Sanofi : l’investissement massif aux États-Unis passe mal en France

Sanofi : l’investissement massif aux États-Unis passe mal en France

Sanofi a essuyé de vives critiques jeudi 15 mai en France au lendemain de sa décision d’investir massivement aux États-Unis, Bercy y voyant un « mauvais signal » et les syndicats redoutant un « désengagement industriel et social » du secteur pharmaceutique en Europe.

« L’ampleur des investissements aux États-Unis, c’est sûr que c’est un mauvais signal à un moment où nous considérons et nous sommes convaincus que […] l’Europe et la France, c’est l’endroit où il faut investir », a déclaré le ministre de l’Économie Eric Lombard sur BFM Business.

Le groupe tricolore a annoncé mercredi vouloir investir « au moins 20 milliards de dollars aux États-Unis » sur cinq ans, consacrés à « une augmentation significative des dépenses de recherche et développement » dans ce pays et « à la production américaine ».

Sanofi est l’un des derniers géants pharmaceutiques à vouloir y renforcer sa présence, répondant aux pressions du président des États-Unis.

« Parce que [le président américain Donald]Trump s’agite, Sanofi sort les chiffres », a fulminé Fabien Mallet, CGT Sanofi France, interrogé par l’AFP, anticipant que « la recherche va basculer aux États-Unis ».

« En investissant massivement aux États-Unis, le groupe cherche à se positionner comme un acteur domestique , ce qui pourrait constituer un avantage stratégique dans les négociations tarifaires à venir », a commenté à l’AFP Adrien Chantereine, expert du secteur pharmaceutique de Circle Strategy.

Sanofi dispose de plusieurs usines américaines, dans la région de New-York et celle de Boston, comme celle de Framingham (photo), ultra-moderne et digitalisée, centrée sur les médicaments les plus innovants du laboratoire français.
Sanofi dispose de plusieurs usines américaines, dans la région de New-York et celle de Boston, comme celle de Framingham (photo), ultra-moderne et digitalisée, centrée sur les médicaments les plus innovants du laboratoire français.

Avec ses menaces de droits de douane sur les importations de médicaments, le nouveau pouvoir à Washington a déjà fait changer de pied d’autres grands noms du secteur : Eli Lilly, Johnson & Johnson, Novartis ou encore Roche se sont dits prêts à lancer des investissements de très grande envergure aux États-Unis.

« Perte totale de souveraineté »

Sanofi, « 20 milliards pour les USA : qui dit mieux ? », a ironisé la CGT du groupe dans un communiqué, ajoutant que « c’est la France qui finance et c’est l’Amérique qui encaisse » et que « ce n’est pas un virage, c’est une délocalisation massive de la recherche » aux États-Unis.

L’industrie pharmaceutique, jusqu’ici épargnée par le protectionnisme, voit le climat changer depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche et ses menaces de droits de douane pour accélérer la relocalisation de la production.

Le président américain a aussi affiché son intention de réduire les prix des médicaments de 50 à 80 %. Cette mesure affecterait les marges bénéficiaires des fabricants, mais « cela n’a pas empêché Sanofi de lâcher un investissement aussi massif en si peu de temps » outre-Atlantique, s’est étonné Adil Bensetra, de la CFDT.

Avec leur choix stratégique tourné vers le marché américain, les laboratoires « n’ont même pas laissé le temps aux Européens de trouver une solution alternative », s’est indigné le syndicaliste, redoutant « une perte totale de notre souveraineté sanitaire dans les 4 à 6 ans ».

En avril, profitant des menaces latentes de Donald Trump, les dirigeants d’une trentaine de champions pharmaceutiques ont écrit à la Commission européenne pour réclamer un cadre plus attractif en matière de prix des médicaments et de fiscalité.

Un « rééquilibrage géographique » ?

Pour Sanofi, le « rééquilibrage géographique apparaît cohérent » à Adrien Chantereine, vu qu’il génère la moitié de son chiffre d’affaires aux États-Unis et y réalise 25 % de sa production.

Le groupe a aussi cédé tout récemment la moitié de sa filiale de produits sans ordonnance, dont le Doliprane au fonds d’investissement américain CD&R.

« En dix ans, il a détruit des milliers d’emplois à travers quatre plans de licenciements. Il vend le Doliprane aux Américains, veut se séparer du site d’Amilly mais compte investir 20 milliards aux USA. Que fait l’État ? Rien ! », a condamné mercredi 14 mai sur X le rapporteur de la commission d’enquête du Sénat sur les aides publiques aux grandes entreprises, le communiste Fabien Gay, rappelant qu’« en dix ans, Sanofi a obtenu plus d’un milliard de crédit impôt recherche ».

Sanofi, qui investit plus de 2,5 milliards d’euros chaque année en France, a reconnu devant cette commission une réduction d’environ un millier d’emplois dans la R&D en France sur dix ans, mais insisté sur l’absence de licenciements.

Si aucune réduction des investissements en France n’a été annoncée à ce stade, « un basculement progressif des priorités vers les zones les plus stratégiques et rentables est plausible à moyen terme », a estimé Adrien Chantereine.

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