Réforme de l’AEFE : Les syndicats entre soulagement et critiques

Réforme de l’AEFE : Les syndicats entre soulagement et critiques

La réunion était très attendue. La directrice générale de la mondialisation (DGM), Anne Grillo, a donc présenté sa copie aux trois organisations représentatives des personnels de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE). Fruit de plus d’un mois de concertation au niveau des services de l’État et d’un travail de réflexion interne aux services de la DGM et de l’Agence, l’explication se voulait pédagogique mais aussi politique : l’AEFE n’échappera pas à la réforme. Si les syndicats craignaient des atteintes au statut et à la gouvernance des établissements, les pistes envisagées ont pu rassurer l’organisation majoritaire, la FSU, et, au contraire, réunir dans le scepticisme la CFDT et l’UNSA.

L’explication de la DGM pour répondre aux inquiétudes des personnels

Depuis l’été et un conseil d’administration exceptionnel à la mi juillet, les rumeurs et les inquiétudes allaient bon train dans les rangs des personnels. En salle des profs on entendait même parler régulièrement du scénario catastrophe qui voyait la « fin des EGD » (établissements à gestion directe), ces établissements à gestion directe qui sont le cœur historique du réseau de l’AEFE. Quand ce n’était pas le démantèlement d’une agence accusée d’une gestion hasardeuse par ses contempteurs.

Chacun, inquiet pour son emploi et pour l’avenir, se tournait naturellement vers des organisations syndicales qui n’avaient que peu d’informations à exploiter jusque-là. La direction de l’agence avait gardé secrètes les grandes lignes de la réforme. Il était donc nécessaire qu’un travail d’explication ait enfin lieu dans la perspective d’un conseil d’administration de l’Agence prévu le 27 novembre et qui décidera de premières mesures attendues.

Anne Grillo mise sur la transparence et la recherche d’adhésion des organisations :

Les contours de la réforme ont été méthodiquement dessinés par Anne Grillo devant les représentants des personnels. Trois heures d’échange. Et au final une volonté de transparence et de recherche d’adhésion aux grandes lignes de la réforme : Face à un risque de cessation de paiement et un système financièrement à bout de souffle la DGM a tout de suite écarté toute idée de statu quo.

Anne Grillo
Anne Grillo

Elle a, au contraire, voulu valoriser la capacité de l’agence et de son réseau à se réformer, à être en mouvement et à justifier de la bonne utilisation des derniers publics. L’objectif, entraîner les syndicats et faire face à tous les détracteurs de l’enseignement français à l’étranger. Et ceci afin d’éviter des mesures plus draconiennes.

L’objectif « cap 2030 » touché et bientôt coulé ?

Le mandat politique reçu par la DGM a pu rassurer les organisations syndicales : assurer la mission de scolarisation des enfants français à l’étranger. Tout comme la volonté de rééquilibrer un réseau qui a favorisé trop largement la montée en puissance des établissements partenaires ces dernières années. Ils devraient être mis financièrement à contribution pour leur faire davantage payer le service d’homologation. L’objectif Macron et le cap 2030 de doubler les effectifs dans les écoles françaises à l’étranger, semblent d’ores et déjà avoir du plomb dans l’aile. Même si personne à la DGM n’ose encore l’affirme.

Une batterie de mesures financières dont l’impact reste à mesurer :

Des mesures techniques et financières, qui auront potentiellement un grand impact sur le réseau, ont été mises sur la table. Elles ont suscité plus de commentaires et parfois des réserves de la part des syndicats mais elles ont le mérite d’être diversifiées et leur impact sera moins concentré sur une seule catégorie d’établissement. Les leçons du raté du mois de juin ont été tirées :

Il est envisagé ainsi :

  • L’augmentation de trois à quatre points de la Participation Financière Complémentaire (PFC) qui est une contribution versée par les établissements conventionnés à l’AEFE.
  • L’intégration des pensions civiles dans le taux d’établissement de la Participation à la Rémunération des Résidents et Détachés (PRRD) à la rentrée 2027 avec un impact probable sur les frais de scolarité.

Un rééquilibrage du réseau avec une réflexion sur le réseau en Europe et la fin possible des exceptions pour deux réseaux « atypiques », le réseau libanais, géré en grande partie par la Mission Laïque et le réseau nord-américain composé essentiellement d’établissements partenaires.

La DGM veut également valoriser les économies réalisées par l’Agence lors de son déménagement à Saint-Ouen et veut organiser une « chasse aux créances » puisque 20 millions d’euros pourraient être potentiellement récupérés auprès de mauvais payeurs ou pour la remontée de monnaies jusqu’ici non convertibles. Il s’agit d’amadouer Bercy et une direction du budget parfois suspicieuse vis à vis de l’agence. Un nouveau modèle de convention serait proposé à terme aux établissements. Avec la volonté à la fois de la rendre plus flexible et attractif. Mais la réforme ne se déploierait qu’après la rentrée 2026 seulement et de façon échelonnée.

