Suisse-UE, vers un accord de raison ?

Suisse-UE, vers un accord de raison ?

Le gouvernement suisse pourrait donner vendredi 20 décembre son feu vert à un ensemble d’accords bilatéraux âprement négociés avec l’Union européenne (UE), mais leur approbation par le parlement helvétique et les Suisses lors d’un vote populaire reste incertaine.

« Aujourd’hui nous sommes arrivés à un stade où les deux parties contractantes sont de l’avis qu’il est temps de siffler la fin du match, dont le résultat, faute d’être brillant, a pour avantage de contenter à la fois Berne et Bruxelles », a commenté Gilbert Casasus, professeur émérite en études européennes à l’université de Fribourg, auprès de l’AFP.

En mars, la Suisse a accepté de relancer des pourparlers avec l’UE, après y avoir brusquement mis un terme en 2021, non sans fâcher Bruxelles.

Ces nouvelles négociations — que les parties veulent conclure cette année — visent à actualiser des accords bilatéraux existants et à en conclure de nouveaux (électricité, santé et sécurité alimentaire).

Pour la fédération des entreprises suisses, ils « permettent à la Suisse de préserver les conditions d’accès aux marchés qui existent pour notre économie en Europe et de les développer dans des domaines importants ».

UvL à Berne ?

Les médias suisses, citant des sources diplomatiques, ont affirmé que toutes les questions étaient réglées — y compris les sujets sensibles tels que la libre circulation des personnes — à l’exception du montant de la contribution suisse au Fonds de cohésion européen pour aider certains pays à rattraper leur retard de développement.

« Jusqu’à présent, quelque 200 réunions de négociation. Les dernières sont toujours les plus difficiles. Faisons en sorte que le travail paie », a indiqué cette semaine le commissaire européen chargé des négociations, Maroš Šefčovič, sur le réseau X.

« Maintenant qu’un accord est en vue, nous espérons que la Suisse sera prête à aller de l’avant. Nous pensons avoir atteint un équilibre très délicat, qui devrait être apprécié comme tel par toutes les parties », a indiqué une source diplomatique européenne à Bruxelles.

Le gouvernement suisse pourrait donner son accord vendredi, puis la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, pourrait venir à Berne avant Noël sceller la conclusion des négociations.

Mais rien d’officiel n’a pour l’instant été annoncé.

En mars, la Suisse a accepté de relancer des pourparlers avec l’UE. Ces nouvelles négociations — que les parties veulent conclure cette année — visent à actualiser des accords bilatéraux existants et à en conclure de nouveaux. @Shutterstock/Luca pbl
En mars, la Suisse a accepté de relancer des pourparlers avec l’UE. Ces nouvelles négociations — que les parties veulent conclure cette année — visent à actualiser des accords bilatéraux existants et à en conclure de nouveaux. @Shutterstock/Luca pbl

L’Union syndicale suisse (USS), la plus grande organisation de salariés, réclame des négociations supplémentaires, estimant que l’accord en l’état va détériorer la qualité des salaires en Suisse.

Les négociations sur le rail et l’électricité inquiètent aussi les syndicats.

La conclusion des négociations ne marquerait que le début d’une longue procédure parlementaire, qui sera suivie d’un vote populaire au résultat incertain alors que la droite radicale, incarnée par l’Union démocratique du centre (UDC), qui a conforté son statut de premier parti de Suisse aux législatives de 2023, est vent debout contre l’accord.

« Épée de Damoclès »

« La signature de cet accord n’est qu’une étape. Une difficile étape de montagne, suivie d’un long contre-la-montre, non moins difficile, et d’une arrivée finale qui au plus tôt aura lieu en 2027, sinon en 2028. Avec le risque, qu’à cette date, l’accord soit déjà obsolète », a expliqué Gilbert Casasus.

« La ratification suisse par référendum constitue la plus grande épée de Damoclès qui pèse sur le sort de cet accord. Y aura-t-il un référendum où seule la majorité des suffrages exprimés sera requise ou un référendum nécessitant une double majorité, celle des électeurs et celle des cantons ? », a-t-il détaillé.

La double majorité favoriserait le clan du non alors que les cantons de langue germanophone, plus nombreux, sont généralement plus frileux à l’égard de l’UE.

L’UDC, historiquement plus enracinée dans ces cantons, bataille déjà ferme contre l’accord, affirmant qu’il « signifie la soumission totale de la Suisse à l’UE » car il prévoit la « reprise dynamique » du droit européen par la Confédération et l’établissement d’un « tribunal arbitral » en cas de différends.

« C’est grotesque : si nous ne reprenons pas une réglementation européenne, l’UE nous considère comme avantagés » et, avec le tribunal, « nous autoriserions officiellement l’UE à nous punir », a accusé dans le journal Le Temps l’une des femmes les plus riches de Suisse, Magdalena Martullo-Blocher, à la tête d’Ems-Chemie.

Également députée nationale, elle a repris le combat de son père, l’ancien chef charismatique de l’UDC Christoph Blocher, contre tout rapprochement avec Bruxelles. Une bataille qu’il avait remporté en 1992 lorsque les Suisses avaient rejeté l’adhésion à l’Espace économique européen lors d’un vote populaire.

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