Quel avenir pour l’Afrique ?

Quel avenir pour l’Afrique ?

L’Afrique devrait devenir, d’ici la fin du siècle, le continent le plus peuplé avec plus de 4,5 milliards d’habitants contre 1,3 milliard en 2018. En 2050, la population africaine représentera plus du quart de la population mondiale; en 2100, ce sera 40 %.

Ainsi, en un siècle, l’Afrique quadruplera son poids démographique quand le reste de la population mondiale ne connaîtra qu’une croissance de 50%. Les pays africains seront les derniers à enregistrer une forte augmentation du nombre de leurs habitants. En effet, d’ici 2100, la Chine devrait enregistrer un recul démographique de 26 %. L’Inde ne devrait s’accroître que de 15 %. Au sein des pays occidentaux, seuls les États-Unis et le Royaume-Uni devraient connaître une croissance substantielle de leur population (respectivement +38 % et 23 %). Celle de l’Allemagne devrait être en baisse de 14 % tout comme celle de la Russie. Pour le Japon, la contraction serait de 33 %. La population française pourrait, en revanche, augmenter d’ici 2100 de 11 %. L’Europe devrait voir baisser sa population de 4 %.

Sans l’Afrique, la population mondiale serait amenée à stagner de maintenant jusqu’à la fin du siècle.

Du sous-peuplement à une croissance démographique exponentielle

L’Afrique a été longtemps un continent sous-peuplé. Sa population a stagné au cours du XIXe siècle, autour de 110 millions quand celle de l’Europe est passé de 195 à plus de 420 millions. La stagnation de la population africaine s’explique en partie par la traite des noirs qui a concerné 10 millions de personnes. En privant le continent de nombreux jeunes dans la force de l’âge, la traite a joué un rôle non négligeable dans l’évolution démographique de l’Afrique durant plusieurs décennies.

Dans les prochaines décennies, de nouvelles puissances démographiques apparaîtront. Le Nigéria devrait ainsi compter en 2100 près de 800 millions d’habitants, La République Démocratique du Congo, près de 400 millions. De son côté, la population de la Tanzanie s’élèverait à 300 millions, celle de l’Ouganda à 215 millions et celle du Niger à 190 millions. Cette progression exponentielle de la population ne doit pas masquer le fait que jusqu’à maintenant le continent africain était sous-peuplé. La densité est faible, 41,2 habitants par kilomètre carré soit moins que la moyenne mondiale (57,4). Elle est très nettement inférieure à la densité chinoise (147) ou celle de l’Inde (445). En 2100, la densité de l’Afrique ne sera que de 152.

Pour certains économistes, la faible densité de population, ajoutée aux problèmes de transports en raison de la difficulté de traverser le Sahara, expliquent le retard de développement de l’ensemble du continent. Par ailleurs, l’éloignement à la mer et des routes marchandes ancestrales sont des facteurs à prendre en compte.

La croissance démographique africaine repose sur la vitalité de la fécondité dont le taux est de 4,7 enfants par femme (1,8 en France). Ce taux a commencé à baisser mais reste au-dessus de la moyenne mondiale (2,5). En 1960, il était de 6,7. La lente décrue de la fécondité serait liée à une acceptation plus difficile qu’en Asie et en Occident des moyens contraceptifs. Le poids des religions, la faiblesse du niveau d’éducation, l’insuffisance du maillage médical, les rivalités nationales ou infranationales expliqueraient cette spécificité africaine. L’augmentation de la population est également imputable, comme cela avait été le cas en Europe dès la fin du XVIIIe siècle, au recul de la mortalité infantile. L’espérance de vie a augmenté passant de 42 à 62 ans en vingt ans.

Le défi de l’urbanisation

L’Afrique est le continent le moins urbanisé. 41 % de la population vit dans les villes quand le taux moyen à l’échelle mondiale est de plus de 50 % et qu’il est supérieur à 75 % au sein des pays avancés. En 1960, l’Afrique comptait 3 villes de plus d’un million d’habitants. Ce nombre est passé à 54 en 2015 et pourrait atteindre 100 en 2030. Lagos au Nigéria devrait voir sa population passer de 17 à 24 millions de 2018 à 2030. Abidjan, en Côte d’Ivoire devrait atteindre près de 8 millions d’habitants contre 5 millions actuellement. Cette urbanisation galopante se caractérise par le développement des bidonvilles. Ces derniers concentrent 75 % de la population urbaine en Ethiopie. La création de ces métropoles entraîne des migrations très importantes et déstabilisantes pour les États concernés. Elle génère d’importantes pollutions, eau, air, déchets. Les villes sont responsables de 70 % des émissions de CO2.

