Ecouter le podcast avec Ronan Le Gleut
Ronan Le Gleut, sénateur des Français de l’étranger, est intervenu pour détailler les conclusions d’un rapport sur l’architecture paix et sécurité en Afrique, qui fait un constat sévère de l’action française dans la région. Coécrit avec ses collègues Marie-Arlette Carlotti et François Bonneau, ce rapport critique l’approche du Président Macron et le recul de l’influence de la France en Afrique.
Un recul inquiétant de la présence militaire française
Les récentes demandes de retrait des troupes françaises par plusieurs dirigeants africains, dont les présidents du Mali, du Burkina Faso, du Niger, du Sénégal, et du Tchad, marquent un tournant. Selon Le Gleut, « On peut difficilement faire un autre constat que celui d’un mouvement absolument massif en Afrique de demande de départ des troupes françaises. » Il rappelle que ces demandes ne sont pas uniquement liées aux opérations militaires réussies, mais à un sentiment politique grandissant. Le seul maintien militaire visible se fait à Djibouti et au Gabon, ce qui témoigne d’un recul significatif de la France sur le continent.
La désinformation russe et le réveil de la souveraineté africaine
Les ingérences extérieures, notamment russes, ont alimenté un climat hostile envers la France, en utilisant des campagnes de désinformation : « Les Russes sont maîtres de la désinformation. » Toutefois, le sénateur nuance son analyse en précisant que cette ingérence ne constitue pas l’unique cause du désaveu croissant de la France. Ronan Le Gleut pointe également le « mouvement souverainiste » qui se renforce sur le continent. Toutefois, il met en garde contre une « multi-dépendance », notamment vis-à-vis de la Chine et de groupes comme Wagner.
La France face à la montée en puissance des BRICS
La France, selon le rapport, doit réinventer sa présence en Afrique, non pas seulement par le biais de la sécurité, mais aussi à travers la diplomatie culturelle et éducative. Ronan Le Gleut insiste sur la nécessité d’adapter le regard de la France sur l’Afrique, en soulignant : « Ce qui a profondément changé, c’est que beaucoup de nos compétiteurs stratégiques, notamment des pays des BRICS+, dans les dernières années, 2000, 2010, 2020, créent des sommets Brésil-Afrique, Corée du Sud-Afrique, etc., qui n’existaient pas avant. Avant, il y avait des sommets France-Afrique, mais il n’y avait pas d’autres acteurs, comme les Émirats arabes unis, qui ont une présence importante et une influence importante en Afrique. Et par conséquent, c’est ce changement brutal des rapports de force géostratégiques à l’échelle mondiale, et notamment cette montée en puissance des BRICS+, qui rebat l’écart et que nous n’avons pas suffisamment compris. »
Repenser la diplomatie et la sécurité
Ronan Le Gleut suggère de renforcer la diplomatie et la présence culturelle française en Afrique. Le réseau d’écoles françaises à l’étranger, notamment l’AEFE, ainsi que les instituts français sont des atouts sous-exploités. Il évoque aussi les enjeux sécuritaires liés à des événements comme l’attaque de l’ambassade de France à Kinshasa, et prône un renforcement des missions de défense dans les ambassades. Ce double axe, culturel et sécuritaire, devrait selon lui permettre de « réinventer » l’influence de la France.
L’instabilité politique intérieure : un frein à l’action extérieure
Ronan Le Gleut souligne un lien direct entre l’instabilité politique intérieure de la France et sa capacité à rayonner à l’extérieur. « Pour qu’une nation soit forte à l’extérieur, il faut qu’elle soit forte à l’intérieur », affirme-t-il, se référant à la crise politique actuelle qui affecte la position de la France. Il pointe également les tensions internes sur des questions comme l’immigration, qui nourrissent un sentiment anti-français, particulièrement en Afrique.
Pas trop tard pour la France en Afrique ?
Le parlementaire reste optimiste quant à l’avenir des relations franco-africaines, mais il insiste sur l’importance de s’adapter aux transformations du continent. « Il n’est pas trop tard », conclut-il, précisant que pour redresser la situation, la France doit abandonner les anciens paradigmes et reconnaître la diversité des réalités africaines.
Le rapport « Voir l’Afrique dans tous ses États », est désormais disponible en ligne sur senat.fr
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