La FSU entre soulagement et mobilisation

La FSU a publié rapidement un communiqué affichant un relatif satisfecit : « Les pistes de réforme en l’état ne visent pas directement les personnels ».« Toute remise en cause du statut des personnels, des détachements AEFE et du statut des EGD est pour l’heure écartée. Il faut mettre cela au crédit des personnels et de leur forte mobilisation en septembre et octobre »

« La politique actuelle met gravement en péril l’avenir du réseau AEFE »

Communiqué FSU

L’organisation majoritaire a pu rappeler les efforts faits ces dernières années et la suppression massive de postes de détachés (-600). « La politique actuelle met gravement en péril l’avenir du réseau AEFE, ses personnels, les familles et les ambitions éducatives et diplomatiques de la France à l’international. Une réaction urgente des autorités est indispensable pour préserver ce bien commun». La FSU voit dans la réforme l’occasion d’en finir avec la priorité Cap 2030.

Une consultation de façade pour la CFDT

Réaction nettement plus réservée au niveau de la CFDT qui a pu livrer son analyse à chaud. La CFDT s’oppose fermement à la refacturation des pensions civiles via la PRRD, mesure qui menace directement les établissements conventionnés. L’organisation syndicale n’a pas apprécié la méthode « au format totalement inadéquat ».

« Ce simple sondage ne correspond pas à l’ampleur des enjeux »

Communiquée de la CFDT

« Après trois mois d’attente, ce simple « sondage » ne correspond pas à l’ampleur des enjeux ». Frédéric Coste, son représentant, évoque pour le futur « la construction d’alternatives de financement équitable et une mobilisation maintenue pour défendre le service public éducatif contre une approche purement comptable ».

Le SE-UNSA s’inquiète de l’impact financier de la réforme sur les établissements :

Dans son communiqué, le SE-UNSA est également sceptique. « Les mesures financières envisagées, multiples, pénalisantes pour les personnels et les familles, créant des incertitudes sur les équilibres budgétaires des établissements, ont des contours encore beaucoup trop flous dans leur impact ».

« Les mesures financières envisagées, multiples, pénalisantes pour les personnels et les familles, créant des incertitudes »

Communiqué SE-UNSA

« Nous avons beaucoup de mal à croire que la politique dit de « carte des emplois », c’est à dire de suppressions sèches de postes de détachés, ne va pas se poursuivre ». L’UNSA s’inquiète aussi qu’une politique  de « moins disant social soit envisagée sans le dire». Elle serait bâtie sur l’exemple de ce qui s’est passé lors de  déconventionnements retentissants. L’organisation syndicale cite « la casse sociale » qui s’en était suivie et les retours forcés d’enseignants dans l’hexagone. L’exemple de Mexico agit ici comme un contre-modèle.

Un premier test explicatif réussi mais l’AEFE n’est pas encore tirée d’affaire

Si la directrice générale de la mondialisation et ses services ont globalement réussi ce premier test explicatif, l’essentiel reste maintenant à faire : Finaliser des propositions qui devront être validées par le politique avant d’être « scellées » à l’occasion du Conseil d’administration du 27 novembre.

Frédéric Costes (CFDT), Djamel Souiah et Patrick Soldat
Frédéric Costes (CFDT) - Djamel Souiah, secrétaire général du SE-UNSA - Patrick Soldat FSU

La route de la réforme est encore longue et semée d’embûches. L’organisation syndicale majoritaire, la FSU, semble ouverte à ce stade et c’est un fait notable. Mais les voix critiques pourraient s’exprimer plus nettement dans les semaines à venir. C’est paradoxalement les organisations a priori les plus réformistes qui ont pu apporter rapidement les premières réserves de fond. Chacun sent que l’AEFE est encore loin d’être tirée d’affaire. Car personne ne sait réellement qui paiera vraiment la facture.

Alors que les représentants des familles vont être reçus par la DGM cette semaine les risques de divisions entre la direction de l’agence, les personnels et les parents sont toujours possibles. La réforme vient de franchir une première étape importante vu du ministère. Les personnels, quant à eux, attendent pragmatiquement de connaître l’impact réel des changements sur leurs établissements et comptent bien voir leurs emplois épargnés. Des mobilisations sont à prévoir dans les semaines et les mois à venir si, comme le disent habituellement les syndicats, « le compte n’y était pas » et que la réforme se traduisait par une simple addition salée pour les familles et les personnels.

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