Réformes migratoires de D.Trump : quel impact sur les expatriés français ?

Réformes migratoires de D.Trump : quel impact sur les expatriés français ?

Le président Donald Trump, ayant officiellement entamé son second mandat le 20 janvier 2025, une date symbolique coïncidant avec le Martin Luther King Day, a rapidement lancé une série de réformes en matière d’immigration. Présentées comme une réponse à ce qu’il a qualifié de « crise migratoire » durant sa campagne, ces mesures touchent à la fois le contrôle des frontières et les régulations relatives aux visas temporaires et permanents. Bien que les Français représentent une minorité parmi les immigrants aux États-Unis, ces changements pourraient avoir un impact sur leur accès et leur séjour dans le pays.

Réformes clés : entre sécurité et restrictions

Dès les premiers jours de sa présidence, le président Donald Trump a donc proposé une réforme marquante du système de citoyenneté américaine. Celle-ci vise à limiter le jus soli (droit du sol) en faveur du jus sanguinis (droit du sang). Ce changement est justifié par l’administration comme une réponse à l’immigration clandestine et au « tourisme de naissance ». Elle alignerait les États-Unis sur des pays où la citoyenneté est davantage héritée par filiation que par lieu de naissance.

Le président Donald Trump signe des décrets dans le Bureau ovale de la Maison-Blanche le 20 janvier 2025 à Washington DC (Photo par Anna Moneymaker/Getty Images)
Le président Donald Trump signe des décrets dans le Bureau ovale de la Maison-Blanche le 20 janvier 2025 à Washington DC (Photo par Anna Moneymaker/Getty Images)

D’ores et déjà, la réforme a suscité des débats sur ses implications constitutionnelles. Notamment en lien avec le 14ᵉ amendement, garantissant la citoyenneté à toute personne née sur le sol américain. Ainsi, la réforme proposée par Trump pourrait marquer un tournant historique pour les États-Unis. Avec des implications tant politiques que sociétales, rappelant les débats similaires qu’ont traversés d’autres nations.  À l’instar de la France dans les années 1990, avec la réforme du droit du sol et l’accès automatique sous certains critères à la citoyenneté française pour les enfants nés en France de parents étrangers. Ce débat reste d’actualité en France. Notamment dans les départements et régions d’outre-mer comme Mayotte, où l’Assemblée nationale est en plein débat sur une réforme du droit du sol.

« La réforme de Donald Trump cherche à durcir les conditions d’accès à la citoyenneté américaine. »

Parmi les mesures annoncées, la réforme cherche à durcir les conditions d’accès à la citoyenneté américaine. L’administration a proposé de prolonger la période de résidence requise avant de pouvoir demander la naturalisation. Cette dernière étant actuellement fixée à cinq ans (trois ans pour les conjoints de citoyens américains). Par ailleurs, des exigences accrues en matière de maîtrise de l’anglais et de connaissances civiques figurent également parmi les points évoqués, avec l’introduction prévue d’un test plus complet et d’un niveau linguistique avancé.

Autre point visé par ce changement, la réforme propose également de revoir les conditions d’accès à la résidence permanente (green card) et à la naturalisation pour les bénéficiaires de certains statuts temporaires, notamment ceux des visas humanitaires tels que les visas U, T et TPS. Ces visas, conçus pour protéger des populations vulnérables, visent des personnes confrontées à des situations spécifiques. Par exemple, le visa U est destiné aux victimes de crimes coopérant avec les autorités. Le visa T protège les survivants de la traite humaine. Quant au TPS, il offre un statut temporaire aux ressortissants de pays touchés par des catastrophes naturelles ou des conflits armés.

« Les résidents qui passent plus de six mois consécutifs hors des États-Unis pourraient voir leur statut réévalué. »

Les bénéficiaires de ces statuts pourraient faire face à des critères plus stricts pour accéder à la naturalisation, notamment en matière de preuves de résidence et d’intégration. L’administration met également l’accent sur un examen approfondi des antécédents des demandeurs. Elle exige l’absence de tout historique criminel ou de comportement considéré comme « incompatible » avec les valeurs américaines.

Qu’en est-il des détenteurs de Green Card ?

Les détenteurs de carte verte, ou résidents permanents légaux, sont relativement protégés par rapport aux nouvelles réformes. Toutefois, des restrictions accrues concernant les absences prolongées du territoire américain ont été introduites. Les résidents qui passent plus de six mois consécutifs hors des États-Unis pourraient voir leur statut réévalué, sauf s’ils disposent d’une autorisation préalable (re-entry permit). De plus, les candidats à la naturalisation pourraient faire l’objet d’un examen approfondi de leur historique migratoire et fiscal.

La loterie pour la carte verte / green card sera-t-elle maintenue ?

Pour l’heure, la loterie pour la carte verte (Green Card)  demeure une porte d’entrée vers le rêve américain pour des millions de candidats, y compris un petit nombre de Français.

Le Diversity Visa Program, connu sous le nom de loterie pour la carte verte, attribue chaque année 55 000 visas de résidence permanente à des ressortissants de pays sous-représentés dans les flux migratoires vers les États-Unis.

