Réforme du médicament : 2025, la sortie de l’impasse ?

Réforme du médicament : 2025, la sortie de l’impasse ?

Alors que le processus législatif de la réforme européenne du médicament suit son cours, Euractiv revient sur les avancées notables de 2024, les perspectives attendues pour 2025, sans oublier la question épineuse des « mesures d’incitation ».

Présenté pour la première fois en avril 2023, le « paquet pharmaceutique » est une révision en profondeur de la législation européenne sur les médicaments (une directive et un règlement), afin de les rendre plus abordables et plus accessibles.

Cette refonte a nécessité la création de « groupes » de mesures, afin de la rendre plus digeste. Jusqu’à présent, les négociations concernant le groupe des « mesures d’incitation » se sont avérées les plus difficiles.

Le Conseil est en effet divisé sur ces mesures d’incitation, notamment la Pologne et le Danemark, qui assureront respectivement la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne (UE) à partir du 1er janvier et du 1er juin.

La proposition de la Commission réduit la période de protection des données réglementaires (PDR) de huit à six ans.

La PDR est un moyen de compenser les entreprises pharmaceutiques pour les coûts élevés d’autorisation, en particulier les essais cliniques. Cependant, les entreprises peuvent obtenir des prolongations de la PDR si elles rendent les médicaments disponibles dans les 27 États membres de l’UE ou atteignent d’autres objectifs, comme le développement de médicaments répondant à des besoins médicaux non satisfaits.

Un diplomate a décrit l’approche axée sur les « mesures d’incitation » comme le pilier de la réforme européenne du médicament, arguant les possibilités d’aplanir les inégalités entre les Vingt-Sept et d’unifier le marché pharmaceutique européen.

Actuellement, les entreprises pharmaceutiques ont tendance à se concentrer sur l’obtention d’autorisations de mise sur les marchés dans les pays les plus grands et les plus riches. Certains médicaments se sont donc toujours pas disponibles dans les pays les plus petits et les moins développés.

Le marché pharmaceutique de l’UE étant très fragmenté, les entreprises du secteur doivent négocier des accords de remboursement et de tarification avec chaque État — un problème soulevé dans le rapport de l’ancien Premier ministre italien Mario Draghi.

Réduire les coûts ou promouvoir l’innovation ?

Les deux grandes associations professionnelles du secteur, la Fédération européenne des associations et industries pharmaceutiques (EFPIA), qui représente les plus grandes entreprises pharmaceutiques européennes, et Medicines for Europe, qui regroupe les fabricants de génériques et de biosimilaires défendent également des points de vue différents.

L’EFPIA considère la mise en place de nouvelles règles comme une attaque contre le secteur pharmaceutique européen. Medicines for Europe les voit comme une occasion de réduire les dépenses de certains systèmes de santé en difficulté et d’aider la diffusion des médicaments génériques et biosimilaires.

C’est ici que réside de fait le nœud du problème : si l’octroi d’une protection étendue peut contribuer à promouvoir l’innovation et la compétitivité de l’Europe, l’impact de la législation sera tout de même inégal au sein de l’UE et aura des conséquences financières.

Les produits pharmaceutiques représentent environ 20 % des dépenses de santé au sein de l’UE. Pour les États les moins prospères, rarement dotés des secteurs pharmaceutiques les plus avancés, des médicaments génériques moins chers permettent de réduire les coûts des soins et peuvent s’avérer plus utiles pour les fabricants nationaux.

À titre de comparaison, l’économiste en chef de la Danske Bank, Las Olsen, a déclaré à Euractiv que « l’industrie pharmaceutique a représenté environ la moitié de la croissance totale du Danemark l’année dernière ».

Il estime que Novo Nordisk, le producteur d’Ozempic — un médicament pour traiter le diabète, également utile pour combattre l’obésité —, représentait 1,5 % du PIB danois en 2024.

Le Danemark, ainsi que la Suède, la France, l’Allemagne et l’Italie, sont les principaux opposants à la modification du statu quo. La Pologne, qui présidera les discussions au cours des six prochains mois, est d’un avis différent.

Perspectives polonaises

« Certains pays accordent la priorité à la compétitivité et au maintien de la position privilégiée des entreprises qui développent des médicaments innovants. D’autres — et c’est la majorité — se concentrent sur l’accès de leurs citoyens à des médicaments abordables », a expliqué la ministre polonaise de la Santé, Izabela Leszczyna.

« Nous visons un consensus, en comblant le fossé entre les parties opposées avec détermination et diplomatie », a-t-elle ajouté.

Les produits pharmaceutiques représentent environ 20 % des dépenses de santé dans l’UE. Pour les États membres les plus pauvres, qui ne disposent souvent pas des secteurs pharmaceutiques les plus avancés, des génériques moins chers permettent de réduire les coûts des soins de santé et peuvent s’avérer plus utiles pour les fabricants nationaux. ©EU/ Ference Isza
Les produits pharmaceutiques représentent environ 20 % des dépenses de santé dans l’UE. Pour les États membres les plus pauvres, qui ne disposent souvent pas des secteurs pharmaceutiques les plus avancés, des génériques moins chers permettent de réduire les coûts des soins de santé et peuvent s’avérer plus utiles pour les fabricants nationaux. ©EU/ Ference Isza

En effet, les deux camps ont les mêmes objectifs : promouvoir l’innovation et la compétitivité et garantir l’accès et le caractère abordable des médicaments.

