Qui c’est le plus fort ? Make Trump Great Again! Tous se couchent devant sa grandeur. Le Congrès valide sa grande et belle loi budgétaire, la Cour suprême protège ses décrets, l’OTAN avalise son objectif de dépenses militaire de 5% du PIB, l’arsenal nucléaire iranien se volatilise, le Pakistan et Israël le proposent pour le Nobel de la paix, l’Union européenne se couche, seuls les mauvais esprits le croient mégalomane, alors qu’il est objectivement « fantastique ». À moins que, dans un monde où un quart de la population souffre de santé mentale, il soit préférable de ne pas contrarier un grand malade qui envoie deux sous-marins nucléaires vers la Russie parce que Medvedev l’a vexé. Sous ses dehors de simplet inculte et grossier, est-ce Trump qui trompe son monde, ou est-ce lui qui est trompé ? Poutine, Macron, Merz, Zelenski, Van der Leyen, Netanyahou, Xi Jinping et tant d’autres le mènent-ils en bateau par la flatterie ? Au jeu du trompe-couillon, qui « Trump » qui ?
La force et l’argent, ce langage universel que comprend tout un chacun, sauf les Européens
Au départ une stratégie : Finir les guerres inutiles, former un front contre la Chine, taxer les « alliés » d’une juste contribution à la défense, rétablir l’économie américaine par des baisses d’impôts et des dépenses. La tactique : en soldant l’Ukraine, conclure un accord de partenariat avec les Russes, placer les Européens en situation de dépendance, dépasser les conflits au Moyen-Orient par un Business Plan de la Turquie à l’Arabie en passant par Israël. Le monde sous l’égide américaine, la Chine sera cantonnée. L’Amérique, débarrassée de ses clochards immigrés, des pays qui vivent à ses crochets, sera grande à nouveau. Par la force et l’argent, ce langage universel que comprend tout un chacun, sauf les Européens, parce qu’ils sont wokistes, vieux, dépassés par l’histoire.
La grande Amérique de Trump n’est pas plus puérile que le « rêve chinois » ou la « mission sacrée » russe. Elle est simpliste, simplement incohérente. Le meilleur moyen de fédérer autour des États-Unis contre la Chine est-il de maltraiter ses alliés ? Peut-on renforcer l’économie par le protectionnisme, les déficits, la dévaluation du dollar ? L’Amérique peut-elle être grande si elle est seule ?
Le « bel accord commercial » avec l’Union Européenne, qui désole tant les Français (dont la culture économique se traduit dans l’état des finances publiques), est-ce vraiment une victoire ? Est-ce seulement un accord ? Un gentleman agreement sans gentleman.
Aucun accord : Un droit de douane est un impôt payé par le consommateur, pas par l’exportateur. Certes, les prix des produits exportés augmentent avec les taxes. Le consommateur, sensible au prix, en achètera moins. 15% pour l’Union européenne, c’est la variation du cours du dollar depuis l’élection de Trump (-13%). Ce n’est pas rien, ce n’est pas la fin du commerce transatlantique.
Il eut été stupide, sous prétexte que Trump se trompe, de l’imiter.
Quel succès de racketter les électeurs américains ! Le protectionnisme appauvrit d’abord celui qui met des barrières douanières. Taxer 100% une chemise étrangère doublera son prix. Le consommateur en achètera une au lieu de deux. Le fabricant local, qui n’était pas compétitif, le devient. Ce qui revient à taxer l’économie locale pour protéger un fabricant non compétitif, au détriment des consommateurs et des secteurs compétitifs. Aider les canards boiteux au détriment des entreprises performantes, le tout sur le dos des contribuables, est-ce efficace ? Là encore, les gouvernements français le font souvent, avec le succès que l’on connaît.
Voilà pourquoi il eut été stupide, sous prétexte que Trump se trompe, de l’imiter. Si votre voisin crache en l’air, inutile de l’imiter. Ne pas se mettre dans le sens du vent. Taxer les produits américains en représailles revient à taxer les Européens. Voilà pourquoi la classe politique française se rassemble dans cette stratégie cocoriquesque, elle résout tout problème par une taxe.
Dans cette toute petite planète, il n’est pas un produit qui soit « national ». Même le cidre normand a besoin d’engrais, de verre, de machines agricoles. Et la pomme d’Apple, mondiale, a dû payer 800 millions de taxes douanières de plus que l’an passé. Freiner les champions, est-ce une idée prometteuse ? Est-ce un moyen de rapatrier des usines ? Si Apple construisait aux États-Unis, Samsung et Huaweï n’en ferait qu’une bouchée.
