Racisme au Lycée Charles-de-Gaulle de Londres ?

Racisme au Lycée Charles-de-Gaulle de Londres ?

En cette semaine de fin d’année scolaire, une élève affirme avoir été victime d’insultes racistes répétées au Lycée Français Charles-de-Gaulle de Londres, symbole d’excellence académique.

Gabrielle, élève de terminale dans l’établissement en gestion directe de l’AEFE, située dans le South Kensington, dénonce, dans le journal de l’établissement, avoir été la cible, tout au long de sa scolarité, de stigmatisations liées à sa couleur de peau. Parmi les insultes, le mot « singe », aurait été répété au fil des années ainsi que d’autres termes dégradants.

L’adolescente décrit une culture scolaire toxique, où les blagues racistes circulaient librement sur les groupes WhatsApp de classe. Des élèves d’origines caucasiennes, écrit-elle, allaient jusqu’à solliciter la permission d’employer le mot commençant par “N” — une allusion transparente au terme “nègre” ou à son équivalent anglais ironisant et méprisant la portée symbolique de cette désignation qui renvoie aux pires heures de l’histoire humaine. Elle précise que certains élèves non noirs emploient cette insulte raciale « sans discernement, quand ils le souhaitent ».

« Le racisme et la xénophobie sont répandus à tous les niveaux. En réfléchissant à mon expérience personnelle, je réalise que j’ai toujours évolué dans un environnement scolaire où le racisme persiste »

Lycée Français CDG

Quand le racisme devient un quotidien banalisé

Plus inquiétant encore, Gabrielle affirme, dans les médias britanniques, que certains enseignants auraient eux aussi tenu des propos à caractère raciste ou xénophobe. Selon elle, des remarques telles que « roi de la jungle » ou « proche du singe » auraient été adressées à des élèves non blancs, contribuant à installer une culture insidieuse de racisme ordinaire au sein de l’établissement.

« Il pourrait y avoir une corrélation entre les commentaires grossiers des enseignants et le comportement des élèves. On observe désormais une tendance à faire des blagues désobligeantes sur ce qu’ils qualifient de sales Arabes ou d’immigrés noirs. »

Dans les différents articles relayés par la presse anglaise, elle indique que ces mots l’ont marqué durablement. Après sept années dans cet environnement toxique, Gabrielle confie avoir été profondément atteinte et avoir dû, pour continuer à avancer, apprendre à se protéger.

Lycée Français CDG à Londres
Lycée Français CDG à Londres

Un témoignage qui fait écho

Le récit de Gabrielle a résonné bien au-delà de son cercle immédiat, trouvant un écho puissant auprès d’autres élèves et parents d’élèves. La mère d’un enfant métis scolarisé au lycée rapporte que la prise de parole dans la presse britannique de Gabrielle a déclenché un débat intense au sein de la communauté scolaire. Plusieurs familles, notamment celles issues de minorités, envisagent de retirer leurs enfants, à cause du racisme au lycée qui sévit depuis des années.

Cette mère, qui témoigne sous le couvert de l’anonymat, pointe également du doigt une frange de la communauté scolaire, évoquant des parents « catholiques parisiens, plutôt conservateurs et de droite », convaincus, selon elle, qu’il y a « trop d’Arabes et d’immigrés en France ». Une vision qui, combinée à une inertie institutionnelle, nourrit le climat délétère dénoncé.

Elle déplore aussi ce qu’elle qualifie de « culture du silence » qui prévaut dans l’établissement, une forme de peur héritée du passé historique de la France, notamment de la période de l’Occupation. Cette crainte d’être stigmatisé comme « mouchard » dissuaderait beaucoup de dénoncer les faits, laissant ainsi perdurer une forme d’impunité qui alimente le racisme systémique.

À la suite de ce cri du cœur, les premiers échos institutionnels se sont fait entendre.

Prise de conscience de la communauté française

Cet épisode a eu le mérite de libérer la parole et fera surement évoluer les positions. Ainsi, selon leur communiqué publié, on apprend que “le Lycée Français Charles de Gaulle prend en considération avec la plus grande vigilance le témoignage publié récemment concernant des faits de racisme au sein de l’établissement. ». L’occasion pour l’établissement de rappeler son attachement aux valeurs de la République en indiquant dans son courrier qu’ « aucune forme de racisme, d’antisémitisme, de xénophobie ou de discrimination n’a sa place dans la communauté scolaire et l’établissement tient à exprimer son soutien à la famille concernée.”

Par ailleurs, le Collectif Indépendant des Parents du Lycée (CIPL), fraîchement créé, et qui représente la diversité des voix parentales sur des questions comme le racisme, salue le courage de Gabrielle et la transparence de la direction qui a permis la publication de son témoignage dans Rond-Point, le journal du lycée.

Mais les réactions sont allées au-delà du monde scolaire, comme Samy Ahmar, élu des Français de l’étranger, qui tenait à saluer le courage de la proviseure, Catherine Bellus, qui a autorisé la publication du reportage.

« Elle a pris la bonne décision et fait preuve d’un certain courage. Si cette jeune fille a ressenti le besoin de s’exprimer sur le racisme subi de la part de certains élèves, apparemment dans une relative impunité, il est essentiel qu’elle soit écoutée et que sa parole puisse en libérer d’autres. »

Lycée Français CDG de Londres
Lycée Français CDG de Londres

De son côté, Patricia Connell, élue du centre ralliée au groupe Ensemble ! (soutien d’Emmanuel Macron) apporte aussi son soutien à l’ « initiative, discrète mais déterminante » de la directrice du Lycée mais rappelle aussi sur une réalité qui pour elle est incontournable.

« Le racisme, les discriminations, l’intolérance existent. Ils traversent nos sociétés, nos écoles, nos lieux de vie. Les établissements français à l’étranger n’y échappent pas. Le témoignage de Gabrielle est un révélateur, qui nous oblige à regarder la réalité en face. »

Pour l’élue, ce témoignage révèle aussi et surtout « un déficit plus large d’écoute, d’empathie, de tolérance envers ceux qui sortent des normes attendues ». Un point où elle retrouve l’élu socialiste Samy Ahmar qui tient à saluer « le travail mené par le lycée, ainsi que d’autres établissements du réseau, sur les questions d’antiracisme depuis plusieurs années. »

En 2025, le Collectif Indépendant des Parents du Lycée nous pose une question en conclusion de son message en réaction au témoignage de Gabrielle .

« Que reste-t-il de la promesse d’égalité, quand des enfants noirs doivent apprendre à se taire pour survivre — dans un établissement censé incarner les valeurs de la République ? »

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2 Comments

    1. Un immense merci à notre star Gabrielle, élève au lycée Charles-De-Gaulle, à Madame Patricia Connell et à Monsieur Samy Ahmar.
      Merci à Madame Patricia et à toutes ces personnes qui défendent leurs frères et sœurs noirs, jaunes
      C’est tellement précieux de se sentir accepté et aimé par nos frères et soeurs blancs, que nous aimons profondément.
      Nous continuerons à dénoncer ceux qui nous rejettent, sans jamais les haïr, car nous leur ressemblons :
      nous sommes tous frères et sœurs, quelles que soient nos couleurs de peau — noire, blanche ou jaune. Love from Solange Solange Bony-Ouattara

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