Bien que le « paquet pharmaceutique » soit resté bloqué au Conseil en 2024, des initiatives ont vu le jour pour tenter de résoudre les divergences.

Les progrès de 2024

La Belgique, qui a assuré la présidence du Conseil de l’UE lors de la première moitié de l’année 2024, a mis l’accent sur les pénuries de médicaments en inaugurant la Critical Medicals Alliance, précurseur d’un texte législatif attendu pour le début de l’année 2025.

En ce qui concerne le débat sur les mesures d’incitation propres à la réforme européenne du médicament, la Belgique a orienté les discussions sur les objectifs plutôt que sur les délais.

Avant les élections de juin, le Parlement européen a adopté sa position sur la réforme en première lecture : les mesures d’incitation, la protection des données règlementaires (PDR) de sept ans et demi et les deux ans de protection du marché, ont obtenu le soutien de tous les partis, ce qui a ramené le curseur vers la position actuelle.

Au cours de ses six mois de présidence, la Hongrie s’est démenée pour parvenir à un compromis sur cette question complexe, et, bien qu’un texte ait été amendé à plusieurs reprises, aucun accord n’a pour l’heure été conclu.

Le compromis proposé par les Hongrois combine une période de PDR de sept ans, à laquelle s’ajoute une année supplémentaire si le médicament répond à un besoin non satisfait.

Plutôt que d’étendre à l’ensemble des 27 États la période d’exclusivité commerciale dont bénéficie un laboratoire pharmaceutique qui demande l’accès à son médicament, la Hongrie propose une « obligation » plus faible, en vertu de laquelle la protection du marché pourrait être supprimée pour un médicament si un laboratoire pharmaceutique n’a pas déposé de demande d’autorisation dans un délai de quatre à cinq ans.

Cette proposition est plus proche du point de vue du secteur pharmaceutique, mais certains estiment qu’elle ne va pas encore assez loin.

L’impasse a encouragé certaines idées novatrices. Le ministre letton de la Santé, Hosams Abu Meri, a récemment reconnu, lors de la conférence annuelle de l’EFPIA, que les États membres pourraient faire davantage en simplifiant leurs propres procédures d’autorisation et a appelé à une plus grande harmonisation.

« La bureaucratie est le plus gros problème de l’UE », a-t-il critiqué.

D’autres États envisagent des solutions alternatives. Chypre appelle à davantage de marchés publics européens communs, ce qui permettrait d’améliorer l’accès et d’accélérer la disponibilité des médicaments grâce à la coopération.

La République tchèque, quant à elle, a proposé un compromis dans lequel la protection des données serait liée aux engagements d’établir une production au sein de l’UE.

2025 : une conclusion en vue ?

Toutes les parties devront cette année faire preuve de plus de créativité pour parvenir à un accord. Lors du dernier Conseil « Santé », la ministre danoise Sophie Løhde a exposé les deux priorités de son pays : « Améliorer l’accès aux médicaments pour tous les Européens et faire en sorte que l’Europe soit un marché attrayant pour notre industrie des sciences de la vie ».

La ministre a fait part de sa préoccupation quant à l’orientation actuelle des négociations, qui prévoient l’introduction de nouvelles obligations complexes : « Plus de paperasse n’améliorera pas l’accès ».

Selon elle, il est primordial de se concentrer sur des « solutions concrètes pour améliorer l’accès », citant la proposition chypriote.

Même si cela peut sembler contre-intuitif, le fait que ces camps apparemment opposés mènent les discussions peut contribuer in fine à débloquer la situation. Les acteurs en présence prennent conscience que d’autres modifications de la législation existante seront retardées sans une position commune sur les mesures d’incitation.

Le nouveau commissaire à la Santé, Olivér Várhelyi, a exhorté les ministres de la Santé des États membres à « faire preuve de souplesse et de volonté pour trouver des compromis ».

Il a rappelé que l’impasse actuelle bloquait dans le même temps des réformes et des simplifications indispensables au sein du « paquet pharmaceutique ». L’ambition de la réforme vise plus largement à rationaliser les processus et à adapter les règles à la numérisation, à l’intelligence artificielle, aux approches innovantes pour développer de nouveaux médicaments afin de lutter contre la résistance aux anti-microbiens, et aux mesures visant à lutter contre les pénuries de médicaments.

« La réforme des règles offre une réelle opportunité de mettre à jour le cadre réglementaire européen afin de favoriser la compétitivité et l’innovation dans l’industrie et d’apporter l’innovation aux patients à travers l’UE. C’est l’occasion de donner à l’UE un avantage concurrentiel », a déclaré le commissaire hongrois.

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