Green Card (Crédit photo Getty Images)
Green Card (Crédit photo Getty Images)

Avec plus de 20 millions de candidats chaque année, le taux de réussite est extrêmement faible, avoisinant 0,25 %. En 2023, 209 Français ont été sélectionnés, confirmant leur place minoritaire mais significative parmi les bénéficiaires.

Ce programme, conçu pour promouvoir la diversité au sein des nouveaux résidents permanents, est au cœur de débats politiques récurrents. Lors de son premier mandat, le président Trump avait proposé sa suppression, estimant qu’il ne correspondait pas aux priorités de sécurité nationale et qu’il ne garantissait pas un niveau de qualification adéquat pour les bénéficiaires.

Bien que ces propositions n’aient pas été mises en œuvre, l’avenir de la loterie reste incertain sous sa nouvelle administration. Les défenseurs de celle-ci soulignent son rôle dans la diversification des flux migratoires. Mais également son impact positif sur les opportunités offertes à des candidats issus de pays sans liens migratoires significatifs avec les États-Unis. Cependant, les critiques jugent ce système inefficace et vulnérable à des abus potentiels.

Le soutien d'Elon Musk au programme H1-B

Le visa H1-B, très populaire parmi les ingénieurs et informaticiens, est une autre catégorie concernée par les débats sur l’immigration. Ce visa de trois ans, renouvelable une fois, permet aux entreprises américaines de recruter des talents étrangers hautement qualifiés. De plus, avec 1 062 détenteurs français, le programme reste un pilier pour l’industrie technologique américaine.

« La compétitivité des États-Unis dépend de sa capacité à recruter les professionnels les plus brillants, indépendamment de leur nationalité. »

Malgré les efforts de l’administration Trump pour imposer des seuils salariaux plus élevés et limiter les opportunités d’embauche, certaines figures influentes, comme Elon Musk, ont exprimé leur soutien au programme H1-B. En tant que PDG de Tesla et SpaceX, Musk a défendu l’importance de ce visa pour attirer les meilleurs talents mondiaux. Il a même prôné le fait que la compétitivité des États-Unis dépend de sa capacité à recruter les professionnels les plus brillants, indépendamment de leur nationalité. Sous l’administration Trump, Elon Musk est intégré au Conseil consultatif présidentiel sur les affaires et l’emploi.

Elon Musk (Crédit photo Getty Image)
Elon Musk (Crédit photo Getty Image)

Bien qu’il ait été en désaccord avec certaines politiques de Trump, notamment sur le climat, Elon Musk a plaidé pour le maintien du programme H1-B, affirmant qu’il était crucial pour l’innovation technologique et la croissance économique. Il a souvent souligné que les restrictions excessives risqueraient de déplacer les talents et les investissements vers d’autres pays plus accueillants.

Les visas utilisés par les expatriés français aux États-Unis

De nombreux Français vivant ou travaillant temporairement aux États-Unis disposent d’une variété de visas adaptés à leur situation :

  • H1-B : Très populaire parmi les ingénieurs et informaticiens, ce visa de trois ans, renouvelable une fois, est souvent un tremplin vers la Green Card, certaines entreprises proposent d’ailleurs un parrainage en fin de validité.
  • L-1 : Ce visa s’adresse aux cadres dans le cadre de transferts intra-entreprises. Il est valable pour une durée cumulée de sept ans pour les cadres supérieurs.
  • J-1 : Utilisé principalement pour des échanges académiques, au pair, stages et formations professionnels, sa durée varie de quelques mois à cinq ans. Une clause peut exiger un retour en France pendant deux ans avant de pouvoir postuler à un autre visa.
  • B-1 : Destiné aux séjours temporaires pour affaires (réunions, conférences, négociations), ce visa est valide pour six mois, avec une prolongation possible jusqu’à un an dans des cas exceptionnels.
Visa (Crédit photo Getty Images)
Visa (Crédit photo Getty Images)
  • E-1 : Conçu pour les commerçants issus de pays ayant signé un traité de commerce avec les États-Unis, ce visa est renouvelable indéfiniment tant que les échanges commerciaux substantiels se poursuivent.
  • E-2 : Particulièrement prisé par les entrepreneurs, il nécessite un investissement substantiel et une gestion active de l’entreprise. Flexible et renouvelable indéfiniment, il est adapté au développement d’activités commerciales aux États-Unis.
  • EB-5 : Destiné aux investisseurs engageant un minimum de 1 050 000 $, ou 800 000 $ dans des zones ciblées pour l’emploi (TEA), et créant au moins 10 emplois à temps plein, ce visa offre une voie vers la résidence permanente.
  • F-1 : Délivré aux étudiants inscrits dans des établissements américains accrédités, ce visa est valide pour la durée du programme d’études, avec une période de grâce de 60 jours après la fin. Il offre également des opportunités de travail temporaire, comme le programme OPT (Optional Practical Training), permettant de travailler jusqu’à 12 mois après l’obtention du diplôme, avec une extension possible pour les filières STEM.
  • O-1 : Ce visa s’adresse aux individus démontrant des « capacités extraordinaires » dans les domaines des sciences, arts, éducation, affaires ou sports, ou ayant des réalisations exceptionnelles dans le cinéma ou la télévision. Il est initialement valide pour une durée maximale de trois ans et peut être prolongé par tranches d’un an selon les besoins du projet ou de l’emploi.
  • K-1 : Accordé aux fiancés étrangers de citoyens américains, ce visa est valide pour 90 jours, période durant laquelle le mariage doit être célébré aux États-Unis. Une fois marié, le bénéficiaire peut demander une Green Card pour obtenir la résidence permanente.
  • Q-1 : Peu connu mais relativement accessible, ce visa pour les échanges culturels dans des programmes sponsorisés est limité à une durée de 15 mois, non renouvelable.

