Si tous les tyrans du monde voulaient bien se donner la main

Si tous les tyrans du monde voulaient bien se donner la main

Vladimir Poutine, bonhomme, a accueilli Bachar Al Assad pour des raisons humanitaires. Bon cœur !  Bachar lui en veut un peu : il prétend que les Russes l’ont forcé à quitter le pays. L’ingrat ! C’est eux qui l’ont sauvé en bombardant les villes avec du gaz. Ils n’y peuvent rien, les Russes, s’ils ont perdu entre 600 et 700 000 hommes en Ukraine, au point de faire venir des Coréens. Franchement, on ne peut pas reprocher à Poutine de penser enfin un peu à lui ! Lui aussi a ses problèmes. Les Russes ont tenu la Syrie à bout de bras, avec l’Iran. Les Pasdarans ont été solidaires. Ils ont été les principaux stratèges de Syrie, les principaux fournisseurs d’armes, les principaux distributeurs de Captagon, la drogue fabriquée par la famille Assad. Ne jamais oublier de mettre un peu d’argent de côté, au cas où. Le Hezbollah aussi, a été solidaire, utile, bon revendeur grâce au port de Beyrouth. Mais l’armée israélienne les a réduits. Ils ont dû retirer leurs troupes de Syrie. Le Captagon se fait rare.

Quand la trêve entre Israël et le Hezbollah a été conclue, avec les parrains américains et français, le « Parti de Dieu », excusez du peu, n’avait plus le cœur à se battre pour Assad. Les Turcs en ont profité pour dire à leurs amis d’Idleb de fondre sur Alep. La suite, on la connaît : l’armée s’est débandée, les rebelles, des ex d’Al Qaida, sont à Damas. L’Iran a retiré ses Pasdarans, la Russie a évacué sa flotte, les Turcs rient, mais rient jaune, parce que tout terroriste qu’il soit, le nouveau maître de Damas drague les Occidentaux, à tel point que cela en devient indécent. Les Israéliens ont détruit toute l’aviation syrienne et la défense aérienne. Le ciel est libre jusqu’en Iran.

Seul Macron peut aller librement se faire engueuler à Mayotte.

Ah, si tous les tyrans de la terre pouvaient se donner la main ! Rester solidaires comme Poutine et Assad ! Hitler, après l’attentat de juillet 44, avait accueilli un Mussolini dépressif. Et lui avait confié : « Vous êtes mon seul ami ». Émouvant, deux maudits se serrant dans les bras. Même Pol Pot avait besoin de l’épaule d’un ami, celle de Vergès ou de sa jeune cuisinière. Un tyran est toujours seul. Comme Caligula, Poutine fait goûter ses plats. Seul Macron peut aller librement se faire engueuler à Mayotte en offrant cinq milliards. Poutine n’ose aller sur le front de son « Opération spéciale ». Il tient ses généraux à cinq mètres. Le sort de Bachar a ému Poutine parce que ce pourrait être le sien. L’exil fut la sanction de Ben Ali, de Moubarak, du Shah, de Duvalier, de Marcos. Ce pourrait être la prison, comme Taylor, Milosevic, Al Bashir, ou l’exécution : Ceausescu, Saddam, Kadhafi…

Ce qui compte, c’est l’humain. Saignant.

Heureusement, il y a, quelle que soit l’idéologie, une confraternité des salopards. Kim Jung Un n’a pas hésité à aider Poutine. Khamenei non plus. Xi Jinping, le parrain des pauvres, aide à la fois Ali, Kim et Vlady. Foin des idéologies : il y a peu de connivence entre le nationalisme panrusse, bénie par le patriarche orthodoxe, la révolution islamique et le communisme chinois. Ce qui compte, c’est l’humain. Saignant. La grande chaîne de solidarité va plus loin : une guirlande de noël autour de la terre.  Loukachenko, Maduro sont des frères. Ortega un sage. Cuba un symbole. Tebboune un fidèle. La junte birmane une valeur sûre. Et les juntes africaines des bébés prometteurs en couveuse. L’amicale des tyranneaux permet à chacun de se sentir mieux compris, dans un monde plus sûr.

