Depuis des années, les finances publiques ressemblent à un grand jeu de bonneteau. Les déficits passent de main en main pour finir sous le verre de l’État. La crise sanitaire a amplifié cette tendance, l’État étant amené à compenser totalement ou presque les pertes de revenus des ménages et des entreprises. La succession rapide des crises conduit les pouvoirs publics à intervenir de plus en plus dans la constitution des revenus soit la fiscalité.
Avec les taux historiquement bas, avec les politiques monétaires non-conventionnelles, l’idée que les États pouvaient dépenser sans compter s’était imposée au point d’être théorisée par des économistes, d’autant plus que l’inflation faisait alors cruellement défaut. Avec son retour logique au vu des milliers de milliards d’euros ou de dollars déversés depuis deux ans, cette idée, si elle est devenue caduque, n’en demeure pas moins populaire.
Les marges de manœuvre se réduisent en France
Avec une dette publique de plus de 110 %, un déficit qui reste sur la crête des 5 % du PIB, les marges de manœuvre pour le gouvernement se réduisent en France. Jamais, néanmoins, depuis des décennies, les besoins en dépenses publiques n’ont été aussi importants. La santé, la retraite, la dépendance, l’éducation, la transition énergétique, la réduction des inégalités, etc. supposent un accroissement des crédits publics représentant au total déjà plus de 57 % du PIB.
Les besoins sont d’autant plus élevés que les pouvoirs publics ont réduit leurs investissements au profit des dépenses courantes. Le retard pris en matière d’équipements est important, que ce soit pour les voies ferrées, les centrales électriques, les hôpitaux ou les établissements d’enseignement supérieur.
Plus de dépenses et moins d’impôts
Avec la hausse des taux, le retour aux fondamentaux devrait s’amorcer. L’argent est une ressource rare et d’autant plus que la croissance est faible. Or, nul ne semble vouloir en tirer les conséquences. À défaut de réduire les dépenses, l’augmentation des impôts est incontournable. Or, tous les candidats ou presque à l’élection présidentielle d’avril 2022 ont promis plus de dépenses et moins d’impôts. À leur décharge, dans le passé, aucun candidat prônant la rigueur n’a été élu.
Avec un taux de prélèvements obligatoires de plus de 45 % du PIB, la France n’est pas avare en cotisations, taxes, impôts et contributions en tout genre. Depuis les « gilets jaunes », les pouvoirs publics n’osent plus affronter la population de front sur le plan fiscal. Ils laissent pour le moment aux collectivités locales le soin de trouver les ressources nécessaires en jouant sur des impôts hors d’âge comme la taxe foncière.
Face à l’épaisseur des déficits, l’État ne pourra pas reporter éternellement le débat relatif au financement des charges publiques. La recherche et la réalisation d’économies indispensables seront un exercice délicat qui, dans le passé, n’a jamais été mené jusqu’à son terme en France. Certains pays comme le Canada ou la Nouvelle-Zélande ont néanmoins prouvé que cela était possible.
Les principaux impôts français sont datés et obsolètes
Au niveau des prélèvements obligatoires, le chantier est tout aussi vaste. Les principaux impôts français sont datés et obsolètes. Ils sont issus de l’après Seconde guerre mondiale pour l’impôt sur le revenu ou la TVA, voire de l’après Révolution française pour la taxe foncière et la taxe d’habitation qui demeure pour les résidences secondaires. Face à l’impopularité de certaines contributions, dans le passé, les gouvernements ont préféré les rogner en lieu et place de les refonder. Ce fut le cas pour l’ISF, la taxe d’habitation et de l’impôt sur le revenu.
Les exonérations partielles et les abattements dérogatoires se multiplient même si le discours officiel condamne cette pratique. Les bases d’imposition se délitent progressivement au moment où le besoin en recettes publiques est pressant.
Les impôts pour être efficaces doivent être en phase avec l’économie. L’émergence de l’impôt sur le revenu a coïncidé avec l’essor du salariat, celle de la TVA avec le développement de la société de consommation. Ces impôts avaient remplacé des prélèvements qui étaient devenus désuets comme celui sur le sel ou sur les portes et fenêtres. Aujourd’hui, l’économie est digitale et mondialisée. Elle doit se décarboner. La fiscalité doit s’adapter. Du fait de la règle de l’unanimité, l’Union européenne n’a pas été en capacité d’instituer des impôts communs aux Etats membres. Elle a essayé avec la TVA mais l’harmonisation est loin d’être réalisée.
Substituer la taxation des émissions de CO2 aux impôts actuels
L’exploitation des données crée de véritables rentes de situation, sources de profits élevés. Il y a certainement des moyens pour éviter ces rentes qui, par ailleurs, ralentissent la diffusion des gains de productivité générés par le numérique. La taxation des émissions de CO2 est considérée comme le meilleur moyen pour accélérer la transition énergétique. Elle ne doit pas s’ajouter aux impôts actuels mais s’y substituer pour éviter un matraquage fiscal dont les ménages à revenus modestes seraient les premières victimes.
Avec les transferts de compétences, avec le souhait légitime des citoyens à plus de subsidiarité ou d’autonomie comme en Corse, une clarification des financements des collectivités locales s’impose. L’autonomie fiscale est un faux débat. L’importance de la pérennité des ressources et leur évolution selon des critères reconnus de tous prime sur la capacité à fixer les taux ou l’assiette. Le recours à un système de péréquation à l’allemande qui prendrait notamment en compte le PIB par habitant garantirait aux collectivités des moyens en phase avec leurs besoins et serait, en outre, cohérent avec l’objectif d’égalité.
Les impôts doivent rester neutres pour ne pas dissuader le travail et la création d’activité
À défaut de frugalité fiscale, les principes éternels d’une bonne fiscalité devraient s’appliquer. Les impôts doivent rester neutres afin de ne pas dissuader le travail et la création d’activité. Or la tentation est forte pour les pouvoirs publics d’user des taxes pour orienter le comportement des agents économiques.
Les impôts doivent autant que possible avoir des assiettes larges et des taux faibles pour être efficaces sans générer des effets pervers d’évitement. Ils doivent contribuer, enfin, à lutter contre les rentes qui nuisent à l’économie et sont génératrices d’inégalités.
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