Que faire si votre visa expire ou si vous devenez illégal aux États-Unis ?

Pour les détenteurs de visas temporaires dont la date d’expiration approche, plusieurs recours existent :

Demande de renouvellement ou d’extension : Les visas comme le H1-B ou le J-1 peuvent être prolongés sous certaines conditions. Il est crucial de soumettre la demande bien avant la date d’expiration afin d’éviter une situation d’illégalité.

« Les nouvelles mesures pourraient compliquer les démarches des Français souhaitant s’installer ou travailler aux États-Unis. Toutefois, des opportunités existent toujours. »

Changement de statut : Certains visas permettent de demander un changement de statut vers une autre catégorie (par exemple, passer d’un visa J-1 à un H1-B). Il est également possible de postuler à un visa F1 pour étudiant, bien que ce dernier ne donne pas accès à un permis de travail, sauf dans le cadre d’un programme OPT. Une autre option pourrait être le visa U1, destiné aux victimes de certains crimes. Cependant, en raison de la limite annuelle de 10 000 visas U1, les demandeurs peuvent se retrouver sur liste d’attente pendant une durée pouvant atteindre cinq ans. Tout changement de statut nécessite une approbation de l’USCIS (United States Citizenship and Immigration Services). Durant l’attente de l’approbation de l’USCIS, il est interdit de quitter les États-Unis sans une autorisation de voyage préalable. Partir sans cette autorisation pourrait compromettre l’obtention du nouveau statut ou visa.

Départ volontaire : Si aucune solution n’est trouvée, quitter les États-Unis volontairement avant de devenir illégal peut éviter des interdictions de réentrées prolongées. En cas de séjour illégal, les conséquences peuvent inclure des interdictions de retour de trois à dix ans, selon la durée du séjour irrégulier. Cependant, des recours existent, notamment par le biais de demandes de régularisation, qui sont souvent longues et complexes.

Avocats français et francophones spécialisés en immigration aux États-Unis

Il est fortement recommandé de faire appel à un avocat ou à une organisation spécialisée en immigration. Cela permettrait de maximiser les chances de succès d’une demande ou pour résoudre une situation complexe. Ces professionnels offrent une expertise précieuse pour naviguer dans les complexités du système migratoire américain et proposer des solutions adaptées à chaque situation.

« Les consulats généraux de France aux Etats-Unis mettent à disposition une liste d’avocats francophones spécialisés. »

Pour les Français et francophones à la recherche de conseils juridiques en matière d’immigration, voici une liste – non exhaustive – d’avocats spécialisés offrant leurs services en français :

De plus, les consulats généraux de France aux Etats-Unis mettent à disposition une liste d’avocats francophones spécialisés. Non seulement en immigration, mais également dans d’autres aspects juridiques. Le but étant d’accompagner les ressortissants français dans leurs démarches. Cette liste est disponible sur les sites des consulats.

Ainsi, les nouvelles réformes migratoires de l’administration Trump en 2025 s’inscrivent dans une volonté de refondre le système d’immigration américain. Cela implique de renforcer les contrôles et de durcir les conditions d’accès à la citoyenneté et à la résidence permanente. Si ces mesures visent à répondre à des préoccupations nationales, elles pourraient compliquer les démarches des Français souhaitant s’installer ou travailler aux États-Unis. Toutefois, des opportunités existent toujours, notamment via des visas adaptés à divers profils professionnels, éducatifs ou entrepreneuriaux.

C’est pourquoi, afin de naviguer au mieux dans ce contexte en constante évolution, il est essentiel de bien s’informer, de planifier ses démarches avec soin. Et, au besoin, de solliciter des conseils juridiques spécialisés. Malgré les défis, ces réformes ne remettent pas en question l’attractivité des États-Unis pour ceux qui aspirent à y construire un avenir.

Auteur/Autrice

  • Mariam Rubalcava

    Mariam Rubalcava est originaire de Paris et a vécu à Londres et à Dublin avant de s’installer dans la région de San Francisco. Elle est cheffe de projet en cybersécurité chez BlackBerry et membre du conseil d’administration de l’Alliance Française de la Silicon Valley.

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