans une capacité « d’essayer en permanence de mettre sur la table les grands enjeux auxquels nous sommes confrontés en Europe, sans tabou et courageusement ».

Le débat, le consensus et les échanges entre pays membres sont cruciaux, selon lui, pour accompagner l’avancée économique et géopolitique du continent, sans lesquels « il n’y a plus d’Europe ».

70 % de non-extrêmes

Une volonté de dialogue qui distingue les pro-européens des « extrêmes » politiques.

« Sur les coalitions qui se créent [au Parlement européen] autour de projets qui améliorent la vie de nos concitoyens, ou les protéger davantage, vous n’avez jamais les extrêmes […] peut-être parce qu’ils n’ont pas cette culture de gouvernement par rapport à leurs origines [et] projets [politiques] », a expliqué le commissaire.

Il insiste aussi sur le fait que « l’euroscepticisme » est un courant minoritaire dans l’électorat européen, malgré de nombreux sondages qui confirment que la droite et l’extrême droite progressent au fur et à mesure que le scrutin approche.

« Je ne sais pas s’il y a un discours eurosceptique », explique-t-il. Suite à la victoire du pro-russe Robert Fico en Slovaquie et de Geert Wilders aux Pays-Bas, « on a dit que l’extrême droite et le populisme avaient gagné [et que] l’Europe bascule. Mais ils ont tous les deux fait 23 % des voix [22,94 % pour M. Fico, 23,49 % pour M. Wilders]. Il reste 70 % de non-extrêmes ».

Dans toute tentative de trouver un consensus le plus large possible au niveau européen, les extrêmes sont donc bien loin d’être les interlocuteurs privilégiés, analyse le commissaire.

« C’est plus compliqué [de chercher des consensus], je vous l’accorde, plutôt que de dire “tous pourris, vivement le retour en arrière, ça marchait mieux avant. »

En outre, souligne Thierry Breton, même les partis d’extrême droite au pouvoir se reposent sur l’UE en temps de crise.

« Giorgia Meloni [Première ministre italienne], lorsqu’elle était confrontée à une augmentation significative de l’immigration, notamment sur l’île de Lampedusa, c’est l’Europe qu’elle a appelée à l’aide. »

En septembre 2023, l’Italie a fait face à un afflux massif de migrants sur les côtes de l’île sicilienne de Lampedusa.

Après avoir promu une approche « nationaliste » de la crise migratoire, pendant la campagne électorale italienne et lors des premiers mois de son mandat, Mme Meloni a « évolué » en plaidant aujourd’hui pour une réponse européenne, expliquait à l’époque une source française haut placée — allant jusqu’à parler de recomposition politique en Europe.

consensus européen
Thierry Breton, commissaire européen au Marché intérieur. [EPA-EFE/CHRISTOPHE PETIT TESSON]

« Asseoir notre puissance »

Les propos de M. Breton arrivent à moins de cinq mois des élections européennes — un scrutin qui brille par des taux d’abstentionnisme hors norme — dans un contexte de crises géopolitiques exacerbées.

Ainsi a-t-il soutenu l’avènement d’une « Europe puissance » — de la même manière que le nouveau ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Stéphane Séjourné faisait de cette « Europe puissance » la priorité de son action.

Celle-ci passe avant tout par une indépendance assumée vis-à-vis des États-Unis, a expliqué le commissaire, en matière de défense et de dissuasion nucléaire.

« Il est de plus en plus important d’asseoir notre puissance pour nous-mêmes, pas pour les autres », a-t-il affirmé, alors que Donald Trump, candidat à la présidentielle américaine de 2024, s’est engagé à mettre fin à tout soutien militaire ou financier à l’Ukraine s’il était réélu.

Une pression américaine qui ne date pas du candidat, et ancien président, d’extrême droite : « le président Barack Obama était extrêmement explicite dans son incitation auprès des Européens à augmenter les investissements dans la défense. [Cela] s’est poursuivi avec l’administration de Joe Biden », souligne Thierry Breton.

Ainsi l’UE ne doit-elle plus hésiter, lorsque ceci s’avère nécessaire, à repenser sa position géopolitique dans le monde et réformer des alliances qui n’ont plus forcément lieu d’être.

Annoncer la mise sur pied d’un fonds de défense de 100 milliards d’euros, ou encore veiller à ce que le continent dispose des capacités industrielles nécessaires pour produire un million de munitions d’ici mars pour l’Ukraine ne sont donc que quelques exemples de ce « nouveau changement de paradigme européen ».

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