Les imbéciles de l’histoire.

« Il s’en sort bien, il pourra vivre, il a ce qu’il faut. Ce sont les petites mains du régime, ceux qui sont restés et n’ont pas pu fuir les imbéciles de l’histoire. » commente un réfugié syrien, après la fuite de Bechir. La famille Assad aura-t-elle le temps de dépenser ses milliards ? Et les pauvres imbéciles de tortionnaires des prisons d’Assad, que vont-ils devenir ? Jusqu’où est-on tortionnaire ? Le soldat qui refuse de torturer est torturé à son tour. La question demeure : comment se fait-il qu’un seul maître puisse oppresser des milliers, des millions ?

Ce qui est facile, c’est l’obéissance. Tous les tyrans ont les mêmes polices, les mêmes méthodes, les mêmes crimes, les mêmes paranoïas, plus ou moins subtiles, violentes, inhumaines, efficaces. Ils ont conscience de provoquer chaque jour ce même miracle : se faire obéir. Ils savent que la norme, la logique, est de finir trahi, pendu, haï. Ils savent aussi que la plupart des hommes aiment les maîtres, chérissent l’obéissance. Les religions n’enseignent-ils pas l’obéissance comme une vertu ? L’Église n’en fait-elle pas un devoir ? L’Islam son nom : « soumission » (à Dieu) ? Le confucianisme sa règle ? L’esclave dit toujours « oui ».

Comment se fait-il qu’un seul maître puisse oppresser des milliers, des millions ?

La chaîne planétaire de l’amicale des tyrans, se tisse par les filets internes de chaque tyrannie. Des mille complicités. Ce qui effraye n’est pas l’incapacité de se rebeller, elle se comprend par la terreur. Ce qui effraie, c’est l’amour du maître, la fascination des idoles.

Tous les complices se donnent la main. Le réflexe politique de base de base n’est pas la liberté, c’est la complicité ; faire partie d’un club, d’un parti, d’une chaîne de solidarité ; tel est l’attrait des organisations politiques, des sectes, des mafias. Voilà une famille, avec ses règles et ses hiérarchies ; voilà ton nid, fut-il de vipères.

Ce besoin de cocon, aussi malsain soit-il, est la loi commune. Les régimes dits libéraux sont rares dans l’histoire, plutôt des anomalies. La grande solidarité des dictateurs tient à cela : Ils haïssent la démocratie, la méprise comme une bassesse, une maladie du « pouvoir pur ». Les démocrates, tous ceux qui jouissent des démocraties, devraient s’en rendre compte. Face à la chaîne des dictatures, fortifier l’alliance des démocrates.

Ses armes sont plus puissantes que les geôles, parce que, la plupart des hommes savent aussi que leur sécurité est mieux assurée par la liberté que par la soumission. L’état de droit est le respect du droit de chacun.

Faut-il exclure tout dialogue avec tout membre de la grande chaîne des tyrans ?

À la fin, tout tyran périra, ses complices seront jugés. Faut-il exonérer le serviteur, le profiteur, le tortionnaire ? Amnistier, Jusqu’où ? Les Américains avaient chassé tous les cadres de Saddam. Le fondateur d’Al Nosra, nouveau maître de Damas, peaufine son amnistie.

N’est-il pas un terroriste ? Faut-il l’exclure ?  Faut-il exclure tout dialogue avec tout membre de la grande chaîne des tyrans ? Dans un monde idéal, ce serait une évidence. Dans un monde idéal, il n’y aurait pas de tyrans, ni personne pour les admirer, les excuser, les suivre. L’étrange échec des démocraties s’explique parce que le pouvoir est naturellement tyrannique. Même si les peuples préfèrent la liberté, les dirigeants suivent la pente de l’oppression, comme en Russie, en Turquie, en Tunisie.

Autant il faut mépriser leurs admirateurs dans les pays libres, autant dialoguer avec tous, les détacher, les flatter, briser cette chaîne de torture.

Laurent Dominati
Laurent Dominati

Laurent Dominati

a. Ambassadeur de France

a. Député de Paris

Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press et de l’app bancaire France Pay

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