Une victoire de façade, évitant une guerre commerciale stupide, faisant des promesses vides de sens.
Ursula a offert à Donald une victoire de façade, évitant une guerre commerciale stupide, faisant des promesses vides de sens. Acheter du gaz américain ? Ce n’est pas pire que de l’acheter aux Russes ou au Qatar. D’autant que ce n’est pas l’UE qui achète. Pas plus qu’elle n’exporte ou importe, investit aux États-Unis ou en Chine : ce sont des entreprises qui vendent, achètent, assemblent, investissent ici ou là. Ursula aligne les milliards de sa bonne volonté, ce n’est pas elle qui en décide.
Nombreux sont les matamores qui auraient aimé, comme Trump, jouer au fort en gueule. Amusant de voir combien les antieuropéens auraient aimé voir « L’Europe forte ». Trump a réussi à faire comprendre aux Européens que les États-Unis n’étaient pas un allié sûr. Même le Royaume-Uni s’est rapproché de la France et de l’Allemagne. Trump construit l’Europe mieux que les Européens. Merci.
Netanyahou et Trump sont les grands responsables de la reconnaissance de l’État palestinien
« Ce que dit Macron n’a pas d’importance », s’amuse-t-il. Sauf pour ses deux plus proches alliés, Canada et Royaume-Uni suivent la France et ignorent ses menaces. La déclaration de New York franco-saoudienne n’est peut-être pas une bonne idée, elle a été suivie par une centaine de pays. Netanyahou et Trump sont les grands responsables de la reconnaissance de l’État palestinien par des pays comme la France, le Canada et le Royaume-Uni. Le Hamas lâché par la Ligue arabe, le temps des reconnaissances réciproques était possible. Sans perspective de paix en Cisjordanie et à Gaza, quelle solution ? Une Riviera? Le « Grand Israël », avec une majorité palestinienne ? Des bombes, toujours des bombes ? Israël se crée des armées d’ennemis, les antisémites exultent. Israël n’a jamais été aussi isolé, divisé, meurtri.
Touché deux fois au cœur, par le pogrom du 7 octobre, par les massacres commis en son nom. Une victoire, la famine ? Protéger Israël obligeait à protéger Gaza. La paix ne peut ignorer les Palestiniens, les Druzes, les Chrétiens ou les Libanais. Si l’on veut éradiquer les mouvements terroristes, alors il faut donner une chance à d’autres.
Même l’opération réussie du bombardement des sites nucléaires iraniens a été gâchée.
Les bombes ne résolvent rien. Même l’opération réussie du bombardement des sites nucléaires iraniens a été gâchée. Il aurait fallu utiliser immédiatement les Européens pour arrêter le programme nucléaire iranien. C’est à cela que servent les alliés, si on ne les méprise pas. Quelle que soit l’ampleur des destructions, le savoir acquis ne disparaît sous les bombes. Ce qui a été détruit sera reconstruit. Les Ayatollahs prennent leur temps, renforcent le régime par les pendaisons, alors qu’il fallait le miner de l’intérieur, le faire douter. C’était l’espoir des Israéliens, qui se sont appuyés sur des opposants. Désormais les oppositions sont laissées pour compte. À l’heure de la guerre hybride, voilà de bien piètres guerriers.
Cet abandon reste modeste par rapport à celui de l’Ukraine. L’amourette de Trump pour Poutine a conduit aux plus grands bombardements, au plus grand nombre de morts, et, là encore, à des vagues d’emprisonnements.
Le seul succès de Trump en politique étrangère: reconnaître son erreur avec Poutine.
Le seul succès de Trump en politique étrangère devient celui-là: reconnaître son erreur avec Poutine après avoir, un temps, trahi, démontrant au monde entier que personne ne pouvait compter sur l’Amérique. Xi Jinping sourit. Heureusement qu’il est, lui aussi, empêtré dans sa mégalomanie et sa paranoïa.
L’histoire ne se fait pas à coups de génie, plutôt à coups d’erreurs. Se croire plus fort – ou plus faible – qu’on ne l’est, revient à se tromper soi-même, la pire des erreurs. La France, l’Allemagne, – l’Europe- sont attirées, par le vide, au centre du jeu mondial. A condition de ne pas se tromper ni d’époque, ni de match.
Laurent Dominati
a. Ambassadeur de France
a. Député de Paris
Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press et de l’app bancaire des Français de l’étranger France Pay
Auteur/Autrice
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Député de Paris de 1993 à 2002, Ambassadeur au Honduras de 2007 à 2010, puis au Conseil de l'Europe de 2010 à 2013, il a fondé le media lesfrancais.press dont il est le Président.
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