Emmanuel Macron a estimé dans une lettre mardi 30 juillet que le plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental était la « seule base de règlement » au conflit qui oppose ces deux territoires depuis plus de trente ans. Un positionnement qui s’éloigne de celui de l’UE.
Le plan présenté en 2007 par le Maroc serait « la seule base pour aboutir à une solution politique juste, durable et négociée conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies », a souligné l’Élysée dans une lettre adressée au roi du Maroc Mohammed VI, dont l’AFP a obtenu une copie.
C’est la première fois qu’Emmanuel Macron se positionne si clairement en faveur de la proposition de Rabat, qui prévoit de créer un parlement autonome pour les populations du Sahara occidental, doté de nouvelles compétences régionales, tout en gardant la main sur la souveraineté du territoire, les affaires étrangères, la douane, la défense ou encore la monnaie.
Les autorités marocaines et le Front Polisario indépendantiste du Sahara occidental sont en conflit ouvert depuis la décolonisation espagnole en 1975 quant à la souveraineté de cette vaste étendue de terre largement désertique, qui longe l’océan Atlantique.
Dans les faits, le Maroc exerce un contrôle économique et administratif sur la région, contre lequel le Front Polisario lutte, soutenu par l’Algérie. Un accord de cessez-le-feu conclu en 1991 prévoit l’organisation d’un référendum d’autodétermination, qui n’a jamais vu le jour, alors que l’identification des électeurs potentiels s’est révélée être la principale difficulté. Le Front Polisario a toujours rejeté le plan marocain de 2007.
Cette décision diplomatique française soudaine, alors que les yeux du monde sont rivés sur les Jeux olympiques et que la vie politique nationale est au point mort, a notamment exaspéré l’Algérie, qui a annoncé quelques heures plus tard mardi le retrait de son ambassadeur à Paris.
Cette affaire ne manquera pas de prendre une dimension européenne – alors que la position du haut représentant de l’UE aux Affaires étrangères sur ce conflit a toujours été, dans la droite ligne de l’ONU, l’appel à la tenue d’un référendum d’autodétermination, que la proposition marocaine reléguerait au second plan.
UE v France
Selon Angelica Vascotto, chercheuse au sein du Conseil européen pour les relations étrangères (European Council on Foreign Relations – ECFR), un think tank, l’annonce d’Emmanuel Macron s’inscrit dans un souci d’« éviter le développement de zones politiques à risque » qui pourrait renforcer l’insécurité dans la région sahélienne.
Charge à l’UE d’agir en tant que « médiateur » afin de maintenir des liens diplomatiques forts autant avec Alger qu’avec Rabat, souligne la chercheuse — un jeu d’équilibriste alors que la haute représentation pour les Affaires européennes a toujours soutenu la tenue d’un référendum, sans pour autant reconnaître le Front Polisario.
En 2020, le haut représentant Josep Borrell déclarait que « l’Union européenne considère le Sahara occidental comme un territoire non autonome, dont le statut final sera déterminé par le résultat du processus de l’ONU en cours », y compris la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum d’autodétermination (MINURSO).
L’ONU considère le Sahara occidental comme un territoire non autonome – ainsi qu’elle le fait pour la Nouvelle-Calédonie, par exemple – qu’elle définit comme un territoire « dont le peuple n’a pas encore atteint un degré complet d’autonomie ».
Une résolution de l’ONU datée de 2022 appelle le Maroc et le Front Polisario à « parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, fondée sur le compromis, qui permette l’autodétermination du peuple du Sahara occidental ».
Le droit à l’autodétermination des peuples du Sahara occidental était également au cœur d’un arrêt du Tribunal de la Cour de Justice de l’UE en 2021, qui annulait un accord commercial sur la pêche entre l’UE et le Maroc au motif qu’il ne respectait pas le statut « séparé et distinct » du Sahara occidental.
« Il appartient à chaque État membre d’adopter ses propres positions. La position commune de l’Union européenne sur le sujet reste inchangée », a déclaré une porte-parole de la Commission européenne à Euractiv.
Avec la décision de mardi, Paris adopte donc une position à rebours de celle de l’UE et emboîte le pas à une série d’autres États membres qui ont également soutenu le plan marocain. L’Espagne, dernière en lice, a aussi dû faire face à la colère d’Alger, qui a rompu ses liens diplomatiques avec Madrid et menacé de suspendre un traité commercial bilatéral vieux de vingt ans.
Il appartient désormais à l’UE, et à sa – très probable – future haute représentante aux Affaires étrangères Kaja Kallas, de trouver le juste équilibre afin de garder les meilleures relations possibles avec Rabat et Alger.
Les relations commerciales entre l’UE et l’Algérie sont très stratégiques, souligne Angelica Vascotto, Alger étant un exportateur clé de produits minéraux vers l’Union.
Parallèlement, le Maroc est un pays politiquement stable qui dispose d’un accès facile à la côte atlantique et de ressources halieutiques abondantes.
Le désert du Sahara occidental et la côte marocaine regorgent en outre de minéraux stratégiques, notamment de phosphate et de pétrole, qui ne manquera pas d’intéresser l’UE.
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