L’année 2023 a été riche en rebondissements. Intelligence artificielle, conflits armés, inflation, glyphosate, crise énergétique ou encore « Pfizergate », toute l’année nos journalistes ont été sur le pont pour vous informer de Paris à Bruxelles et comprendre comment politiques française et européenne s’imbriquent.
À l’approche des vacances, le bureau de Paris s’apprête à fermer ses portes pour une semaine. En attendant, nous vous proposons une rétrospective par rubrique des sujets qui ont rythmé l’année.
Le réseau Euractiv, une rétrospective européenne
Euractiv est avant tout un réseau de journalistes, disponible en treize langues européennes, avec la mission d’éclairer les réalités politiques et économiques des pays européens, au-delà de la bulle bruxelloise.
L’invasion russe en Ukraine était au cœur de vos préoccupations : la menace du groupe Wagner d’envahir les pays Baltes, un papier signé de nos partenaires médias lituaniens, a fait exploser beaucoup de records de lecture. Idem pour l’annonce faite par le gouvernement allemand que ses chars abîmés sur le front ukrainien ne transiteraient plus par la Pologne afin d’être réparés.
Vous étiez nombreux encore lorsqu’Euractiv révélait que la tête du ministre de la Défense italien avait été mise à prix par le groupe Wagner.
Fort de l’adage « si l’Allemagne s’enrhume, c’est la France qui tousse », la santé économique de nos amis outre-Rhin vous a beaucoup préoccupée. De nombreuses analyses de nos confrères du bureau berlinois, notamment sur la crise des prix de l’énergie et le risque de départ de nombreuses entreprises allemandes, ont rencontré un franc succès.
Les sujets politiques et pouvoir ne cessent de vous intéresser : un papier sur un potentiel cas de corruption entre chercheurs aux Pays-Bas et l’Arabie saoudite vous a passionné. Les rumeurs courant à Bruxelles en mars que le programme d’achat commun de matériel de défense pouvant être annulé a aussi tiré les statistiques de lecture d’Euractiv France vers le haut.
Enfin, l’élargissement et l’avenir de l’UE sont des sujets cruciaux sur lesquels la voix de la France porte : ainsi appelait-elle de ses vœux un élargissement ordonné, accompagné d’un certain nombre de réformes sur le fonctionnement de l’UE.
LE FRENCH CORNER
Énergie & Climat : opportunités d’une année sous haute tension
Qui pourrait nier le tournant que fut la guerre en Ukraine pour la politique énergétique de l’UE ? Encore que « tournant » n’est qu’un euphémisme, entre les nouvelles règles européennes de fixation des prix de l’électricité, actée d’une éreintante lutte, au come-back sans précédent du nucléaire sous le crachin bruxellois — avait-il seulement déjà profité d’un tel engouement ? – en passant par le retour du sujet minier, entre souveraineté et diversité.
La France a su profiter de circonstances inédites pour jouer sa carte atomique. Ce, malgré l’effondrement de la production de son parc l’hiver durant. Un détail, si l’on en croit les réactions épidermiques suite à la fermeture des dernières centrales en Allemagne. La riposte des États membres pro-nucléaires fut immédiate, avec la création d’une alliance d’initiative française, fort mal reçue par les États membres anti-nucléaires.
Quelques escarmouches ont même impliqué la présidente de la Commission européenne qui, soucieuse de ne pas dépasser ses fonctions, a fait l’erreur de braquer les Français sur le caractère non-stratégique du nucléaire.
Encore, ce n’est rien face à ce qui suit.
Les énergies renouvelables auront, certes, plus que jamais leur place au soleil de la décarbonation, mais « ne serait-il pas opportun de remplacer les objectifs d’énergie renouvelable européens par des objectifs bas-carbone ? », demandent la France et ses alliés au crépuscule de l’année.
Logique, défendent-ils, si toutefois l’objectif est bien celui avancé lors de la COP28 : sortir des énergies fossiles au plus vite.
L’hydrogène a souffert des mêmes querelles, avant que la France, sournoisement obstinée, obtienne une victoire à la Pyrrhus. Mais l’occasion était trop belle, quand on sait les besoins en hydrogène prévus à l’échelle européenne. Pourquoi pas, dès lors, activer la piste de l’hydrogène naturel ? Sans aucun doute, la question vous a intéressée, tout comme celle de l’avenir du Green Deal, mise à mal par les projections pour les prochaines élections européennes.
Politique : division avant les élections
2023 prépare avant tout 2024 et les élections à venir en juin prochain. Toutes les têtes de listes ne sont pas connues, mais certaines, comme l’écologiste Marie Toussaint ou l’insoumise Manon Aubry, ont déjà répondu à nos questions.
Quant au dernier arrivé de la politique française, l’homme de Reconquête!, Éric Zemmour, lorgne sur le groupe parlementaire européen des Conservateurs et réformistes européens (CRE), le seul qui ne compte pas, dans ses rangs, de représentants français.
