En janvier 2023, un jugement de la Haute Cour selon lequel les réglementations affectant plus de 2,5 millions de citoyens européens vivant au Royaume-Uni sont illégales ne sera pas contesté par le gouvernement. L’affaire a été portée par un organisme de surveillance des droits des citoyens de l’UE après le Brexit. L’autorité de surveillance indépendante (IMA) a été soutenue par la Commission européenne et the3million, un groupe représentant les citoyens de l’UE au Royaume-Uni. Il a déclaré que la décision de la Haute Cour avait « évité une bombe à retardement ».
En effet, de nombreux citoyens de l’UE auraient pu perdre leur droit de séjour s’ils n’avaient pas fait une nouvelle demande de statut d’établissement ou de pré établissement dans les cinq ans. Mais le ministère de l’Intérieur a confirmé qu’il ne ferait, finalement, pas appel de la décision, bien qu’il a précédemment indiqué qu’il le ferait.
Les origines de cette décision se trouvent dans l’avis rendu, en décembre, par le juge Lane. Ce dernier a conclu qu’une partie du programme de règlement de l’Union européenne (EUSS) mis en place par le ministère de l’Intérieur pour régler le statut d’immigration des citoyens de l’UE était basée sur une interprétation incorrecte de l’accord de retrait entre le Royaume-Uni et l’UE.
Nous avons voulu interviewer la nouvelle présidente du groupe « the3million », Andreea Dumitrache. Après une présidence française c’est désormais une Roumaine qui se charge de cet épineux problème. Elle a accepté de répondre à nos questions.
Toujours en action après la sortie du Royaume-Uni de l’UE
Andreea Dumitrache explique que the3million est née lorsque le Brexit fut voté.
“Il y a toujours eu un lien avec les citoyens de l’UE qui voulaient faire entendre leur voix. Maintenant que nous sommes après la mise en œuvre du programme d’installation de l’UE au Royaume-Uni, nous sommes des millions à vivre ici sous les mêmes politiques hostiles. Nous avons beaucoup appris au cours des 7 dernières années sur la façon dont ce gouvernement a choisi de mettre en œuvre l’accord de retrait. Nous sommes capables d’organiser les gens sur le terrain, mais nous entretenons également de bonnes relations avec d’autres groupes qui se sont formés après le Brexit.”
Andreea Dumitrache, présidente de « the3million »
Une voix pour les citoyens européens !
Andreea Dumitrache évoque le fait que “nous représentons principalement les personnes qui sont arrivées au Royaume-Uni avant la période de transition et qui ont fait une demande via le programme d’établissement de l’UE avant le 31 décembre 2021, mais également les membres de la famille qui continuent à postuler au programme. De plus, les personnes qui avaient des cas plus complexes attendent toujours une décision du ministère de l’Intérieur. Nous continuons de recevoir des signalements de personnes qui ont eu des problèmes avec leur demande et qui ont attendu très longtemps pour recevoir leur statut. Il y a 181 000 personnes qui attendent.”
Qu’en pensent les expatriés français ?
Andreea Dumitrache a donné des exemples de problèmes qui ont été signalés par des citoyens français.
Ainsi, une citoyenne française de 19 ans a postulé pour le programme d’établissement de l’UE en novembre 2020, et elle attend toujours une décision. Elle est enceinte et n’a pu accéder à aucune aide sociale en raison de la décision en suspens – soit l’allocation de maternité et le crédit universel. Elle risque de se retrouver sans abri.
Autre cas, un citoyen français qui vit au Royaume-uni depuis 2015 et qui s’est vu accorder un statut pré-settled au lieu d’un settled status lors de sa première demande. Depuis, il a fait une autre demande, pour obtenir le fameux sésame. Requête qui fut déposée en avril 2022 mais pour laquelle il n’a toujours pas reçu de réponse. Son statut expire en novembre 2024. Logiquement, il est très anxieux surtout qu’il aimerait retourner dans l’UE pour une opportunité de travail, mais ne peut pas le faire tant que son statut n’est pas sécurisé du côté britannique. Sans ce statut, il ne pourrait pas revenir au Royaume-Uni à l’avenir.
Encore une autre situation délicate qui cette fois frappe un citoyen français qui s’est vu refuser l’embarquement par EasyJet alors qu’il revenait au Royaume-Uni avec sa carte d’identité, pourtant il était bien installé à Londres. En effet, les citoyens de l’UE ayant un pre settled status ou settled status peuvent toujours voyager avec leur carte d’identité au Royaume-Uni, mais les compagnies aériennes n’acceptent pas ce droit prévu par l’accord de retrait.
Quelqu’un qui s’est vu refuser le statut dans le cadre du programme d’établissement de l’UE et qui a ensuite obtenu un visa de travailleur qualifié nous a signalé qu’il fut interrogé par le contrôle des frontières chaque fois qu’il rentrait au Royaume-Uni. Cela l’a conduit à avoir des crises d’angoisse à chaque fois qu’il voyage, à être détenu et interrogé à plusieurs reprises.
Il n’y a pas qu’aux frontières, ou pour la couverture sociale, qui nécessitent d’avoir le statut. Ainsi, un couple s’est vu refuser un prêt hypothécaire parce que le statut numérique d’un Français lui a donné une erreur en ligne – il n’a pas pu voir son statut et le ministère de l’Intérieur a mis des mois à corriger l’erreur technique.
Sur des pages Facebook de Français à Londres, beaucoup de compatriotes souhaitent venir et travailler au Royaume-Uni, mais après le Brexit et tout ce qu’on peut conclure de ces témoignages, c’est qu’un tel projet est désormais difficile à mener pour les Français…
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