Témoignage : un Français à Moscou

Témoignage : un Français à Moscou

Depuis le début de la guerre en Ukraine, nous faisons régulièrement le point avec Franck Ferrari, conseiller des Français de Russie et ancien candidat comme suppléant à l’élection législative de juin 2022 pour Les Républicains avec Catya Martin. Avec lui, on fait le point sur la situation des Français à Moscou et plus généralement en Russie. (Podcast en fin d’article)

La France, un ennemi de la Russie ?

On commence évidemment avec les propos de ce début de semaine du Vice-président de la Douma (Assemblée nationale russe) sur BFM qui déclarait que « la France est un ennemi de la Russie ».

Si cette phrase a pu choquer en France, Franck Ferrari tient à remettre dans le contexte cette déclaration qui était uniquement diffusée en France, et en effet, elle n’a pas été reprise dans la presse russe.

A Moscou, l’église Saint-Louis-des-Français fondée en 1789, qui officie encore aujourd’hui ©Tsarvisit

Les Français toujours présents

Pour Franck Ferrari, les Français n’ont pas déserté le pays, en tout cas pas Moscou. Il n’y pas que nous qui sommes étonnés, comme nous le raconte le conseiller des Français de Russie, les Russes sont les premiers surpris de croiser encore des Français alors que la majorité des Occidentaux ont quitté le pays.

Franck Ferrari
Franck Ferrari

« C’est une guerre de civilisations, l’Occident contre la Russie, mais au niveau local, il n’y a pas de problèmes. »

Franck Ferrari, conseiller des Français de Russie

Les Russes conservent, donc, une distance entre l’information officielle et leurs relations avec les individus des nationalités impliquées directement dans le conflit. La généralisation des VPN permet aux populations de s’informer en s’affranchissant de la censure. Ainsi, même si l’Occident s’apprête à livrer des chars, aucun Russe ne vient le reprocher à un Français.

Malgré cette ambiance sereine, des familles ont décidé d’évacuer les enfants. Ainsi, le Lycée Français de Moscou a vu son effectif baisser, certains sont rentrés en France, d’autres sont allés dans des pays-tiers. L’établissement moscovite est géré directement par l’AEFE qui a su maintenir le niveau d’excellence tant au niveau du corps professoral que sur le matériel mis à disposition.

La seule inquiétude c’est l’école de St Petersbourg, qui était gérée jusqu’en février par le groupe Odyssey, et qui se retrouve sans opérateur pour assurer la rentrée de septembre 2023 puisque l’AEFE refuserait de reprendre directement le groupe scolaire. Franck Ferrari, comme les autres élus du pays, s’inquiète de l’avenir de cet établissement qui risque, tout simplement, la fermeture. Une situation inédite alors que même pendant la guerre civile en Syrie, alors que l’ambassade était partie, le Lycée français de Damas était resté ouvert.

« Un Lycée français ne peut pas fermer, même sous les bombes. On peut changer de structure, mais une fermeture aurait un impact majeur sur l’image de notre pays »… « La France ne peut pas abandonner l’Éducation, pour moi c’est inimaginable !« 

Franck Ferrari, conseiller des Français de Russie
Groupe scolaire français à St Petersbourg

Un climat économique pas si morose

Dans la deuxième partie, on s’intéresse aux conséquences du conflit sur les entreprises françaises installées en Russie. L’occasion de faire le point sur l’impact des mesures prises contre la Russie, et les astuces mises en place par les Russes pour y échapper. Ainsi l’inflation reste controlée, contre-balancée par une valorisation à la hausse du rouble, et depuis la disparition des grandes marques occidentales, des produits de substitution sont apparus comme le Coca d’Azerbaïdjan.

« Ici, on l’habitude de vivre avec l’inflation, on est passés de 8% à 11% »

Franck Ferrari, conseiller des Français de Russie

Un sens de la débrouille partagé par les entreprises françaises restées sur place, soit par choix, soit parce qu’aucun Russe n’a voulu acheter leurs actifs.

« Elles ont trouvé des filières parallèles via la Turquie et d’autres pays »

Franck Ferrari, conseiller des Français de Russie

Il y a aussi ceux qui n’ont pas pu s’adapter, comme Décathlon, qui a finalement décidé le 24 janvier 2023 de se retirer du marché russe. Mais, comme nous le rappelle Franck Ferrari, tous les produits ne sont pas frappés par les mesures, des marchandises (avec un délai de livraison plus long) circulent toujours entre l’UE et la Russie.

Quel avenir sur place ?

Franck Ferrari reste positif pour les Français sur place et la relation entre les deux pays. Il en profite pour nous décrire le retour qu’ont vécu les expatriés en France, qui fut souvent douloureux. Aucun dispositif n’a été prévu pour les accompagner, des couples ou des familles se sont retrouvés du jour au lendemain sans revenus et sans logement. Pour lui, il vaut « mieux faire le dos rond ».

On finit, naturellement, sur les possibilités de circulation entre la France et la Russie. La situation n’a pas vraiment évolué en un an, les vols directs sont toujours bannis. Il faut donc toujours passer par des Etats tiers, qui sont plus nombreux qu’en 2022, à la Turquie et la Finlande s’est ajoutée l’Algérie, ainsi que d’autres pays asiatiques. Le bémol c’est le prix qui a explosé, rendant souvent le voyage inaccessible aux familles.

Ainsi, les Français qui ont construit leur vie sur place, préfèrent, pour l’instant, en l’absence d’agressivité de la part de la population ou des autorités à leur encontre, rester sur place et parier sur la longue relation d’amitié, et ce quel que soit le régime, qui lie nos deux pays.

Ecoutez le podcast avec Franck Ferrari

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