Comment résumer 2023 sans évoquer la mort, en juin dernier, de Nahel ? Les jours suivant le drame, le pays s’est mis à l’arrêt, crispé par les émeutes d’une violence telle qu’elles ont repoussé la visite du souverain d’Angleterre, le Roi Charles III.
Si le gouvernement a vite appelé à la responsabilisation des Français, une malheureuse phrase du président de la République sur de potentiels contrôles des réseaux sociaux a fait tousser les défenseurs des libertés en ligne.
Unie dans les termes du soutien à la famille de Nahel, la gauche française n’a eu de cesse, sur d’autres sujets, de se diviser, malgré les promesses d’unité de la NUPES. Le divorce est consommé depuis les réactions suivant l’attaque du groupe terroriste du Hamas en Israël le 7 octobre dernier. Accusé de ne pas avoir dénoncé le caractère « terroriste » de l’attaque, Jean-Luc Mélenchon et ses insoumis ont motivé le Parti socialiste à suspendre sa participation à l’alliance des gauches, quand d’autres proposent une alternative.
Une seule certitude pour le moment : la NUPES n’ira pas d’un front aux élections européennes.
Dernièrement, la loi « immigration » adoptée dans la douleur, a fait vivre au pays l’une des plus grandes crises parlementaires des trente dernières années. Le projet de loi, adopté après de nombreux rebonds, est bien plus dur que celui initialement présenté par le gouvernement, forcé, par le nombre de leurs représentants au Parlement, de marcher sur les plates-bandes de la droite et de l’extrême-droite.
La question des alliances politiques des prochaines années entre les gouvernements et les partis de droite radicale se pose plus que jamais. En France, mais aussi dans le reste de l’Europe. En témoigne l’arrivée au pouvoir de Giorgia Meloni en Italie, de Robert Fico en Slovaquie, les victoires électorales de Geert Wilders aux Pays-Bas et de Riikka Purra en Finlande, ou encore les tourments en Pologne, en Espagne et en Allemagne. Qu’en sera-t-il au moment d’étudier sérieusement la candidature de l’Ukraine à l’Union ?
Économie & Industrie : transition verte, certes, mais à quel coût ?
Trois enjeux économiques ressortent comme les plus structurants de l’année : l’incroyablement complexe financement de la transition verte, les débats autour d’une révision du Pacte de Stabilité et de Croissance (PSC) et la réforme des retraites – et ce dans un contexte d’explosion du coût de la vie.
En septembre, Euractiv France révélait la distribution quelque peu disparate des aides d’État dans l’UE, dont l’Allemagne et la France sont de loin les premiers bénéficiaires – tandis qu’un financement européen, type fonds de souveraineté, se fait encore attendre, malgré la compétition féroce que créent les États-Unis et leur Inflation Reduction Act. Pourra-t-on jamais imaginer un nouveau round de dette commune européenne ? Au grand dam de la France, les espoirs s’évanouissent à vitesse grand V…
Le sujet est d’autant plus crucial qu’une révision du PSC, présentée en avril par la Commission européenne, souffre bel et bien de l’adage « la montagne qui accouche d’une souris ». La France n’a jamais vraiment réussi à contourner les demandes allemandes, qui font craindre aujourd’hui que les capacités d’investissements des États membres seront mises à mal. Paris fait d’ailleurs office de mauvais élève sur sa gestion de la dette et son déficit publics, et se retrouve sous le giron de la Commission pour procédure de déficit excessif (PDE).
Enfin, c’est bien la réforme des retraites qui a rythmé l’actualité politique et économique du premier semestre 2023. La réforme était-elle “imposée” par Bruxelles, comme l’affirmaient certains ? Est-elle effectivement synonyme d’austérité, comme nous l’expliquait dans une interview la secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats (CES), Esther Lynch ? Quoi qu’il en soit, si le débat était avant tout de nature financière et macroéconomique, il semblerait qu’il soit passé à côté d’un autre sujet crucial : le rapport des Français au travail.
Santé : cannabis à Berlin, vin à Rome et Pfizer à Bruxelles
L’année 2023 fut riche en rebondissements, à commencer par l’affaire Pfizer, les fameux – et si mystérieux – SMS échangés entre la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le PDG de Pfizer Albert Bourlat à propos de contrats de vaccins Covid-19.
Début 2023, le New York Times a poursuivi en justice la Commission européenne au motif que l’institution n’a pas rendu publics les messages. Et toc. Profitez des fêtes pour vous remettre à jour sur l’affaire ici et là, car nul doute que la saga se poursuivra en 2024.
Amateurs de vin à Noël, ou les 364 jours restants, sachez qu’à Bruxelles la France, l’Italie et l’Espagne bataillent en coulisse pour que jamais ne devienne obligatoire un étiquetage sanitaire, comme l’on en trouve sur les paquets de cigarettes. L’origine de ce grand raout ? L’Irlande qui a reçu en janvier le feu vert de la Commission européenne pour doter ses bouteilles d’alcool d’une étiquette sanitaire dès 2026. Cheers !
