Sébastien Lecornu à Matignon : un choix jugé « provocateur » par le sénateur Yan Chantrel

Sébastien Lecornu à Matignon : un choix jugé « provocateur » par le sénateur Yan Chantrel

La nomination de Sébastien Lecornu à Matignon par Emmanuel Macron, à la suite du rejet du programme de François Bayrou par l’Assemblée nationale, marque un tournant politique. Pour Yan Chantrel, sénateur des Français établis hors de France, et membre du Parti Socialiste, ce choix reflète un entêtement présidentiel à l’encontre du vote des Français et renforce la crise institutionnelle. Il dénonce une stratégie éloignée des attentes des citoyens, en particulier de ceux vivant à l’étranger.

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« Le choix de Lecornu, on le vit comme une forme de provocation »

Dès l’ouverture de l’entretien, le sénateur Yan Chantrel ne cache pas son scepticisme. Pour lui, la chute de François Bayrou n’est pas qu’une question de méthode, mais bien de fond. « Il a été sanctionné par rapport à sa proposition budgétaire… injuste, violente pour le monde du travail », affirme-t-il, rappelant que l’ancien premier ministre n’a jamais réellement tenté de négocier ou d’amender son projet.

« La nomination du Premier ministre devrait émerger du Parlement »

Yan Chantrel, sénateur des Français établis hors de France

Pour notre invité, la nomination rapide de Sébastien Lecornu, ancien ministre des Armées et fidèle d’Emmanuel Macron depuis 2017, cristallise les critiques. « Plus le temps passe, plus il nomme des gens encore plus proches de lui », analyse le sénateur. Pour lui, il s’agit d’un déni démocratique, puisque ce choix ignore le message envoyé par les Français lors des dernières législatives.

Un appel à un changement de régime… parlementaire

Au-delà de l’identité du Premier ministre, c’est le fonctionnement des institutions que le sénateur remet en cause. « Il faut juste changer de régime. […] La nomination du Premier ministre devrait émerger du Parlement », plaide-t-il, insistant sur la nécessité d’un véritable régime parlementaire, qui respecte l’équilibre des forces à l’Assemblée nationale.

Yan Chantrel, sénateur des Français de l'étranger @Sénat
Yan Chantrel, sénateur des Français de l'étranger @Sénat

Le blocage institutionnel actuel serait dû, selon lui, à l’obstination du président. « Son obstination de vouloir continuer à peser sur la politique du pays alors qu’il a été sanctionné est un outil de blocage », affirme-t-il. Et d’ajouter que seule une rupture franche avec la politique menée depuis 2017 pourrait amorcer une sortie de crise. « M. Lecornu [doit] rompre justement avec la politique qu’il a lui-même mise en place depuis huit ans ».

Des conséquences directes pour les Français de l’étranger

Ainsi Yan Chantrel met en garde contre les répercussions concrètes de cette instabilité politique pour les expatriés. Le budget voté pour 2025 comporte déjà des coupes financières jugées préoccupantes : « C’était un budget quand même de baisse assez drastique pour les Français de l’étranger », déplore-t-il, citant le financement de l’enseignement français à l’étranger, la CFE (Caisse des Français de l’Étranger), ou encore les aides sociales.

« Réarmer notre Défense, très bien, mais si ça n’est pas complété par un financement adéquat des affaires étrangères, on ne répond pas au problème »

Yan Chantrel, sénateur des Français établis hors de France

Selon lui, ces réductions mettent en danger l’existence même de certaines structures essentielles. Face à cela, il appelle à un réarmement budgétaire du ministère des Affaires étrangères à la hauteur de celui de la Défense : « Réarmer notre Défense, très bien, mais si ça n’est pas complété par un financement adéquat des affaires étrangères, on ne répond pas au problème ».

Redressement budgétaire : priorité à la justice fiscale

Interrogé sur les moyens de redresser les finances publiques, le sénateur socialiste rejette fermement l’idée d’un impôt universel pour les Français de l’étranger : « Nous, on est résolument contre tout type d’impôt universel ou sur la nationalité ».

Yan Chantrel, sénateur des Français de l'étranger @Sénat
Yan Chantrel, sénateur des Français de l'étranger @Sénat

À la place, il défend une proposition phare : la taxe Zucman, ciblant les ultra-riches. « Un impôt de seulement 2% pour ceux qui ont plus de 100 millions d’euros », soutenue selon lui par plus de 70 % des Français. Et de rappeler que le déficit a été en grande partie causé par « des baisses drastiques d’impôts pour les plus riches, c’est à peu près 60 milliards par an ».

« Nous, on est résolument contre tout type d’impôt universel ou sur la nationalité »

Yan Chantrel, sénateur des Français établis hors de France

Face aux critiques de Gérard Larcher sur la constitutionnalité de cette taxe, Yan Chantrel balaie l’argument : « C’est un élément de langage […] Ce qui est inconstitutionnel, c’est l’inégalité devant l’impôt », insiste-t-il, estimant que la justice fiscale est désormais bafouée.

Un projet de loi spécifique pour les expatriés en ligne de mire

Enfin, alors qu’un projet de loi sur les Français de l’étranger est prévu pour l’automne, Yan Chantrel se dit prêt à y jouer un rôle actif : « C’est une nécessité de pouvoir avoir un texte sur les Français de l’étranger ». Sur le plan politique, il souhaite que ce texte fasse l’objet d’un travail transpartisan, bien que les résistances viennent selon lui d’une partie de la droite : « Des fois, il faut aussi convaincre les propres parlementaires des Français de l’étranger […] qui cautionnent, valident et votent des régressions », conclut-il.

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