En 2016, le Royaume-Uni a fait le choix du grand large. Près de 10 ans après le référendum, les résultats escomptés par les partisans du Brexit sont loin d’être au rendez-vous. La croissance est plus de deux fois plus faible que celle de la moyenne de l’Union européenne, le déficit budgétaire s’est accru et la question de l’immigration reste entière.
Les Britanniques seuls face à la tempête
La croissance du Royaume-Uni tourne autour de 1 % quand, avant le Brexit, elle était en moyenne près de deux fois supérieure à celle de la zone euro. Depuis 2019, le déficit public a toujours été supérieur à 4 % du PIB et la balance des paiements courants est déficitaire, en 2025, de plus de 4 points de PIB. Le Royaume-Uni paie cher son isolement. La France, dont les caractéristiques économiques sont assez proches, désindustrialisation poussée et double déficit (paiements courants et budget), dispose de plus de liberté que sa voisine.
Hors de l’euro, le Royaume-Uni doit convaincre les marchés de la solidité de sa monnaie et de la soutenabilité de sa dette quand la France, au sein de l’euro, bénéficie de la crédibilité collective de la Banque centrale européenne.
La crise budgétaire britannique de l’automne 2022, qui a provoqué la démission de la Première ministre, Liz Truss, quarante-quatre jours après sa nomination, a souligné la faiblesse économique et financière du Royaume-Uni. La crise est née de la présentation du « mini-budget » le 23 septembre 2022 par le chancelier de l’Échiquier, Kwasi Kwarteng. Ce projet comportait une série de baisses d’impôts non financées, près de 45 milliards de livres sterling, incluant la suppression du taux marginal de 45 %, l’annulation de la hausse de l’impôt sur les sociétés et un gel des prix de l’énergie. Le gouvernement affirmait vouloir relancer la croissance par un choc d’offre. Les investisseurs se sont inquiétés du dérapage du déficit public et les taux d’intérêt ont vivement progressé dans un contexte fortement inflationniste. Les taux longs ont dépassé 5 %.

Cette augmentation s’est accompagnée d’une dépréciation de la livre sterling. Ces tensions financières se sont répercutées à l’ensemble des établissements financiers, obligeant la Banque d’Angleterre à intervenir en urgence le 28 septembre. Elle a annoncé des achats temporaires d’obligations longues pour éviter un effondrement systémique. Cette perte de contrôle financière a obligé la Première ministre à renoncer à son projet budgétaire. Le chancelier Kwasi Kwarteng fut limogé et remplacé par Jeremy Hunt, ce qui ne calma guère les marchés. La Première ministre dut se résoudre à la démission le 20 octobre 2022. Elle est devenue ainsi la cheffe de gouvernement la plus éphémère de l’histoire moderne britannique.
L’exemple qui démontre l’absurdité d’un Frexit ?
La France bénéficie de la protection et de la mutualisation de la zone euro. Le Royaume-Uni doit maintenir des taux d’intérêt à court terme élevés pour défendre son taux de change et éviter l’inflation importée. Les taux directeurs de la Banque d’Angleterre évoluent autour de 4 % contre 2 % en zone euro. Les taux d’intérêt à long terme sont également plus élevés au Royaume-Uni qu’en zone euro et qu’en France. L’écart entre le taux de l’OAT à 10 ans et son équivalent britannique est d’un point. La dette britannique est perçue comme plus risquée que la dette française grâce à la présence protectrice de la BCE.
La situation du Royaume-Uni doit faire réfléchir les éventuels partisans d’un Frexit. Sans l’euro, la France aurait une monnaie plus volatile, des taux courts plus élevés pour défendre cette monnaie et des taux longs plus élevés pour financer sa dette. Le pays pourrait faire face à une crise de change et serait donc contraint d’instituer des politiques de réduction de la consommation afin de limiter le recours aux importations. L’euro agit comme une mutualisation de la confiance. Il n’efface pas les déséquilibres français, mais il en amortit les conséquences financières.
Auteur/Autrice
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Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.
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