Refroidir sans casser

Refroidir sans casser

La hausse des taux directeurs est un remède de cheval pour empêcher les spirales inflationnistes. Elle vise à casser la transmission des augmentations des prix au sein du système économique en raréfiant la demande. Elle s’inscrit dans le processus de frugalité souhaité par les pouvoirs publics pour faire face aux éventuelles pénuries. Si l’augmentation des taux directeurs n’a pas d’effet sur le prix des produits importés, elle est censée dissuader les acteurs économiques de s’endetter pour consommer ou pour investir en rendant plus coûteux les crédits. L’objectif est de refroidir l’économie tout en évitant de la casser.

Le risque des relèvements des taux d’intérêt est de plonger l’économie en récession. Dans le passé, des relèvements importants ont conduit à des contractions du PIB. Ce fut ainsi le cas en France après le second choc pétrolier et en 1993.

Entre inflation et récession

Le gouvernement doit donc faire face à deux maux, l’inflation qui sape les fondations de l’économie en accentuant les tensions sociales, d’une part, et la récession, d’autre part. Du fait d’une accumulation impressionnante de crises, ces quinze dernières années, les pouvoirs publics craignent la réaction de l’opinion tant vis-à-vis de l’inflation que de la récession, jusqu’à mettre en œuvre des politiques économiques incohérentes. Les décisions de compenser les effets de l’inflation pour les ménages ont pour conséquence de préserver leur pouvoir d’achat et leurs capacités de consommation. Au lieu de se réduire, la demande se maintient sachant que, de leur côté, les entreprises subissent d’importantes augmentations de coûts de production et doivent faire face à des problèmes d’approvisionnement et de main d’œuvre.

Risque de sortie de route

Freiner par les taux d’un côté et soutenir par des subventions de l’autre peut provoquer un véritable tête à queue ou plutôt une sortie de route. Celle-ci pourrait provenir aussi de l’augmentation des dépenses publiques en lien avec les mesures de soutien qui alimentent une dette et un déficit déjà abyssaux. Compte tenu du poids de ces derniers, l’État ne peut guère supporter une hausse importante des taux d’intérêt qui mettrait en danger sa solvabilité, déjà mise à dure épreuve avec le ralentissement voire la disparition de la croissance.

Depuis la crise financière, les États pratiquent la fuite en avant en ayant recours à la monétisation de leurs dettes et en profitant de la baisse des taux. Ces deux outils sont aujourd’hui condamnés car ils sont des créateurs d’inflation.

La question du financement des déficits se pose donc. Jusqu’à maintenant, les banques centrales, les contribuables et les épargnants les ont pris à leur charge. Contrairement à une idée reçue, ce ne sont pas les générations futures qui devront les rembourser, les dettes des États étant perpétuelles, et seul le remboursement des intérêts étant inscrit dans les lois de finances.

La tentation de la taxe

La question de l’augmentation des impôts se posera donc à court ou à moyen terme. Face à cette éventualité, la tentation est de taxer plus lourdement les entreprises qui réalisent de confortables bénéfices en lien avec l’augmentation des prix de l’énergie et des matières premières.

Pour les tenants du libéralisme classique, la réalisation de larges profits n’est pas synonyme de vitalité économique mais la preuve d’une situation de rente préjudiciable aux consommateurs comme aux producteurs. Par ailleurs, toujours pour les économistes libéraux, des bénéfices importants amènent une mauvaise allocation des ressources. Les entreprises riches ne connaissant pas le prix de l’argent ont tendance à investir sans tenir compte de la rentabilité à long terme. Il vaut mieux dans ce cas qu’elles distribuent des dividendes, les actionnaires pouvant alors financer des projets rentables.

Certes, l’État pourrait tirer avantage de prélever une partie de la rente pour financer des investissements ou des dépenses courantes mais cela ne préserve en aucun cas du risque de gaspillage.

Développer la concurrence face aux positions de rente

L’autre moyen serait d’imposer un réel prix sur les émissions de carbone pour accélérer la transition énergétique. Cette méthode prônée par de nombreux experts bute à la fois sur son acceptabilité et sa faisabilité. L’autre moyen serait d’accroître la concurrence face au développement des positions de rentes qui apparaissent toujours durant les périodes de mutations et d’incertitudes. Or, en période de crise, les États ont tendance à renforcer la position des grandes entreprises, soit en les subventionnant, soit en les nationalisant, ce qui signifie par ricochet une augmentation des dépenses publiques.

Réduire la dette par l’érosion monétaire ?

Les politiques économiques des États occidentaux sont de plus en plus complexes, ayant recours à un grand nombre de curseurs dont les effets se croisent, voire se contredisent. En poursuivant ainsi plusieurs objectifs, les gouvernements prennent le risque de n’en atteindre aucun et de maintenir l’inflation à un niveau élevé, à moins que ce ne soit in fine le véritable objectif poursuivi afin de réduire le poids de la dette par érosion monétaire.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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