Tensions bancaires, quelles conséquences pour les épargnants ? 

Tensions bancaires, quelles conséquences pour les épargnants ? 

Les difficultés de la Silicon Valley Bank (SVB) et de plusieurs autres banques américaines ainsi que du Crédit Suisse rappellent l’importance du secteur bancaire dans le bon fonctionnement de l’économie. Elles rappellent la crise des subprimes même su dans les faits les causes et les conséquences sont bien différentes. 

La Silicon Valley Bank (SVB), 16e banque américaine, a été confrontée à d’importantes demandes de retraits de liquidités de la part de ses clients, essentiellement des entreprises du secteur de la haute technologie. Cette banque, spécialisée dans le financement des start-ups, gérait les liquidités de ces entreprises qui, jusqu’en 2022, levaient des sommes importantes grâce à des fonds de capital-risque ou de capital investissement. En parallèle, elle prêtait également de l’argent à ces fonds ou aux dirigeants des start-ups. Selon Reuters, elle était le partenaire bancaire de près de la moitié des start-ups américaines financées par capital-risque cotées en Bourse en 2022. La forte croissance des valeurs technologiques et l’engouement des fonds de capitalrisque pour ce secteur ont contribué à l’augmentation des dépôts à la SVB qui sont passés de 102 à 189 milliards de dollars en 2021. La banque a investi cet excès de liquidités dans des placements de long termes jugés sûrs, des obligations et des bons du Trésor qui étaient alors faiblement rémunérés.

La Silicon Valley Bank victime de la hausse des taux.

En 2022, le marché des valeurs de la haute technologie s’est retourné après la forte croissance provoquée par la crise sanitaire. Le resserrement de la politique monétaire par la Réserve fédérale américaine (Fed) se traduisant par une hausse des taux d’intérêt a conduit les investisseurs à se détourner des valeurs technologiques au profit des obligations. Les taux directeurs sont passés en un an de 0 à 4,75 %. Les start-ups qui, en outre, subissent le ralentissement de leur activité ont besoin, de liquidités pour faire face à leurs charges. Ne pouvant plus compter sur l’argent issu des levées de fonds, elles ont puisé dans leurs dépôts placés à la SVB. Celle-ci, ne disposant pas de liquidités suffisantes, a été contrainte de vendre en urgence les titres monétaires et obligataires qu’elle possédait. Or, la hausse des taux a eu pour conséquence de diminuer la valeur de ces derniers. En effet, sur le marché secondaire, les obligations s’échangent au même taux en prenant en compte la durée et le risque liés à l’émetteur. De ce fait, une obligation émise à un taux de 1 % aura une valeur bien plus faible qu’une obligation émise à 4 %. En vendant ses obligations, la SVB a ainsi accusé une perte de 1,8 milliard de dollars et indiqué avoir besoin d’une recapitalisation. 

« Bank run »

Face à cette annonce de la banque, les clients inquiets ont perdu confiance et ont commencé à vouloir retirer les sommes qu’ils y avaient placées provoquant ainsi un « bank run ». Sur la seule journée du jeudi 9 mars, environ 42 milliards de dollars d’ordres de retraits ont été passés. En quelques heures, SVB s’est ainsi retrouvée dans l’incapacité à faire face aux demandes nécessitant l’intervention des autorités fédérales. 

Dans la foulée, d’autres banques américaines ont rencontré d’importantes difficultés pour des raisons similaires : la Silvergate Bank le 8 mars, la Signature Bank le 12. A cette liste, il faut également ajouter la First Republik Bank.

La réaction des pouvoirs publics américains a été rapide 

Vendredi 10 mars, les autorités américaines ont fermé la SVB pour protéger les dépôts et limiter le risque de contagion. Son administration a été confiée à la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC), l’agence qui gère l’assurance des dépôts bancaires. Cette procédure garantit jusqu’à 250 000 dollars par déposant. 90 % des sommes de la SVB ne seraient néanmoins pas assurés. Dimanche 12 mars, face au risque de panique, les autorités ont donc décidé d’étendre la garantie et de permettre aux clients de récupérer l’intégralité de leur dû. 

©AFP

Pour limiter l’effet de contagion, après la faillite de la Signature Bank, la Fed s’est engagée à prêter des fonds aux autres banques qui feraient face à d’importantes demandes de retrait. Le Président américain a déclaré que l’État fédéral prendra toutes les mesures nécessaires pour éviter une crise financière. 

Quels sont les risques de contagion aux États-Unis ? 

La faillite d’une banque n’est jamais anodine car elle touche le cœur de l’économie à travers des mécanismes de financement qui reposent en grande partie sur la confiance. Néanmoins, la faillite de la SVB ne devrait pas provoquer un effet domino. Le risque de contagion est relativement faible. Depuis la crise financière de 2008, les pouvoirs publics suivent avec attention les problèmes de liquidité et de solvabilité des acteurs financiers. Des crash test sont réalisés régulièrement. Le portefeuille obligataire des grandes banques américaines est réévalué à la valeur de marché, lors des publications trimestrielles de résultats. 