L’inconnue de la croissance

La forte augmentation de la population africaine exige un taux de croissance important pour simplement maintenir le niveau de vie des habitants. La population active africaine devrait augmenter de 1,2 milliard de personnes d’ici 2050 quand elle diminuera de 57 millions en Europe. Pour limiter les migrations, il faudra que l’économie africaine créée plus de 40 millions d’emplois par an. Plus de 41 % de la population subsaharienne vit avec moins de 1,9 dollars par jour, ce qui caractérise l’extrême pauvreté. En 2030, 9 personnes sur 10 en situation d’extrême pauvreté résideront en Afrique. Actuellement, 55 % des pauvres du monde (moins de 5 dollars par jour) sont des Africains. Sur les 27 pays les plus pauvres du monde, 26 sont en Afrique. Pour enrayer cette situation, il faudrait que la croissance moyenne de l’Afrique soit dans les prochaines années de 8%. Aujourd’hui, elle se situe au mieux entre 3 et 5%. Le PIB du continent africain est de 2 251 milliards de dollars (à titre de comparaison, celui de la France est de 2 600 milliards de dollars). Le PIB par habitant est de 1 848 dollars soit inférieur de 20 % à celui des Chinois. Il est vingt fois plus faible que celui des Français (38 500 dollars en 2017). Les écarts sont très importants d’un État à un autre et au sein des États africains. Ainsi, le PIB par habitant à l’Île Maurice est de 10 500 dollars en 2017 contre 320 dollars au Burundi. Le PIB médian est de 1050 dollars pour l’ensemble du continent africain. Compte tenu de l’évolution démographique et du rythme de croissance, la capacité de l’Afrique à rattraper son retard est faible sauf à changer radicalement de modèle économique. L’espoir repose sur l’émergence d’une classe moyenne et sur l’élévation du niveau de formation.

A la recherche de la classe moyenne africaine

Les estimations de la classe moyenne africaine varient d’un institut à un autre. Ainsi, la Banque africaine de développement estime cette classe moyenne à 350 millions d’habitants quand la Banque mondiale retient un chiffre de 140 millions. Le Crédit Suisse considère qu’elle ne dépasserait pas 20 millions de personnes. Or, la création d’un cycle de croissance autoalimenté passe par une classe moyenne de taille suffisante. Elle doit dépasser le quart de la population pour pouvoir jouer son rôle moteur. Or, elle n’est que 14 de 20 % en Afrique du Nord, en Afrique du Sud et en République du Congo. Elle se situe autour de 15 % en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Cameroun ou au Kenya.

Les migrations au cœur du problème africain

70 % des migrants africains restent en Afrique, 15% se rendent en Europe et le solde sur les autres continents. Ce taux tend à baisser ces dernières années. Compte tenu de l’évolution de la démographie les pays du Sahel sont les plus concernés par les mouvements de population. D’ici la fin du siècle, une quarantaine de millions de personnes pourraient partir de cette région. Actuellement, les migrants optent pour l’Afrique du Sud et l’Afrique du Nord ainsi que dans certains Etats à forte croissance au risque de générer des troubles. Les luttes ethniques sont bien souvent des conflits sociaux ou des conflits de la misère. L’arrivée de migrants en provenance d’une même région crée des réactions pouvant être violentes. Contrairement à quelques idées reçues, les migrants n’appartiennent pas aux catégories les plus pauvres, ni les moins bien formées. Pour partir de son pays, il est nécessaire d’avoir quelques moyens et de disposer de quelques compétences ainsi que de la volonté suffisante pour franchir bien des obstacles. L’augmentation des ressources des ménages en Afrique devrait donc déboucher sur celle des migrations. Selon le géographe américain, Wilbur Zelinsky, il existe une relation en « U » inversée entre migration et développement. Dans les faits, l’Afrique subsaharienne émigre peu en raison de la grande pauvreté qui y sévit. Si la situation économique et sociale s’améliore, il faut s’attendre à une augmentation des flux. Pour l’économiste Thu Hien Dao, l’émigration progresse au sein d’une population quand le revenu annuel par habitant dépasse 6000 dollars. Actuellement, en Afrique subsaharienne, il ne s’élève qu’à 1500 dollars.

Quel avenir pour l’Afrique ?

La capacité de gérer les flux de population sera un enjeu majeur des trente prochaines années tant pour les pays africains que pour ceux d’Europe. L’aide au développement montre depuis des années ses limites. Au cours des cinquante dernières années, l’Afrique a reçu 1000 milliards de dollars sans que les effets escomptés soient au rendez-vous. Les aides qui représentent 15 % du PIB africain ont été détournées de leurs objectifs pour de nombreux experts comme l’économiste zambienne Dambisa Moyo. Pour d’autres, c’est la baisse de cette aide, depuis la crise de 2008, qui contribue à l’accroissement des problèmes en Afrique. Les Etats africains éprouvent les pires difficultés à réaliser les infrastructures nécessaires au développement de leur économie. Le taux de pauvreté ne baisse plus depuis quelques temps. Il est, en moyenne, de plus de 35 %. Une majorité des Etats sont handicapés par la faiblesse de leur système financier. Les ménages sont peu bancarisés. Le financement des investissements ne peut pas s’opérer de manière efficiente. Pour favoriser une auto-alimentation de la croissance, la création de zones de libre échange en Afrique est mise en avant. Ces zones favoriseraient les échanges, la concurrence. Elles permettraient de structurer les économies. L’objectif d’une moindre dépendance aux cours des matières premières est prioritaire pour amener une croissance dite plus inclusive. Cela nécessite également quelques progrès en matière de gouvernance afin de lutter contre la corruption et les inégalités.

 

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