Comme pour chaque année depuis 2009 (hors Covid), la sénatrice Joëlle Garriaud-Maylam organise, en marge de la session d’automne de l’Assemblée des Français de l’étranger, la cérémonie de remise des prix du Rayonnement Français. Ces derniers « récompensent les femmes et hommes qui font rayonner les valeurs de la France sur tous les continents« . Ils se déclinent autour de thèmes comme la littérature, la francophonie mais aussi les mathématiques, etc.
Mais cette année, patatras, sur les réseaux sociaux, une campagne est menée contre l’édition 2022. La raison, la présence supposée de Patrick Poivre d’Arvor parmi les membres du jury. Erreur, ce dernier ne l’est pas, mais un simple oubli de mise à jour sur un site internet a déclenché une polémique parmi les élus des Français de l’étranger.
Pour faire le point sur ce report de la cérémonie, la sénatrice Joëlle Garriaud-Maylam a accepté de répondre à nos questions sur le Prix du Rayonnement Français.
Lesfrancais.press : Vous avez créé le « Prix du Rayonnement Français » il y a de nombreuses années. Le remise de ces prix, au Quai d’Orsay, a toujours été un événement très apprécié, notamment par les élus des Français de l’étranger. Vous avez décidé de reporter cette cérémonie, qui était aussi l’occasion de rencontres sympathiques. Pour quelles raisons?
Joëlle Garriaud-Maylam : C’est vrai que ce Prix, lancé en 2009 à l’Hôtel de la Marine avec le regretté Michel Déon (le tout premier Prix ayant été décerné en 2010 à l’issue d’un séminaire que j’avais organisé à la Maison d’Education de la Légion d’Honneur à Saint-Denis) était une manifestation très appréciée. J’avais toujours tenu à ce qu’elle ait lieu à l’occasion de la réunion annuelle début octobre des élus des Français de l’étranger afin que ceux-ci puissent y participer. Un des leurs en avait d’ailleurs été lauréat. Elle était le moyen de mettre en lumière des parcours remarquables, porteurs de valeurs universelles et avait aussi pour but, dans un pays prompt à l’autoflagellation, à donner à notre jeunesse la fierté de leur appartenance nationale.
Si nous avons décidé de reporter (et non d’annuler) cette soirée, c’est pour deux raisons essentielles : d’une part parce qu’ un élu s’était permis de publier sur les réseaux sociaux le carton d’invitation à la cérémonie de remise des Prix du Rayonnement français prévue le 4 octobre au Quai d’Orsay. Outre la grossièreté du procédé, cette publication constituait un risque sécuritaire certain.
D’autre part ce même élu avec quelques acolytes se sont permis d’organiser une polémique ridicule sur un prétexte fallacieux, en sachant parfaitement qu’ils mentaient. Mais que ne ferait-on pas pour du buzz ? Nos soirées des Prix du Rayonnement s’étant toujours déroulées dans un climat positif de sérénité et de bienveillance partagées, et par respect pour les participants, pour la ministre des Affaires étrangères qui devait nous accueillir, et pour le Président Emmanuel Macron qui, comme chacun de ses prédécesseurs, nous a toujours honorés de son haut patronage, il était hors de question de laisser ce Prix s’engluer dans la boue dans laquelle on aurait voulu le traîner.
Lesfrancais.press : Quelques élus consulaires ont en effet dénoncé la présence au sein du jury de Patrick Poivre d’Arvor, par ailleurs accusé par de nombreuses femmes de viols. Est-ce bien le cas? S’agit-il, en somme, d’une cabale? Pensez-vous que cela a un lien avec les futures élections sénatoriales?
Joëlle Garriaud-Maylam : Oui, la prétendue présence de Patrick Poivre d’Arvor dans le Jury a été le prétexte de ce qui est effectivement une véritable cabale. Ce qui est choquant est que les instigateurs de cette cabale savaient parfaitement que PPDA ne faisait plus partie du Jury puisque j’avais eu l’occasion de le dire aux élus comme aux journalistes qui m’interrogeaient à ce sujet. Une élue a prétendu dans la presse qu’elle m’en aurait parlé en mai. Je ne le nie pas mais n’ai sincèrement aucun souvenir de cet échange, alors que j’ai en principe une excellente mémoire. Par contre je m’étonne que cette même élue, m’interrogeant un mois plus tard pour me demander si la date de la soirée avait été fixée pour l’entrer dans son agenda, ne m’en a certainement pas parlé. Alors que j’étais en mission parlementaire OTAN au Danemark et au Groenland la semaine dernière, j’ai reçu un certain nombre d’appels d’élus et de journalistes me demandant si PPDA était toujours dans le Jury, ce à quoi j’ai répondu que non, qu’il avait décidé de se retirer pour se consacrer davantage à l’écriture de ses livres et qu’il n’avait d’ailleurs participé à aucune réunion depuis plus d’un an, ni n’avait fait de propositions pour la nomination de lauréats.
« Il est choquant que l’on instrumentalise la souffrance des victimes »
Joëlle Garriaud-Maylam
Mais l’occasion était trop belle de faire du buzz et les élus consulaires en question ont utilisé le fait que le site Internet de l’association présentait toujours sa photo en tant que membre du Jury. Pourtant, comme l’a fait publiquement remarquer un journaliste respecté, il n’était pas difficile de voir que le site n’avait pas été actualisé depuis 2019. Pourquoi alors mettre avec tant d’aplomb notre parole en doute? Nous devions d’ailleurs actualiser ce site ce mois-ci et avions demandé les codes à la société qui l’avait créé pour nous. Mais elle ne les avait pas, sa créatrice ayant quitté la société (si un de vos lecteurs a le talent de pouvoir entrer dans un site sans les codes, surtout qu’il me contacte !)