Légaliser ou non le cannabis ? Lancez donc le débat le soir du réveillon ! D’abord, comprenez comment l’Allemagne et la France mènent deux politiques radicalement opposées, tout en s’épiant et en s’inspirant. Ensuite, muscler votre argumentaire, qu’il soit pour ou contre, en étudiant la situation ailleurs en Europe.
Enfin, si vous êtes déjà écœuré.es par une bûche trop sucrée, nous vous déconseillons ce dernier dossier. Pour les autres, lisez comment Emmanuel Macron se prend un tollé général après avoir refusé d’inscrire le viol dans la future directive européenne visant à lutter contre les violences faites aux femmes.
Agriculture : les premiers pas de la nouvelle PAC
L’année 2023 fut marquée par la mise en œuvre de la nouvelle PAC (2023-2027). Désormais sur les rails, les premiers pas du Plan stratégique national français (PSN), ont tout de même connu quelques embûches.
Alors qu’à Paris, cet été, les associations environnementales poursuivaient la Commission européenne en justice pour avoir validé un PSN qui ne respecte pas les prérequis environnementaux, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau défendait, à Bruxelles, la nécessité de mettre en culture les jachères – contrevenant aux règles de la PAC – au nom de la sécurité alimentaire de l’UE.
Quelques grands textes européens de la stratégie « De la ferme à la table » ont été soumis au Parlement et en Conseil « Agriculture et pêche ». Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce pan du Green deal peine à voir le jour. Le règlement sur les nouvelles techniques de sélection génomique (NGT) – les « nouveaux OGM », dixit les opposants – vient d’être rejeté par les ministres européens, tandis que le règlement sur l’utilisation durable des pesticides (SUR), avec l’objectif d’une division par deux des pesticides en 2030, pourrait bien être définitivement enterré.
Mais c’est le glyphosate qui a défrayé la chronique en cette fin d’année. L’herbicide très controversé a obtenu une nouvelle autorisation pour 10 ans. Lors des votes en Comité à Bruxelles, la France s’est abstenue sur la question. Ni totalement pour, ni complètement contre, elle a défendu une position médiane de sortie progressive avec recherche d’alternatives.
Côté mer, la Commission européenne a subi les foudres des pêcheurs français pendant de longues semaines. Du jamais vu depuis le Brexit. En cause ? Le durcissement des contrôles de la pêche, et surtout l’interdiction de certaines pratiques dans les zones protégées. Nous avons aussi suivi minutieusement la révision de la directive miel qui devrait déboucher sur un étiquetage plus rigoureux des pots, afin de lutter contre la fraude.
Lune de miel enfin pour les bergers, qui obtiennent de la Commission une proposition de modification du statut du loup, très attendue, qui pourrait ouvrir la voie à une gestion plus souple des quelque 20 000 prédateurs répertoriés en Europe.
Numérique : l’année des possibles
2023 a été l’année où l’UE est devenue le premier endroit du monde à se doter d’une législation sur l’intelligence artificielle, malgré des négociations compliquées, notamment sur les modèles de fondation. En début d’année d’ailleurs, la Commission a publié des lignes directrices invitant ses fonctionnaires à utiliser les IA de manière responsable dans le cadre professionnel.
L’UE a influencé le monde dès février, lorsque la Commission européenne a interdit à ses fonctionnaires d’utiliser TikTok sur leurs appareils professionnels, une décision dont de nombreux États se sont inspirés peu après, dans le but de se protéger de potentielles menaces de sécurité.
2023 a aussi été l’année du réinvestissement européen dans une ressource cruciale : les semiconducteurs. Des annonces importantes ont été faites en Allemagne, en France et en Pologne notamment, dans une course mondiale aux subventions publiques face aux États-Unis et à la Chine.
Néanmoins, il est aussi devenu clair que la France et l’Allemagne n’étaient pas à l’unisson sur le sujet de la certification « cloud souverain » de l’UE, ce qui pourrait présager un découplement des politiques industrielles des deux pays.
Enfin, l’influence de l’UE dans l’univers de la tech a aussi été contestée. En novembre, Meta, la holding de Facebook et Instagram, a réagi à une sanction basée sur le RGPD de la part de la CNIL irlandaise, en rendant ses réseaux sociaux payants pour tous les citoyens de l’UE qui ne souhaitent pas que leurs données personnelles soient utilisées à des fins de publicité ciblée. Cette décision a déclenché l’ire de nombreuses associations qui ont décidé de contester la décision auprès de la Cour de Justice de l’UE.
Événements
En 2023, Euractiv France a également organisé son premier événement : « Le protectionnisme européen à l’aube des élections européennes », dont vous pouvez retrouver l’enregistrement ici. Stéphane Séjourné, Aurore Lalucq, Stéphanie Yon-Courtin, Elvire Fabry, Marc-Antoine Lucchini, Manon Aubry, Karima Delli, Alexandre Loubet, Mathieu Gallard, Théo Verdier nous on fait l’honneur de participer.
Laisser un commentaire