Des millions d’Algériens, malgré l’interdiction des manifestations depuis 2001, ayant protesté contre un cinquième mandat du pauvre Président Bouteflika, un communiqué de celui-ci a annoncé qu’il n’avait jamais été question pour lui de se représenter, qu’une Conférence nationale serait convoquée et que les élections seraient repoussées à la fin de l’année. Tel fut le message du Palais, une façon de gagner du temps.
Mais la manœuvre n’a pas marché.
La rue l’a emporté. Elle a osé : Révolution ! Elle n’a plus peur. Le chantage à la guerre civile, au sang, aux Islamistes, qui avait fondé la légitimité du Président Bouteflika ne fonctionne plus sur une population dont la majorité a moins de 25 ans et n’a pas connu la guerre civile.
Révolution il y a, la peur change de camp. Les jeunes, bien sûr, sont en première ligne. Les femmes aussi. Cette fois, ce ne sont pas les Islamistes qui tiennent le haut du pavé. Pour l’instant en tout cas. Et l’armée sonne le sauve qui peut. Le chef d’Etat Major a demandé que le Conseil Constitutionnel soit convoqué pour que le Parlement puisse constater l’empêchement de Bouteflika.
Un général de 79 ans, Ahmed Gaïd Salah confie donc au Président du Conseil constitutionnel de 70 ans la mise à la retraite d’un Président malade de 82 ans, qui serait remplacé par un Président du Conseil national de 78 ans, Abdelkader Bensalah, chargé d’organiser les élections.
Déjà, l’allié du FLN, le Rassemblement National Démocratique, de l’ancien Premier ministre Ahmed Ouyahia, démis de ses fonctions il y a quinze jours à peine pour calmer la rue, sans succès, demande lui aussi la démission de Bouteflika. Revanche ou précaution. Son successeur, le nouveau Premier ministre, qui a du mal à former son gouvernement, avait pour première mission de tout lui mettre sur le dos.
« Bouteflika, quand tu partiras, emmène Gaïd Salah avec toi »
Les révolutions passent par une série de révolutions de palais. Il n’est pas sûr que le clan familial ait perdu. C’est peut-être lui, qui, parant au plus pressé, met l’armée en avant. Il n’est pas sûr non plus qu’une démocratie véritable naisse en Algérie. L’espérance est grande, l’incertitude plus grande encore. La foule crie son pacifisme. L’armée son amour du peuple. Soit.
L’armée est-elle unie? La meilleure façon de rester unie serait de prendre directement le pouvoir. C’est ce que craignent nombre d’Algériens, alors que d’autres s’en rassureraient. A tel point que certains se demandaient si l’annonce du Chef d’Etat Major des Armées n’était pas déjà un Coup d’Etat. Le fruit d’intrigues en essayant de calmer le jeu, sans aucun doute. Dans une crise, on navigue au jour le jour, et chaque jour voit s’abattre une idole ou une certitude. Bouteflika était un paravent pour ceux qui gouvernaient vraiment. Le paravent inutile, il vaut mieux s’en séparer. Le pauvre ne s’en rend sans doute pas compte. Personne ne sait ce qui se passe en Algérie, pas même ceux qui tiennent les manettes, ni même les manettes, ou marionnettes, ne savent qui les actionnent. Les fidèles de Bouteflika, ont choisi de s’en débarrasser. Il ya cependant peu de chances qu’il y ait des lions parmi ces moutons. La foule, elle, voudrait moins se débarrasser de Bouteflika que du régime. Un des derniers slogans entendus n’était-il pas : « Bouteflika, quand tu partiras, emmène Gaïd Salah avec toi ». Pas sûr que Bouteflika ait entendu.
Si l’armée est unie, elle prendra le pouvoir. Si elle est divisée, qui sait.
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