Quant à votre dernière question sur les liens de cette polémique avec les élections sénatoriales de l’an prochain, je vous dirai que la réponse est sans nul doute dans la question !
Lesfrancais.press : Comment se fait-il qu’une cabale ait pu prendre autant d’ampleur sur la base de fake news ?
Joëlle Garriaud-Maylam : Tout le monde sait que les réseaux sociaux sont le lieu idéal pour monter des cabales sur la base de mensonges. Et même lorsqu’il est prouvé qu’il s’agit de fake news, l’emballement ne s’arrête pas et on oublie la vérité pour se concentrer sur le lynchage. En tant que rapporteur général à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, j’ai eu l’occasion d’étudier ce phénomène plus qu’inquiétant, très bien organisé notamment par la Russie.
Dans le cas du Prix du Rayonnement, les enjeux et l’impact ne sont évidemment pas du tout les mêmes, mais il était intéressant d’observer la gradation des attaques : d’abord la prétendue participation de PPDA au Jury puis (après démenti) le fait qu’il apparaisse toujours comme membre du Jury sur le site Internet, enfin le fait qu’il soit dans une photo-bandeau sur mon compte Twitter. Sur ce dernier point je tiens à dire que je n’ai absolument pas à répondre aux injonctions de retrait immédiat. Certes Twitter donne à ses utilisateurs une illusion de puissance et beaucoup se croient tout permis. Mais que je sache, nous ne sommes plus dans l’ Inquisition !
« Je tiens bien évidemment à réitérer mon soutien le plus entier à toutes les femmes victimes de violences sexuelles«
Joëlle Garriaud-Maylam
Car si PPDA figure sur photo-souvenir du Prix du Rayonnement Français de 2019 avant la Covid et avant toutes les accusations le visant, il s’y trouve au milieu de 20 autres personnalités, la plupart des amis ou des personnes pour lesquelles j’ai beaucoup d’estime comme par exemple Thomas Pesquet, Guillaume Gomez, Marie-Christine Saragosse, Catherine Pégard ou l’ancienne SG de la Francophonie, et je ne vois pas pourquoi je supprimerais cette photo pour satisfaire quelques esprits chagrin, et ce d’autant plus que d’autres personnes présentes utilisent elles aussi cette photo dans le même cadre !
Si cette controverse a pris de l’ampleur, c’est bien sûr aussi du fait de la propension très française à adorer démolir une personnalité connue ou enviée mais aussi – et c’est bien légitime – par l’émotion soulevée par la découverte des multiples dénonciations d’actes répréhensibles de la part de PPDA.
A cet égard, je tiens bien évidemment à réitérer mon soutien le plus entier à toutes les femmes victimes de violences sexuelles, qu’elles aient été victimes de PPDA ou d’autres prédateurs. Membre de la délégation aux droits des femmes du Sénat depuis 2004, je sais et comprends leur souffrance, mais tiens à dire avec force que le principe de la présomption d’innocence est un des fondements de notre justice sur lequel nous ne saurions revenir. Il est en tout cas profondément choquant que l’on instrumentalise la souffrance des victimes pour des cabales à visées personnelles.
Lesfrancais.press : Vous avez dit report. Est-ce report ou annulation pour cette année ? Qu’en est-il des lauréats ? Continuerez-vous l’année prochaine?
Joëlle Garriaud-Maylam : Non, il s’agit d’un report et en aucun cas d’une annulation du Prix du Rayonnement Français. D’ailleurs nous utiliserons ce report pour donner un nouveau souffle à notre initiative, le but final étant de créer une Fondation du Rayonnement Français. Un de mes buts est en effet, tout en conservant à la manifestation son excellence, de « démocratiser » la perception de la culture française et des réussites de notre pays en tout domaine et c’est pour cela que nous avons commencé à travailler avec l’association « Expressions de France », afin de plus encore ouvrir ces Prix à la diversité et à la jeunesse. Nos lauréats, des personnalités en tous points remarquables, ont été prévenus, ont parfaitement compris la situation et ont accepté avec beaucoup de bienveillance de recevoir leur prix à une date à définir ultérieurement.
Lesfrancais.press : On parle beaucoup de vous comme possible Présidente de l’Assemblée Parlementaire de l’OTAN. Vous pourriez être la candidate du PPE, et donc la favorite. Comment se fait le choix du candidat ? Comment envisagez-vous votre mandat si vous êtes élue ?
Joëlle Garriaud-Maylam : J’ai été effectivement sollicitée pour présenter ma candidature puisque la présidence va revenir, après celle de l’Américain Gerry Connolly, à un membre du groupe PPE (droite et centre-droit) et que je suis déjà vice-présidente de cette assemblée et surtout présidente élue du groupe PPE, le plus important de l’Assemblée. J’ai également exercé de très nombreuses responsabilités au sein de notre Assemblée dont je suis également un des rapporteurs généraux.
« J’ai été effectivement sollicitée pour présenter ma candidature«
Joëlle Garriaud-Maylam
Mais notre Assemblée regroupe des parlementaires de 30 pays (bientôt 32 avec l’adhésion à l’OTAN de la Finlande et de la Suède). Ce serait bien sûr une grande chance pour la France d’obtenir cette présidence (elle ne l’a exercée que 5 ans depuis la création de l’Assemblée en 1955) mais j’ai si souvent vu d’excellents candidats être battus (le mérite n’étant jamais un gage de succès) ou des parlementaires jouer contre les intérêts de leur propre pays que je me garderai bien de tout pronostic !
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