Les banques, dont les résultats étaient bons ces dernières années, disposent d’importantes réserves de liquidités, limitant d’autant leur besoin de vendre des obligations. Le cas de la SVB est particulier avec la conjonction de trois problèmes : la hausse des taux, les besoins de cash des start-ups, et un bilan dégradé du fait d’une gestion hasardeuse. L’économie américaine comprend un grand nombre de banques de taille régionale qui sont moins régulées qu’en Europe. D’autres faillites sont donc possibles. Les grandes banques américaines pourraient profiter d’un éventuel transfert de dépôts de la part de clients qui avaient placé des liquidités dans des institutions locales. Aucune banque de taille systémique n’est aujourd’hui concernée par la crise. 

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Les problèmes du Crédit Suisse sont d’une autre nature 

Le « Crédit Suisse », deuxième banque helvétique, est confrontée depuis 2019 à d’importants problèmes. Par son poids et par le jeu des interconnexions financières au sein du continent européen, ses difficultés inquiètent les investisseurs qui ont préféré réduire leur exposition aux valeurs bancaires. Son bilan bancaire s’élève à environ 1 000 milliards d’euros. Cet établissement est jugé par les régulateurs comme systémique, signifiant que son éventuelle faillite pourrait mettre en danger le système financier européen et mondial. 

En 2019, le Crédit Suisse est au cœur d’un scandale d’espionnage provoquant le départ en février 2020 de Tidjane Thiam, son directeur général. Depuis, trois dirigeants lui ont succédé. En 2021, la banque a été touchée par la faillite de la société de services financiers Greensill dans laquelle elle avait investi 10 milliards de dollars et par l’implosion du fonds américain Archegos qui lui a coûté 5 milliards de dollars. 

Malgré un plan de restructuration, le Crédit Suisse éprouvait les pires difficultés à restaurer ses comptes et à regagner la confiance de ses clients. La publication retardée de son rapport annuel faisant suite à une demande du régulateur américain des marchés financiers (SEC) mardi 14 mars a relancé la crise. Ce rapport mentionne que les responsables de la banque ont « identifié des faiblesses substantielles » dans son « contrôle interne ». 

Par ailleurs, en 2022, la banque a enregistré une perte de 7,3 milliards de francs suisses (près de 7,4 milliards d’euros), la plus importante depuis la crise financière de 2008. En tant que telle, la banque n’est pas en faillite mais elle est confrontée à un risque de bank run. Ses clients auraient retiré 110,5 milliards de francs suisses en quelques jours. Le refus du premier actionnaire de Crédit Suisse, la Saudi National Bank, de monter au capital a créé une onde choc sur les places financières. Ne pouvant pas compter sur son actionnaire de référence et pour éviter une contagion de la défiance sur l’ensemble des places financières, le Crédit Suisse a fait appel à la banque centrale suisse et à l’autorité des marchés financiers (Finma) qui y ont répondu favorablement. Il pourra ainsi accéder à un prêt pouvant atteindre jusqu’à 50 milliards de francs suisses (50,6 milliards d’euros) auprès de la banque centrale helvétique. 

La Banque centrale européenne (BCE), qui supervise les banques de la zone euro, a établi en urgence une cartographie des risques liés à l’exposition des établissements financier au Crédit Suisse. Selon les informations disponibles, l’exposition directe des banques françaises à l’ancien fleuron helvétique serait limitée. Le problème du Crédit Suisse est également suivi par le département du Trésor américain qui suit l’évolution de la situation en relation étroite avec les autorités européennes.

Quelles conséquences pour les banques de la zone euro ? 

Les banques européennes ont des bilans solides. Ces dernières années, elles n’ont pas accru leur exposition aux obligations. Leur financement provient essentiellement des commissions et des dépôts de leurs clients. Les banques européennes ont peu investi dans le secteur de la haute technologie. Dans le passé, cette prudence leur était même reprochée. Les banques européennes sont plus diversifiées et bien régulées. 

Quelles conséquences pour le marché des actions ? 

La crise bancaire aux États-Unis et en Suisse pourrait être positive pour les marchés actions. Les banques centrales pourraient, en effet, être amenées à tempérer le durcissement de la politique monétaire mise en œuvre pour lutter contre l’inflation. De moindres hausses des taux directeurs favorisent les actions. Par ailleurs, les investisseurs pourraient être incités à privilégier les grandes entreprises cotées aux résultats publiés régulièrement au détriment des start-ups. La baisse des cours en Europe est intervenue après une période de hausse exceptionnelle qui ne pouvait guère perdurer au vu des incertitudes qui demeurent sur le terrain de l’inflation. Cette baisse offre par ailleurs des opportunités d’acquisition pour les épargnants souhaitant se renforcer sur le marché « actions ».

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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