La présidente de l’Union française de l’électricité (UFE) revient sur les recommandations de la fédération en amont de la proposition de réforme du marché européen de l’électricité de la Commission européenne à venir le 14 mars prochain. Deux objectifs : faire baisser les prix de l’électricité et offrir de la visibilité aux développeurs d’énergies décarbonées.
En 2022, les prix très élevés de l’électricité consécutives du Covid-19, de la guerre en Ukraine et de la moindre disponibilité du parc électrique français, ont révélé les failles d’un système jusqu’à alors bien rôdé, celui du marché européen de l’électricité.
Pour le rendre plus résilient, la Commission européenne présentera une proposition de réforme le 14 mars prochain.
En amont, de nombreux acteurs du marché, décideurs, entreprises et ONG, ont présenté leurs recommandations dans le cadre de la consultation publique qui s’est clôturée le 13 février denier.
Parmi les plus attendues, celles de l’Union française de l’électricité (UFE) qui fédère plus de 500 entreprises du secteur de l’électricité français, producteurs, gestionnaires de réseaux, fournisseurs d’électricité ou de services d’efficacité énergétique.
Ainsi selon l’UFE, l’UE doit s’efforcer de proposer une réforme structurelle dès 2023, avec deux objectifs clés et interdépendants : « préserver les acquis du marché électrique européen » et «offrirplusdevisibilitéaux investisseurs et aux consommateurs sur les prix de l’électricité », avance la présidente de l’UFE, Mme Goubet-Milhaud, à EURACTIV France.
Contrats long terme pour le bas carbone
Le manque de visibilité n’est pas une nouveauté : « déjà lors des négociations sur le ‘Clean energy package’ comprenant des discussions sur les mécanismes de capacités, nous alertions sur l’absence de signaux prix de moyen et long terme pour les investisseurs dans les capacités d’électricité bas carbone, confie la présidente de l’UFE. Mais à l’époque, la Commission européenne ne voulait rien entendre ».
Adopté en 2019, le « Clean energy pakage » consolide les règles et objectifs de décarbonation de l’UE.
Depuis, la crise Covid-19 et la guerre en Ukraine ont poussé l’exécutif européen à accélérer ses objectifs de transition — le plan REPowerEU offre un nouveau cadre plus ambitieux.
Dans ses conclusions, l’UFE appelle donc à un élargissement de la « boite à outils » européenne pour améliorer la visibilité sur les marchés à terme, lever les freins aux contractualisations privées de plus long terme et développer des outils de régulation publique.
Les marchés à terme
D’abord, sur les échanges à terme qui permettent d’acheter ou de vendre une quantité d’électricité plusieurs années en amont de sa livraison effective, la fédération propose de créer une « cotation de produits de long terme », c’est-à-dire un cadre de contractualisation qui puisse s’étendre au-delà de quatre ans.
Aussi, l’UFE recommande que les gestionnaires de réseau de transport d’électricité puissent émettre des droits d’interconnexion à un horizon plus long terme que celui d’un an, actuellement en vigueur.
Cela doit s’accompagner d’une évolution des règles sur les appels de marge pour «éviterque les acteursne se retrouventen situation de défautde paiement», propose la fédération.
Les PPA
Concernant les contrats, l’UFE préconise la généralisation des contrats d’achat d’électricité (PPA) à « toutes les technologies bas carbone ».
Un PPA est un contrat conclu entre deux parties privées avec fixation de conditions de stabilité des prix d’achat d’électricité, avec un prix de référence qui diffère du prix du marché.
Or, si ce type de contrat existe déjà, « il n’est pas adapté à tout type de consommateur », souligne la présidente de l’UFE. La fédération propose donc que certains consommateurs puissent se réunir en «groupementsd’achats»pour contractualiser, notamment les plus « petits » consommateurs.
L’UFE préconise par ailleurs d’étendre la mise en place de fonds de garanties publiques pour couvrir les cas de défaillance d’une contrepartie au contrat afin que producteurs comme acheteurs puissent y accéder.
Néanmoins, Mme Goubet-Milhaud prévient : «lesPPAnesuffirontpaspour garantir l’atteinte des objectifs français de décarbonation et de renouvellement du mix électrique » contenus dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) qui sera réactualisée en 2023.
Les CfD
Par conséquent, l’UFE est « très favorable » à l’élargissement des « contrats pour différence » (CfD) à l’ensemble des énergies bas carbone, capacités et flexibilités incluses.
Le CfD est un contrat similaire à un PPA dans lequel une partie publique est co-contractante.
Ce mécanisme fournit des revenus aux États membres leur permettant de compenser ou atténuer l’impact des prix pour les consommateurs en redistribuant l’écart entre le prix de référence et les prix de marché.
Pour être complètement effectif, cela demande une modification de la directive électricité de 2019 avance l’UFE, afin que puissent être restitués à l’ensemble des consommateurs français (résidentiels, collectivités, entreprises et industries) les écarts entre le prix de référence du CfD et le prix du marché.
Partie intégrante du « Clean energy package », la directive sur le marché intérieur de l’électricité arrête, entre autres, les règles relatives aux interventions publiques dans la fixation des prix pour la fourniture d’électricité.
En outre, Mme Goubet Milhaud précise que « la normalisation de ces mécanismes permettrait de ne pas recourir à la taxation hors marché comme celle en place actuellement sur les rentes des centrales infra-marginales ».
Mécanismes de capacité
En parallèle, l’UFE avance qu’il serait souhaitable d’intégrer les mécanismes de capacité, comme celui en France, « structurellement […] dans le market design [avec] processus d’approbation simplifié et automatique sous réserve de respect de critères standards ».
Ces mécanismes permettent de sécuriser l’intermittence des renouvelables en modulant la consommation électrique en fonction des usages les plus essentiels grâce à des capacités d’effacements de consommation des gros producteurs et une amélioration des conditions d’échange d’électricité.
Marché de détail et fournisseurs
Des réflexions seulement sur le marché de gros ne seraient pas suffisantes pour réduire la facture des consommateurs, ménages et entreprises.
L’UFE appelle donc à un «cadrede couvertureamélioré»des fournisseurs pour que ces derniers « puissent démontrer leur robustesse face aux variations de prix du marché », relève Mme Goubet-Milhaud.
Cela pourrait passer par des obligations de trésorerie, voire des stress tests.
La présidente de l’UFE précise également que « les fournisseurs ne sont pas responsables de la crise des prix. Un certain nombreontaussi pris la crise de plein fouet».
Leur rôle essentiel, notamment pour la flexibilité, laisse dire à Mme Goubet-Milhaud que la liberté contractuelle doit être préservée. Elle avance même que pourraient être proposées des offres qui « récompensent les clients qui consommentmoins aux heures où le système esttendu ».
Dans le même ordre d’idée, la présidente de l’UFE rappelle « le besoin d’un cadre adapté au développement des flexibilités pour une optimiser le système électrique ».
Dès lors, « il s’agit bien d’une réforme structurelle, devant laquelle la Commission ne peut plus reculer », précise-t-elle.
Néanmoins, en raison des incertitudes sur les approvisionnement en énergies fossiles, sur la disponibilité du nucléaire, la variabilité de la production hydraulique et le retard sur le déploiement des EnR, « le passage des hivers prochains restera tendu », conclut-elle.